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Annonces de François Bayrou sur les retraites : au Sénat, on salue « la politique des petits pas », mais on attend de voir les détails

François Bayrou a annoncé sa volonté de reprendre dans le prochain budget de la Sécu les avancées issues du conclave sur les retraites. Une décision relativement appréciée au Sénat. Le sénateur LR Philippe Mouiller demande cependant si c’est « réellement sans impact budgétaire ». « Tout ce qui est utile aux Français, on le prend », réagit pour sa part le socialiste Patrick Kanner, alors que les députés PS maintiennent leur motion de censure.
François Vignal

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C’est l’alchimiste Bayrou en action. Faire passer une absence d’accord pour un quasi-accord. Et demander aux partenaires sociaux de continuer à discuter, alors que le conclave sur les retraites est terminé. Le tout emballé dans le budget de la Sécu.

Des avancées « soumises à l’automne au Parlement dans le cadre du PLFSS »

Le premier ministre a annoncé ce jeudi, lors d’une conférence de presse, son intention de reprendre tous les points sur lesquels les partenaires sociaux se sont entendus, dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Si les partenaires sociaux « ne se mettent pas d’accord » sur les derniers points qui ont bloqué, notamment la « réparation » de la pénibilité, « le gouvernement prendrait ses responsabilités » et ferait des propositions « de compromis qui seraient introduites dans le texte, en prenant en compte tous ces progrès, qui sera soumis à l’automne au Parlement dans le cadre du PLFSS. Il y aura une démarche législative au Parlement pour répondre à toutes les questions posées », assure François Bayrou (voir vidéo ci-desous). Le premier ministre répond ainsi dans l’esprit, mais pas à la lettre, à l’engagement qu’il avait pris dans son courrier envoyé aux socialistes de reprendre les éventuelles « avancées » dans « un nouveau projet de loi », en cas d’absence d’accord global. C’est à cette occasion que les députés PS s’étaient engagés à ne pas le censurer, l’hiver dernier.

Côté points d’accord, qu’il compte reprendre, le locataire de Matignon cite notamment l’amélioration du « droit des femmes ayant eu des enfants ». Au lieu des 25 meilleures années utilisées comme référence pour le calcul des pensions, syndicats et patronat se sont entendus pour que ce « soit ramené aux 24 meilleures années pour celles ayant eu un enfant, et à 23 pour celles ayant eu deux enfants ou davantage ». Autre point où « tous les participants » se sont entendus : réduire l’âge de départ pour une retraite à taux plein, sans un nombre suffisant de trimestres, de 67 ans à 66 ans et demi. Les partenaires sociaux se sont aussi entendus pour réintégrer les trois critères ergonomiques pour la prise en compte de la pénibilité (charge lourde, exposition aux vibrations et postures difficiles) et sur l’idée d’aboutir à la mise en place d’une « cartographie des métiers exposés » (lire notre article pour plus de détails sur les annonces).

Le sénateur LR Philippe Mouiller « plutôt en soutien de la démarche », mais il attend de voir « l’impact financier »

A chaud, les sénateurs contactés saluent plutôt les déclarations, tout en attendant de voir. « Pour l’instant, on est dans les intentions et pour pouvoir réagir pleinement, j’ai besoin d’avoir plus d’éléments sur les conditions et le coût de l’opération. Est-ce réellement sans impact budgétaire ? Et si on introduit ces mesures dans le PLFSS, la question globale de l’équilibre des comptes sociaux est en jeu », réagit le sénateur LR Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales du Sénat. Le sénateur des Deux-Sèvres apprécie en revanche le véhicule législatif choisi. « Clairement, je préfère qu’on travaille dans le cadre du PLFSS, qu’avoir un texte spécifique sur les retraites, car on aurait du mal à ce que le débat se limite aux accords entre partenaires sociaux », souligne le sénateur LR. « Après, est-ce un succès ou pas ? Nous, on croit beaucoup au dialogue social, et par définition on a toujours un regard bienveillant sur les accords qui pourraient être trouvés entre partenaires sociaux », souligne Philippe Mouiller.

Sur le fond, « tous les points d’amélioration – je pense aux carrières des femmes, aux carrières hachées – sont des points essentiels. Je suis plutôt satisfait que globalement, il y ait des accords trouvés. C’était le point d’achoppement de la réforme des retraites. Donc je suis plutôt en soutien de la démarche », affirme Philippe Mouiller, mais encore une fois, il a « besoin d’avoir l’impact financier » pour se prononcer globalement. Car soit « c’est un équilibre global annuel, soit il intègre l’équilibre global sur les 10 ans qui viennent, dans une situation où les comptes sociaux sont déjà dans une situation catastrophique », alerte le président de la commission.

« François Bayrou est à la fois résilient et habile » salue François Patriat

« Ça prouve que le conclave n’a pas été inutile. Il a permis d’aborder tous les sujets », salue pour sa part François Patriat, président du groupe RDPI (Renaissance), autre composante du socle commun au Sénat. « On pense qu’il gagne du temps, mais pendant ce temps-là, il agit. Il ne va pas obtenir plus car les partenaires sociaux ne sont pas d’accord sur tout. C’est l’échec des partenaires sociaux, si le conclave n’aboutit pas, ce n’est pas son échec à lui », souligne le chef des sénateurs macronistes. Il ajoute : « A partir du moment où il n’y a aucune majorité à l’Assemblée pour voter un texte, ce sont des petits pas, qui permettent de retrouver le sens du dialogue social et d’avancer un peu ».

Alors que beaucoup, y compris dans son camp de l’ex-majorité présidentielle, prennent François Bayrou de haut, rageant sur ses fautes de communication, une forme de suffisance apparente ou l’absence de réformes d’envergure, François Patriat salue au final son agilité politique. « Il est à la fois résilient et habile. A partir du moment où il traduit dans le PLFSS les mesures, ça reviendra devant le Parlement comme il l’avait dit. J’espère que ce sera de nature à faire réfléchir, à l’issue de ce processus, les socialistes, puisqu’ils ont obtenu en partie gain de cause sur des sujets essentiels », avance le sénateur Renaissance de la Côte-d’Or.

« Ce sera des départs plus tôt pour 4 ou 5 millions de Français » apprécie Patrick Kanner

Tout dépend à quel socialiste on s’adresse en réalité. Car si Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat, est sur ses gardes, il ne peut nier quelques points positifs. « Je ne comprends rien, il n’y a pas d’accord, mais il y a un accord », commence par railler le sénateur du Nord. Mais pour Patrick Kanner il faut prendre ce qui est bon à prendre. « C’est la politique des petits pas, qui vont permettre à des millions de Français d’améliorer leur vie quotidienne », dit-il lui aussi, « c’est l’esprit de la négociation qu’on a menée en janvier avec Olivier Faure et Boris Vallaud (son homologue de l’Assemblée, ndlr). C’est la part entre l’idéal et le réel. Tout ce qui est utile aux Français, on le prend », lance Patrick Kanner. Car à la clef, ce sera « au PLFSS des avancées sur des mesures qui remettent en cause l’âge de départ, car ce sera des départs plus tôt pour 4 ou 5 millions de Français ». Soulignant « l’utilité » des socialistes dans cette séquence, il insiste :

 Je ne crache pas dans la soupe, si des millions de Français évitent l’âge de départ à 64 ans, car on aura accompagné cette négociation. C’est la politique des petits pas qui vont dans le bon sens, même si on reste attachés au retour aux 62 ans. 

Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat.

L’ancien ministre de François Hollande attend cependant « la confirmation effective que c’est bien dans le PLFSS. Tant que je ne l’ai pas vu… Là, il y a un engagement verbal. Mais il faut que ce soit confirmé dans les faits ».

Dans ces conditions, reste une question : la motion de censure déposée par les députés PS a-t-elle encore un sens ? « Il faut poser la question à Boris Vallaud », botte en touche Patrick Kanner, qui cependant « ne regrette pas la motion de censure, qui a peut-être dramatisé une situation qui force chacun à prendre ses responsabilités ».

« Tentative d’enfumage » pour les députés PS

La réponse vient pour l’heure d’Arthur Delaporte, porte-parole du groupe PS de l’Assemblée. Pour les députés socialistes, la conférence de presse ne change rien. Ils maintiennent leur motion de censure. « Aujourd’hui, le premier ministre est dans une tentative d’enfumage. Il cherche à gagner du temps alors qu’il est face à un échec : car certains sont partis du conclave en cours de route, car il n’y a pas d’accord, et c’est un échec politique, car il n’aura pas réussi à tenir sa propre parole par rapport au Parlement. Il avait dit qu’il y aurait un texte au Parlement, et là, il dit qu’il y aura deux/trois mesures dans le PLFSS. Nous, on veut un texte ad hoc », prévient le député PS du Calvados, qui ajoute « : C’est une manière de s’asseoir sur le Parlement. C’est la raison pour laquelle nous le censurerons ». Là aussi, il faudrait peut-être mettre tout le monde autour de la table des négociations.

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