Après la chute du gouvernement de Michel Barnier, le chef de l’Etat dispose d’une marge de manœuvre aussi réduite qu’au lendemain des législatives anticipées pour trouver un nouveau Premier ministre, dans la mesure où les équilibres politiques restent les mêmes à l’Assemblée nationale, observe le sondeur Stéphane Zumsteeg, invité de Public Sénat ce mercredi 4 décembre. Toutefois, l’échéance budgétaire de la fin d’année devrait pousser Emmanuel Macron à agir rapidement.
Annonces de Gabriel Attal sur l’agriculture : « Les agriculteurs se méfient toujours »
Par François Vignal
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« On ne vous lâchera pas, je ne vous lâcherai pas. Vous non plus, ça je sais ! » Gabriel Attal s’est rendu auprès des agriculteurs, en Haute-Garonne, ce vendredi, pour faire une série d’annonces et tenter de calmer la fronde qui sévit depuis une semaine (voir notre article sur le détail des propositions).
Le décorum n’a rien du hasard. Cloche de l’église qui sonne au loin et notes posées sur des ballots de paille, Gabriel Attal tente de reprendre la main au milieu de cette exploitation bovine de Montastruc de Salies. Le premier ministre entend « lancer une mobilisation nationale pour notre agriculture ». Attendu sur le gazole non-routier (GNR), Gabriel Attal a annoncé vouloir « passer à la déduction de l’exonération au pied de la facture », c’est-à-dire faire « la remise à la pompe immédiatement de l’exonération », et non après coup. Une mesure qui ne change rien pour les caisses de l’Etat. Autre annonce : « On va arrêter avec cette trajectoire de hausse sur le GNR ».
Côté PAC, « il faut simplifier », avec « une nouvelle dérogation sur la question des jachères ». Sur les normes, sujet qui revient souvent, « on va lancer un mois de la simplification », avec une série de mesures reprises dans le projet de loi que présentera le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau. Mais dès aujourd’hui, Gabriel Attal annonce « dix mesures de simplification immédiates », comme la réduction du délai de recours contre un projet, ou « supprimer un échelon de juridiction ». Pour l’administration, il évoque « un contrôle unique pour les exploitants », et passer, pour les haies, de « quatorze à une réglementation ». Il évoque également l’accélération « à fond sur les aides d’urgence » et « une enveloppe conséquente » sur la viticulture. A noter, Gabriel Attal parle d’« une pause » sur les zones humides et tourbières « pour discuter du zonage et des principes de non transposition ». Sans oublier le renforcement des contrôles sur la loi Egalim et des sanctions à venir.
« On a fait un match, il a été long »
Jérôme Bayle, éleveur de bovins de Haute-Garonne, à l’initiative du blocage de l’A64 près de Toulouse et l’une des figures du mouvement, semble satisfait, à chaud. Il n’exclut pas de lever son blocage. « On a fait un match, il a été long. Il a duré huit jours. Il y a de grande chance que demain après-midi, l’autoroute puisse fonctionner », a réagi auprès des journalistes présents sur place l’agriculteur, qui pense cependant que « ça ne satisfera pas tous les agriculteurs en France. Mais le GNR, c’est un plan national, tout le monde en est content ». Quelques minutes plus tard, il a confirmé la levée du barrage de Carbonne, pour samedi midi.
En revanche, Luc Mesbah, secrétaire général de la FDSEA de Haute-Garonne, a pointé sur BFM TV « beaucoup de mesurettes ». Le GNR ? « Une petite mesure de 15 centimes que percevaient les agriculteurs au bout de quelques mois et qu’on recevra directement à la pompe », minimise le responsable syndical. Invité du 20 heures de TF1, Arnaud Rousseau, président de la FNSA, est allé plus loin. Il a annoncé son appel à « poursuivre la mobilisation », car les annonces de Gabriel Attal « ne répondent pas à la totalité des questions que nous nous posons ».
Sur les normes, « c’était ce qu’on avait proposé dans la proposition de loi du sénateur LR Laurent Duplomb », souligne Sophie Primas
Présente ce vendredi soir aux côtés d’agriculteurs, qui bloquent dans les deux sens le péage de Buchelay, sur l’A13, dans son département des Yvelines, la sénatrice LR Sophie Primas raconte les réactions, sur place : « Pendant 40 minutes, il n’y a eu que du blabla et de l’enrobage. Des gens me disaient « quand est-ce qu’il accouche ? » Les agriculteurs, les jeunes autour de moi, ils ne comprennent pas en partie, en fait, les mesures annoncées sur le GNR. Ils ne comprennent pas si c’est l’abandon de la diminution de l’exonération, votée dans le dernier budget, ou une mesure de trésorerie. Mais en réalité, elle persiste », pointe l’ancienne présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, qui demande « l’abandon de cette diminution de l’exonération ».
Bon point qu’elle accorde en revanche à Gabriel Attal : un début de simplification des normes. « C’était ce qu’on avait proposé dans la loi compétitivité pour les agriculteurs, la PPL du sénateur LR Laurent Duplomb, votée en mai au Sénat, avec une baisse des délais de recours, l’idée d’enlever une juridiction de recours », souligne Sophie Primas, qui salue « tout ce qui va dans le sens de la simplification ». Au final, « c’est un début, mais les agriculteurs se méfient toujours », juge la sénatrice LR.
« S’il n’y plus de normes, ça va être open bar », met en garde le socialiste Jean-Claude Tissot
A gauche, le sénateur PS de la Loire, Jean-Claude Tissot, reconnaît que « sur le GNR, on peut s’en réjouir ». Mais il pointe aussitôt « une future loi aux contours très flous. Il n’y a rien sur le partage de la valeur ajoutée. A part le GNR, il n’y a rien pour soulager immédiatement les trésoreries ». Cet ancien éleveur de moutons dénonce aussi « un vrai recul sur les normes environnementales qui ne vont en rien soulager les exploitations. Et rien sur la concurrence déloyale ». Pour le socialiste, le compte n’y est pas : « Le producteur est toujours une variable d’ajustement entre la transformation et la distribution, les problèmes structurels de certaines filières sont sans réponse ».
Quant aux mesures de simplification des normes, comme sur les haies, il met en garde. « Ça n’a aucun sens. C’est de la démagogie pure et simple. Vouloir supprimer des normes ou des règlements de façon aussi forte, ça va pénaliser les plus petits, les plus faibles. Et ça risque de conforter les plus gros, au détriment des plus faibles », alerte Jean-Claude Tissot. Le sénateur socialiste prévient qu’« il faut faire très attention avec ça. Il faut simplifier les normes, mais ça protège l’agriculture française malgré tout. S’il n’y plus de normes, ça va être open bar ».
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