Reportée à cause de l’incendie de Notre-Dame, l’allocution d’Emmanuel Macron, qui avait en partie fuité dans la presse, avait déjà perdu de son effet « Waouh ». Une déception d’autant plus perceptible auprès de l’opposition sénatoriale. « Édouard Philippe avait dit, dès le 5 mars, qu’il y aurait de la déception, il ne s’est pas trompé. Après 5 mois de crise sociale, 12 millions d'euros pour le grand débat national, nous avons un Président qui nous annonce avoir découvert la France », lâche exaspéré le sénateur socialiste Rachid Temal.
Si Emmanuel Macron a adopté hier soir une posture proche du mea culpa, Rachid Temal s’étonne qu’il ait finalement annoncé sa volonté de rester « droit dans ses bottes » en maintenant que les fondamentaux de sa politique devaient être « préservés, poursuivis et intensifiés ».
« On nous dit que ces mesures vont être gagées par des économies mais où et comment ? »
Sur le fond des mesures annoncées, « on est dans le grand flou artistique », estime le sénateur LR et vice-président du Sénat, Philippe Dallier. « Lundi, le Sénat doit débattre du programme de stabilité des finances publiques et on se demande si l’exercice a encore un sens sachant que l’on tire déjà un trait sur l’équilibre budgétaire en 2022 », s’interroge-t-il. Institué par le Pacte de stabilité et de croissance, le programme de stabilité établi au niveau national permet au Conseil de l’UE d’émettre ses recommandations en matière de finances publiques. Un exercice qui promet d’être laborieux pour la France cette année. « Avec les annonces de décembre, on est sur un total d’environ 20 milliards d’euros supplémentaires », constate Philippe Dallier et de s’interroger : « On nous dit que ces mesures vont être gagées par des économies mais où et comment ? »
« Dans les annonces d’hier, il y a beaucoup de choses qui existent déjà », critique de son côté Rachid Temal en prenant l’exemple des maisons de service public qui devraient ouvrir dans chaque canton. « Sur les 2 000 maisons de service public qu’il promet, 80 % ont déjà été ouvertes sous François Hollande », s’agace-t-il. « Emmanuel Macron n’a pas répondu ni à la crise sociale ni au grand débat puisqu’il a évacué une des revendications premières : le rétablissement de l’ISF », regrette-t-il encore. Selon Rachid Temal, ces mesures ont en plus le tort d’exclure les Français les plus vulnérables, « un Français sur deux ne paye pas d’impôts, qu’est-ce que les baisses d’impôts vont arranger pour eux en matière de pouvoir d’achat ? »
Les mesures annoncées risquent de peser sur les collectivités, pour Philippe Dallier
Membre de la commission des Finances, Philippe Dallier émet d’autres craintes vis-à-vis de ces annonces : « Le président de la République dit que le financement viendra de la suppression de niches fiscales pour les entreprises, c’est simple mais pour ce qui est de la réduction des dépenses de l’État, c’est plus compliqué ». Lui craint que le coût de « ces mesures repose in fine sur les collectivités locales, notamment avec le déploiement des maisons de service public ou les classes d’école à 24 élèves ». Un scénario inquiétant pour Philippe Dallier qui soulève par ailleurs le fait que le Président n’a pas apporté de précisions sur la suppression de la taxe d’habitation qui constituait une des principales sources de revenus des mairies. Rachid Temal partage un constat similaire en prévoyant qu’au bout du compte « les Français vont payer l’addition ».
Vous l’aurez compris, la conférence de presse du président de la République ne contribuera pas à le réconcilier avec l’opposition qui n’a vu dans cet exercice qu’un « gouvernement affolé, perdu qui essaie de rattraper aux branches ».