Même une partie de ses soutiens ont fini par le lâcher. L’Assemblée nationale a renversé François Bayrou et son gouvernement ce lundi 8 septembre, refusant de lui accorder la confiance par 364 voix « contre » et seulement 194 « pour ». Un scrutin qui a fortement divisé les députés Les Républicains, pourtant partie prenante du bloc gouvernemental. Sur 49 élus : 27 ont voté pour, 13 contre et 9 se sont abstenus.
Un peu plus tôt à la tribune, Laurent Wauquiez, le président du groupe Droite Républicaine, avait évoqué « la liberté de vote » accordée à ses députés, en contradiction avec la ligne fixée par Bruno Retailleau, le président des LR. « Nous avons un chef qui donne le la, et il avait appelé à la stabilité », regrette auprès de Public Sénat la sénatrice Dominique Estrosi Sassone. Invité du journal de 20 heures de France 2, le patron des LR a finalement temporisé : « Notre électorat était divisé. Ce qui est mal passé auprès des Français, ce sont les deux jours fériés supprimés. Je l’avais dit au Premier ministre », a tenté de justifier Bruno Retailleau.
Fin de règne
« Certains ont pensé qu’en votant la confiance, ils allaient donner l’impression d’offrir un quitus à François Bayrou. Or, les élus redoutent les conséquences d’une dissolution sur le terrain », explique la sénatrice LR de Paris Agnès Evryen. Son collègue Marc-Philippe Daubresse, lui-même ancien député, abonde : « Quand le risque de dissolution est patent, le député ne vote plus en fonction de ce que lui dit son parti, mais de ce qu’il entend sur le terrain ! ». En clair : certains élus LR ont d’abord pensé à leur siège avant de sauver le Premier ministre.
« À la tribune, François Bayrou a été factuel, mais plus rien ne pouvait faire bouger les lignes », poursuit Marc-Philippe Daubresse. Il estime que le Premier ministre « a organisé son départ, considérant que son discours sur la dette n’était pas entendu ». « L’esprit des institutions voudrait qu’une coalition qui renverse le gouvernement soit en mesure de proposer un gouvernement alternatif, on en est très très loin, puisque la gauche et le RN ont mêlé leurs voix », raille le sénateur LR Max Brisson.
Bruno Retailleau rejette l’hypothèse d’un gouvernement qui pencherait à gauche
Désormais, l’avenir des Républicains s’annonce incertain. Ce week-end, à l’occasion de leur rentrée parlementaire à Port-Marly dans les Yvelines, Bruno Retailleau s’est inscrit en porte à faux des déclarations de Laurent Wauquiez sur la non-censure d’un gouvernement PS. « Il est hors de question, comme vous le savez, qu’on accepte demain qu’un Premier ministre socialiste soit nommé à Matignon », a corrigé le Vendéen. « J’ai entendu les propositions de Monsieur Faure à Blois, ce sont toujours les vieilles lunes qui ont affaibli la France ! », a-t-il encore taclé ce lundi sur le plateau de France 2.
« Nous ne soutiendrons pas un gouvernement qui conduit une politique orthogonale à nos propositions, cela c’est certain », détaille Agnès Evren. Elle précise toutefois : « Mais nous ne censurons pas par principe ». « La droite est bien consciente qu’au vu de la situation, il faudra trouver des compromis sur des sujets majeurs », ajoute-t-elle.
Bruno Retailleau assure « ne pas être sur les rangs » pour prendre la suite de François Bayrou à Matignon. « Ce qui m’importe c’est de servir mon pays. Je verrai si je serai dans le prochain gouvernement, il y a des conditions pour cela, rien n’est automatique », a-t-il déclaré. Il a fait savoir qu’il proposerait un nouvel accord de gouvernement, articulé autour de quatre axes : « Mieux rémunérer le travail », « la maîtrise des comptes publics », « la maîtrise de l’immigration » et « la sécurité ». Selon lui, même les électeurs socialistes « veulent moins d’immigration, veulent de la sécurité et veulent de la justice dans l’effort ».
« Nous aurons une nouvelle dissolution ! »
En vérité, à un peu moins de deux ans de la présidentielle, la droite tergiverse sur le maintien de l’alliance passée avec les macronistes il y a un an, et donc sur sa participation à un gouvernement dont la stabilité reposerait à nouveau sur le bloc central. « Aujourd’hui, il est très difficile de se projeter », concède la sénatrice Dominique Estrosi Sassone. « C’est vrai que nous avons des débats à ce sujet : faut-il être responsables ou dans le rejet du macronisme ? », résume Max Brisson, qui rappelle la situation paradoxale de sa famille politique, restée dans l’opposition jusqu’en 2024, et toujours très critique sur le bilan du chef de l’Etat. « Il serait insupportable que nous soyons sanctionnés dans les urnes au titre du macronisme, alors que nous n’en avons jamais été ! »
« En tout cas, il faut que le président aille suffisamment vite pour trouver un nouveau chef de gouvernement. C’est dans l’intérêt du pays », martèle Dominique Estrosi Sassone, qui s’alarme notamment face aux échéances budgétaires.
« On voit bien que même si Emmanuel Macron nomme un Premier ministre rapidement, un socialiste risque d’être censuré, et une personnalité issue du bloc central, sans changement de politique, serait également censurée », analyse Marc-Philippe Daubresse. « À neuf mois des municipales et à moins de deux ans de la présidentielle, le prochain gouvernement, quelle que soit sa nature, aura deux chances sur trois d’être censuré ! Mon pronostic, c’est que nous aurons une nouvelle dissolution. »
Mais Bruno Retailleau se veut plus méfiant sur cette hypothèse, estimant « qu’une nouvelle dissolution serait une marche vers la destitution du président de la République ». « C’est ce que veulent certains, ceux qui cherchent le chaos », a averti le locataire de la place Beauvau, au moins encore pour quelques jours.