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Annonces de Gabriel Attal sur l’agriculture : « Du recyclage » pour la droite, un retour en arrière pour les écolos

Interrogés par Public Sénat, les sénateurs réagissent aux dernières annonces du Premier ministre sur les agriculteurs.
Romain David

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Après les annonces du Premier ministre Gabriel Attal, la FNSEA, principal syndicat agricole, appelle à la levée des barrages. Ce jeudi, l’exécutif a dévoilé une série de mesures, en complément des annonces déjà faites la semaine dernière, et destinées à calmer la grogne du monde paysan, vent debout depuis une dizaine de jours contre l’accumulation des normes, les charges administratives, les rémunérations trop basses, les contraintes imposées par la Politique agricole commune (PAC), ou encore les distorsions de concurrence.

« Avons-nous répondu au malaise ? à l’évidence non. Avons-nous fait des erreurs ? À l’évidence oui », a reconnu Gabriel Attal, avant d’annoncer, pêle-mêle, l’inscription de la souveraineté alimentaire dans la loi, le déblocage de 150 millions d’euros pour les éleveurs, le renforcement des contrôles autour des négociations commerciales avec la grande distribution, ou encore la « mise en pause » du plan Ecophyto destiné à réduire le recours aux pesticides.

« Les choses vont dans le bon sens, même si je pense qu’un certain nombre de mesures étaient déjà dans les tuyaux, et d’autres ont déjà été prises », commente la sénatrice LR Sophie Primas, membre de la commission des affaires économiques et vice-présidente du Sénat. « Je pense à l’inscription de la souveraineté alimentaire dans la loi, qui figure déjà dans le Code rural. Je note qu’en mai dernier, un amendement des LR et des centristes proposaient d’inscrire cette souveraineté directement dans le Code pénal, mais le gouvernement s’y était opposé. Si c’est pour redire ce qu’il y a dans le Code rural, ça ne sert à rien. Les symboles doivent aussi avoir une utilité. »

« On ne traitera pas le mal »

Auteur d’une proposition de loi « pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France », adoptée par le Sénat en 2023, et d’un second texte « tendant à répondre à la crise agricole », son collègue LR Laurent Duplomb, spécialiste des questions agricoles, y voit « pas mal de recyclages, avec quelques mesures intéressantes », telles que la remise à plat du plan Ecophyto, une meilleure protection des agriculteurs contre les recours abusifs pour troubles anormaux du voisinage, ou encore une montée en puissance sur les mesures miroirs pour soumettre au même régime de normes les produits importés et ceux produits en France.

« Mais on ne traitera pas le mal. Quand on reconnaît ses erreurs, il faut les corriger. Le Premier ministre s’engage à éviter les surtranspositions des règlements européens, mais il n’efface pas ce qui a déjà été fait », regrette l’élu. Il évoque ainsi l’interdiction des néonicotinoïdes, qui pénalise la filière de la betterave face aux importations ukrainiennes de sucre et, possiblement, face à celles d’éthanol en provenance d’Amérique du Sud, si l’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur venait à voir le jour.

« On refuse de mettre en place des mesures miroirs contre les importations de poulets car la France n’en produit pas assez. Mais justement, ce sont les normes que nous nous sommes imposées, et que nous n’imposons pas aux autres, qui ont tué la filière ! C’est kafkaïen », dénonce encore le sénateur de Haute-Loire, éleveur de profession.

« Tout ce qui est annoncé va à rebours de la transition agricole »

Pour le sénateur écologiste Daniel Salmon, le gouvernement a fait le choix de prendre le problème à l’envers, avec « un amoindrissement des mesures environnementales et des faveurs supplémentaires accordées aux exploitants les plus aisés ». Il vise notamment la hausse du seuil d’exonération sur les successions agricoles, destinée à faciliter les transmissions. « Tout ce qui est annoncé va à rebours de la transition agricole. Comme si le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité, la crise de l’eau n’existaient pas ».

Gabriel Attal a indiqué la mise en place d’une « clause de sauvegarde » pour interdire les importations de fruits et légumes traités au thiaclopride, un pesticide interdit dans l’Union européenne. « Pourquoi cette molécule-là plutôt qu’une autre ? Au lieu de prononcer les interdictions au cas par cas, interrogeons-nous sur la méthode. On retire du marché les molécules le plus efficaces, parce qu’elles sont aussi les plus dangereuses pour l’environnement, mais derrière on les remplace en volume par d’autres produits. Il faut challenger cette logique », estime Sophie Primas. Laurent Duplomb y voit une forme « d’affichage » : « C’est un simple effet d’annonce, car vous ne pouvez pas faire de clause de sauvegarde visant plusieurs produits à la fois. »

À l’évocation du plan Ecophyto, Daniel Salmon soupire : « De toute façon, on ne peut pas dire qu’il était très probant. Mais ce n’était certainement pas le moment de le mettre sur pause puisque cela fait déjà 20 ans que l’on stagne sur le sujet ».

« J’aimerais bien que l’on évite de faire des négociations commerciales un feuilleton à la Netflix »

En parallèle des annonces du Premier ministre, Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie a évoqué une multiplication des contrôles dans les prochains jours chez les industriels et les distributeurs, alors que les négociations commerciales annuelles viennent de se clôturer. « Bruno Le Maire fait beaucoup de bruit autour des contrôles, mais j’aimerais bien que l’on évite de faire des négociations commerciales un feuilleton à la Netflix. Il y aura certainement de grosses amendes, quelques cas emblématiques qui vont servir la com’ de Bercy, mais l’on aurait davantage intérêt à dédramatiser les choses au lieu de monter les différents acteurs les uns contre les autres, c’est en ce sens notamment qu’il faut retravailler les lois Egalim », soutient la sénatrice.

« On est sur du redéploiement, et pas sur du pérenne. L’exécutif déshabille Paul pour habiller Jacques », regrette Daniel Salmon.

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