Paris : Tv Interview of Francois Bayrou
JEANNE ACCORSINI/SIPA

Après la chute du gouvernement Bayrou, le bloc central penche pour un membre… du bloc central

Pour les parlementaires du bloc central, l’après s’écrit toujours du côté du bloc central, malgré la chute de François Bayrou. « Les socialistes nous sanctionnent et il faudrait le lendemain matin les soutenir ? » s’étonne le président de l’UDI, Hervé Marseille. « Le chef de l’Etat doit nommer un premier ministre rapidement », pense le sénateur Renaissance, François Patriat, mettant en garde sur les « difficultés à avoir un budget dans les temps ».
François Vignal

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« C’est la chronique d’une chute annoncée ». François Patriat, à la tête des sénateurs macronistes, résume la situation, après la chute du gouvernement Bayrou. Comme attendu, l’Assemblée nationale a voté contre la confiance, par 364 voix contre, 194 pour et 15 abstentions. Et avec, c’est un drôle de sentiment, celui de retourner à la case départ, qui domine, plus d’un an après la dissolution ratée.

« Ce n’est pas une surprise. Je suis consterné, exaspéré de voir que des élus de la Nation font passer avant leurs intérêts personnels, les intérêts de leur parti, plutôt que l’intérêt des Français et du pays. Les arguments avancés ne valent pas contre l’insécurité que cela va faire peser sur l’économie française. On va ajouter de la difficulté à la difficulté, des incertitudes économiques, sociales, sur l’investissement, sur les collectivités », réagit le président du groupe RDPI (Renaissance) du Sénat.

« Un premier ministre de gauche fera fuir la droite » met en garde François Patriat

Il met en garde : « Tout ça nous entraîne vers des difficultés pour avoir un budget dans les temps. Mais malgré tout, je ne suis pas pessimiste. Le chef de l’Etat doit nommer un premier ministre rapidement », pense François Patriat.

Dans un communiqué, l’Elysée a fait savoir que le président de la République prenait « acte » de l’issue du vote. Il recevra demain le premier ministre « pour accepter la démission de son gouvernement » et « nommera un nouveau premier ministre dans les tout prochains jours ». Certains imaginent voir apparaître la fumée blanche d’ici la fin de la semaine.

Pour François Patriat, la solution pour Matignon n’est en tout état de cause pas à gauche. « J’opte pour un premier ministre du bloc central, qui pourrait parler à la gauche et à droite. Si c’est un premier ministre de gauche, il fera fuir la droite », soutient le sénateur de la Côte-d’Or. Reste que Laurent Wauquiez a dit, contredisant son chef de parti, Bruno Retailleau, que les LR ne censureraient pas un premier ministre de gauche. Mais ce macroniste historique se méfie. « Laurent Wauquiez n’arrive pas à tenir ses troupes, qui ont fait monter le score du contre à 364. Donc les engagements de Laurent Wauquiez… » met en garde François Patriat. Mais si le premier ministre est issu du bloc central, comme il l’espère, il devra en revanche « faire des concessions, à la droite, et à la gauche, sur la fiscalité, l’hôpital, les retraites, avec la pénibilité ».

Gabriel Attal propose qu’Emmanuel Macron nomme « un négociateur »

Plutôt que de nommer directement un nouveau premier ministre, Gabriel Attal a une autre proposition. Le secrétaire général de Renaissance et président du groupe EPR à l’Assemblée met une idée iconoclaste sur la table, ce lundi soir. Estimant que « le président de la République doit montrer qu’il est prêt à accepter de partager le pouvoir », il « propose donc que le président de la République désigne un négociateur, en actant dès le départ qu’il ne sera pas Premier ministre. Il serait chargé de réunir dès ce mardi 9 septembre et pendant trois à quatre semaines, l’ensemble des chefs de partis représentés à l’Assemblée 24 heures sur 24, sept jours sur sept, pour s’entendre sur un accord. Ce compromis budgétaire permettrait ensuite la nomination d’un premier ministre qui serait le garant de cet accord », avance Gabriel Attal dans un entretien au Parisien.

Dans son esprit, il s’agirait d’« une personnalité qui ne serait forcément pas issue du monde politique, mais peut-être du monde syndical, ou associatif. Une figure consensuelle, capable sur son nom de mettre l’ensemble des chefs de partis politiques autour d’une table. Et avec pour mission d’arriver à un accord minimal sur quelques points clés ». Comme chacun devra faire des concessions, le patron de Renaissance « pense, par exemple, qu’il vaut mieux accepter de faire un peu moins d’économies, mais être certain d’avoir un budget, que de tenir mordicus sur le chiffre de 44 milliards d’euros en étant certain de ne pas avoir de budget ».

Hervé Marseille prône « un premier ministre du socle commun, qui devra négocier avec le PS »

Pour l’UDI, autre composante du bloc central, son président, Hervé Marseille, ne peut que prendre acte du résultat. « Bilan de l’opération, le gouvernement a chuté. Malheureusement, ce résultat était attendu et prévisible », réagit celui qui préside aussi le groupe union centriste du Sénat. Il veut « saluer François Bayrou, son travail, son action, sa pugnacité, son courage. Il a remis la dette au centre des débats et de la situation du pays ».

Reste que « dans un contexte international mouvementé, on crée en France une crise politique au moment où le pays n’en a pas besoin ». Hervé Marseille renvoie la responsabilité sur « les forces politiques contraires, qui associent leurs voix pour faire chuter le gouvernement », avec « une volonté de créer le chaos et à n’en pas douter d’atteindre le Président », dénonce le sénateur des Hauts-de-Seine.

Pour le centriste non plus, la sortie de crise ne passe pas par un premier ministre de gauche. « Les socialistes nous sanctionnent et il faudrait le lendemain matin les soutenir ? Et à l’approche des municipales ? » s’étonne Hervé Marseille, pour qui le salut passe encore par « un premier ministre du socle commun, qui devra négocier avec le PS, c’est une obligation. Il n’y a pas d’autre solution. Mais il faut que chacun fasse preuve de responsabilité, car les propositions du PS, c’est 30 milliards d’impôts en plus. C’est inacceptable ». Il y a peut-être encore du chemin, avant de trouver des compromis.

« François Bayrou a préféré le monologue au dialogue, ce n’est pas une surprise », pointe Nathalie Loiseau

Du côté du parti d’Edouard Philippe, Horizons, on renvoie ce soir dos à dos les deux bords de l’échiquier politique. « L’extrême-droite vomit la gauche à longueur de journée, la gauche en fait autant vis-à-vis de l’extrême-droite, mais elles n’ont aucun problème à joindre leurs voix. On ne doit pas l’ignorer », réagit l’eurodéputée Nathalie Loiseau. « Le RN voulait s’embourgeoiser en se rendant au MEDEF et en portant costume et cravate, mais en fait, ils n’écoutent personne et sont coresponsables de l’instabilité et de la bordelisation », dénonce la responsable d’Horizons.

Bien que membre de sa majorité, l’ancienne ministre des Affaires européennes n’est pas tendre non plus avec le premier ministre sortant. « François Bayrou a préféré le monologue au dialogue, ce n’est pas une surprise mais il a préféré avoir raison tout seul plutôt qu’essayer de convaincre. Tout cela est consternant. Les Français sont désabusés par leur classe politique et il faut dire que certains font tout pour cela », pointe du doigt Nathalie Loiseau. Elle estime qu’« il n’y a aucune bonne solution possible avant la présidentielle, donc il faut attendre 2027 en espérant limiter les dégâts ». Et d’ici là, « il faut un gouvernement de coalition qui accepte de gouverner sur un programme de compromis. Ce que font tous les pays européens autour de nous. Sauf à dégoûter complètement les Français des partis « de gouvernement » », met en garde l’eurodéputée.

Pour Matignon, Sébastien Lecornu, Gérald Darmanin, Eric Lombard, Nicolas Revel ?

Même si le sujet est toujours glissant, reste la question, dont seul Emmanuel Macron a la réponse : celle du « qui » ? Du côté de l’UDI, on verrait d’un bon œil Jean-Louis Borloo. « Oui bien sûr. Il fait partie des gens qui peuvent contribuer à remettre ce pays sur les rails. Il a des idées, il est innovant », soutient Hervé Marseille.

Les autres noms qui circulent sont connus et habituels, maintenant, à chaque remaniement : Gérard Darmanin, qui a le défaut d’être un potentiel candidat en 2027, Catherine Vautrin qui a l’avantage de n’être candidate à rien, ou encore le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, dont la cote remonte ces derniers jours – le président testant son nom auprès de ses interlocuteurs – ou encore celui de l’Economie, Eric Lombard, qui mise sur ses contacts à gauche et fait campagne pour Matignon. Pourquoi pas aussi l’ancien ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, macroniste historique, qui revient aussi à chaque fois. Ou, plus risqué, un nouveau nom qui sort du chapeau : Nicolas Revel. L’actuel directeur de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) est surtout l’ancien directeur de cabinet de Jean Castex, à Matignon, et ex-secrétaire général adjoint de la présidence de la République de François Hollande. Mais attention, le « name dropping » devrait encore continuer quelques jours.

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