Avant la commission mixte paritaire sur le budget, les oppositions formulent leurs réserves sur le texte issu du Sénat. Sur le plateau de Parlement Hebdo, l'écologiste Guillaume Gontard dénonce un budget « totalement austéritaire », le député RN, Gaëtan Dussausaye, évoque un « budget de punition sociale ». Néanmoins, le fond des critiques et la position à adopter en cas de recours au 49-3 divergent.
Après la chute du gouvernement Barnier, quelles sont les options pour Emmanuel Macron ?
Par François Vignal
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Et maintenant, que va-t-il faire ? Après la censure du gouvernement Barnier, la France se retrouve sans premier ministre, ni ministre. Charge à Emmanuel Macron de nommer un successeur à Michel Barnier. Après l’interminable attente de l’été dernier, suite à la dissolution, le chef de l’Etat serait enclin à se décider beaucoup plus vite. Mais quelles sont ses options ?
Une démission écartée
La France Insoumise et certains responsables RN ont beau le demander, Emmanuel Macron a coupé court, lui-même, à l’hypothèse : il ne démissionnera pas. « Tout ça, c’est de la politique-fiction, ça n’a pas de sens », « ce n’est franchement pas à la hauteur de dire ces choses-là », a-t-il balayé en début de semaine devant la presse, lors de son déplacement en Arabie Saoudite. « Il se trouve que si je suis devant vous, c’est que j’ai été élu deux fois par le peuple français. J’en suis extrêmement fier et j’honorerai cette confiance avec toute l’énergie qui est la mienne jusqu’à la dernière seconde pour être utile au pays », soit jusqu’en 2027, prévient le chef de l’Etat.
Renommer Michel Barnier
Même joueur, joue encore ? Il peut le faire. Rien n’empêche Emmanuel Macron de renommer Michel Barnier. Si le principe est constitutionnellement possible, c’est politiquement impensable. L’intéressé a lui-même écarté l’hypothèse. « Qu’est-ce que ça a comme sens, si je tombe demain, après-demain, et qu’on me retrouve là comme si de rien n’était, comme si rien ne s’était passé ? » a demandé mardi le désormais ex-premier ministre, invité de TF1 et France 2.
L’idée semblerait d’autant plus étonnante que les trois derniers mois n’ont pas été évidents pour celui qui s’est éclipsé de la scène médiatique. « On sait qu’Emmanuel Macron n’est pas un gros fan de Barnier, qu’il déteste ce budget, qu’on détricote petit à petit tout ce qu’on a fait », glissait quelques jours avant la censure un ancien ministre macroniste. Le même ajoutait : « Si on fait la même chose, de la même manière, pour espérer un résultat différent, ce n’est pas possible ».
Nommer vite un premier ministre de droite ou du bloc central
C’est l’option qui semble tenir la corde. Nommer un premier ministre issu de la droite ou du bloc de l’ex-majorité présidentielle. L’avantage pour Emmanuel Macron : il sait où il va. Il peut partir du principe qu’un « PM » de droite ne ferait pas table rase de sa politique. Mais ce n’est pas une assurance. Michel Barnier est revenu sur les baisses de cotisations pour les entreprises et voulait créer des taxes exceptionnelles pour les grandes entreprises et les plus riches. Soit des décisions à l’encontre des marqueurs macronistes.
Plusieurs noms sont sur la table. Celui du ministre de la Défense, Sébastien Lecornu, revient avec insistance. Il était déjà cité l’été dernier. Il a l’avantage d’être un ex-LR et de bénéficier de la clémence du RN. Par l’entremise de Thierry Solère, conseiller officieux du Président, il a accepté de dîner avec Marine Le Pen il y a quelques mois, comme l’avait révélé Libération.
Toujours dans le camp présidentiel est évoquée l’hypothèse François Bayrou. Le président du Modem, blanchi dans le procès des assistants des eurodéputés de son parti, en rêve depuis longtemps. Il aurait l’avantage de pouvoir parler à une partie de la gauche, tout en sachant montrer du respect au RN.
A droite, c’est l’hypothèse François Baroin qui fait son retour, comme publicsenat.fr l’a révélé mardi 3 décembre. « Le nom de François Baroin recircule. C’est un homme de consensus, qui a des liens avec les syndicats, les partis politiques », nous confiait le sénateur LR Roger Karoutchi, « mais ça ne suffit pas ».
Mais l’idée de renommer un premier ministre de son camp ou LR fait face à plusieurs écueils, à commencer par le risque d’être à nouveau censuré par le RN et la gauche. Même cause, même effets ? Par ailleurs, nommé un premier ministre macroniste serait politiquement risqué, après la défaite des européennes et des législatives.
Un pacte de non-censure, du PS au LR, avec un premier ministre issu de la gauche à la clef
C’est l’option qui monte et qui semble même devenir de l’ordre du possible, du moins sur le papier. Mais on peut parier qu’Emmanuel Macron n’en voudra pas. L’idée vient du PS. Boris Vallaud, qui préside le groupe socialiste de l’Assemblée, a mis le 24 novembre sur la table cette « sortie de crise » possible » : « Je proposerai que tous les présidents de groupes de l’Assemblée et du Sénat, de l’arc républicain, de poser la question des conditions d’une non-censure ».
Depuis, l’idée a fait son chemin. L’ensemble du PS la défend, du premier secrétaire Olivier Faure, au président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner, mais aussi les écologistes. Marine Tondelier propose un « plan d’urgence transitoire », comme Yannick Jadot. Dans l’esprit des responsables PS, cela passerait par un premier ministre issu de la gauche, mais pas forcément membre du Parti socialiste. En revanche, LFI ne veut absolument pas de cette idée. L’initiative lancée par le PS met d’ailleurs à mal le Nouveau Front Populaire.
Mais le pacte de non-censure ne se limite à la gauche. Ce qui lui donne corps, c’est qu’il s’étend au bloc central. Le président de l’UDI et du groupe Union centriste du Sénat, Hervé Marseille, l’a défendu à son tour mardi, sur publicsenat.fr. Le Modem souhaite aussi répondre à la main tendue du PS.
Mieux : mercredi, c’est Gabriel Attal qui a repris à son compte l’idée. Il défend également « un accord de non-censure des LR au PS. C’est la seule équation politique où le RN n’est pas en capacité d’être arbitre et de dicter la politique du gouvernement », a confié mercredi le député au Parisien. « S’il y a coalition, le PS n’aura pas l’abrogation de la réforme des retraites et les LR n’auront pas leur loi immigration », imagine Gabriel Attal.
Et les LR ? Laurent Wauquiez a prévenu qu’il n’y aurait pas d’automaticité à ce que les LR soutiennent le prochain gouvernement. Mais invité ce matin de France 2, le président du groupe Droite républicaine s’est montré constructif. « On ne sera pas dans le blocage, on ne sera pas dans la stratégie du pire […], on ne fera pas tomber le gouvernement, on ne fera pas ce qu’a fait Marine Le Pen », assure Laurent Wauquiez.
On voit que ce pacte de non-censure pourrait avoir une existence. Reste encore à s’entendre sur les quelques grands sujets, non clivants, sur lesquels avancer. Un plus petit dénominateur pas évident à trouver, mais pas impossible. Mais malgré la possibilité d’une porte de sortie, Emmanuel Macron pourrait ne pas vouloir faire entrer au gouvernement, même comme ministres, ceux, en l’occurrence le PS, qui ont voté la censure, et qui par ailleurs voudraient revenir en partie sur son bilan.
Le gouvernement technique
L’idée est évoquée, mais semble peu probable. « Le moment n’a jamais été autant politique. Je ne vois pas comment on peut faire de la politique avec des techniciens. D’ailleurs, je ne sais pas ce que c’est, un technicien », avance Hervé Marseille, président du groupe centriste du Sénat. « Un gouvernement technique, c’est ce qui reste quand on a tout essayé. C’est la dernière étape avant l’extrême droite », lâche un ancien ministre d’Emmanuel Macron.
Une grande consultation, un référendum : quelles autres options ?
Et si Emmanuel Macron nous surprenait ? Le chef de l’Etat, qui parle ce soir à 20 heures, a souvent su être là où on ne l’attendait pas. Que pourrait-il faire ? Pourquoi pas gagner du temps en lançant une grande initiative, type grande consultation des forces vives et corps intermédiaires. Le Président n’aime d’habitude se voir imposer le rythme. Mais l’urgence qu’impose l’adoption des textes budgétaires va à l’encontre de cette hypothèse.
Autre idée : annoncer un référendum. C’est un peu l’arlésienne des deux quinquennats d’Emmanuel Macron. L’idée de faire appel au peuple est souvent revenue depuis l’élection du chef de l’Etat. Mais pour poser quelle question ? Un référendum sur les institutions ? Sur l’immigration ? A questions multiples ? L’option permettrait à Emmanuel Macron de reprendre un temps la main, politiquement, mais ne résoudrait pas l’équation politique. Et on connaît l’effet boomerang du référendum : que les Français répondent à celui qui pose la question, pas à la question posée.
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