L'affaire Benalla et les "dysfonctionnements" qu'elle a révélés n'ont fait que renforcer le projet d'Emmanuel Macron de réformer en profondeur l'organisation de l'Elysée, en créant une direction générale des services et un commandement unique des forces de sécurité, a indiqué son entourage.
En prenant ses fonctions en mai 2017, l'ex-secrétaire général adjoint de l'Elysée connaissait déjà la lourdeur des procédures, le lent cheminement des innombrables parapheurs -- liasses de documents papiers qui doivent recueillir toute une chaîne de signatures --, le cloisonnement entre des services qui fonctionnent "en silos", le recours insuffisant à l'informatique ou encore une répartition des tâches parfois absurde, explique son entourage.
Tout en réformant au pas de charge le code du travail durant l'été 2017, pour ce qui concerne l'Elysée, le président avait pris le temps d'évaluer la situation.
En octobre 2017, il a lancé une "revue générale des services" qui a duré jusqu'en décembre, mettant en évidence, entre autres, les travaux indus effectués par certains services.
Par exemple, le commandement militaire, chargé de la sécurité du Palais, réalisait la revue de presse quotidienne et chapeautait le service d'impression des cartons d'invitation.
Le GSPR (Groupe de sécurité de la présidence de la République), chargé de la sécurité du président durant ses déplacements, s'occupe des bagages des conseillers.
"Ce qu'a apporté l'affaire Benalla est d'avoir révélé d'autres dysfonctionnements, par exemple dans l'organisation hiérarchique", explique-t-on à l'Elysée.
"Le président a souhaité que le travail mené sous l’autorité du secrétaire général Alexis Kohler soit également nourri de ce qu'on pouvait identifier après l'affaire Benalla" pour une réorganisation qui concernera la logistique comme les transports, la sécurité ou encore la communication. La réforme devrait être enclenchée "d'ici la fin de l'année" et s'étaler sur plusieurs mois.
- "Relations immatérielles" -
L'affaire a notamment montré "des dysfonctionnements sur les relations immatérielles à l'Elysée, pas forcément visibles", explique l'entourage du président.
En clair, personne au palais n'oserait remettre en cause les faits et gestes d'une personne visiblement proche du président, comme ce fut le cas pour Alexandre Benalla.
"Tout à l’Elysée est basé sur ce que l’on peut vous prêter en termes de proximité avec le chef de l’Etat. Est-ce qu’il vous a fait un sourire, appelé par votre prénom, etc. C’est un phénomène de cour", avait admis M. Benalla lui-même dans une interview au Monde.
Un autre handicap est l'absence à l'Elysée d'administration propre: le personnel est composé de fonctionnaires mis à disposition par leur administration d'origine, qui impute leur salaire à la présidence, et ce jusqu'au personnel du standard, mis à disposition par Orange. Ce qui explique que l'Elysée n'ait ni médecine du travail en propre, ni syndicats. Parfois, ils en dépendent encore hiérarchiquement. Ainsi le service du protocole dépend du Quai d'Orsay.
D'où la décision d'Emmanuel Macron de nommer un directeur ou une directrice générale des services ayant autorité sur les quelques 820 collaborateurs de l'Elysée.
Cette fonction, qui a existé sous d'autres présidents, relevait jusqu'ici du directeur de cabinet Patrick Strzoda, qui est accaparé par les missions régaliennes, explique la présidence.
La sécurité est, elle, éclatée entre le commandement militaire, qui dépend de l'Elysée, dirigé par le général Eric Bio Farina, chargé de la sécurité du Palais et des résidences présidentielles, et le GSPR, qui assure la sécurité du président lors de ses déplacements et dépend du ministère de l'Intérieur.
Depuis plusieurs mois, le commandant militaire et le patron du GSPR Lionel Lavergne étudient une manière de placer les deux entités sous un commandement unique, qui pourrait dépendre de l'Elysée, indique la présidence.
"L'enjeu est une continuité dans la sécurité et une rationalisation des moyens," justifie l'Elysée, qui se défend de toute intention de créer une garde prétorienne.
Alexandre Benalla avait participé à des réunions sur ce rapprochement mais Patrick Strzoda, durant son audition à l'Assemblée, a catégoriquement nié que son ancien adjoint ait été pressenti pour diriger ce nouveau service unifié.
M. Benalla a décrit au Monde les réticences que ce projet suscite. "On avait bien avancé, mais on avait en face un ministère de l’Intérieur qui refusait de participer à l’élaboration de cela. Je n’aurais eu aucun rôle dans la future structure", avait-il affirmé.