Faire la lumière – et des économies – sur les ambassadeurs thématiques. C’est ce qu’a cherché à faire la sénatrice UDI, Nathalie Goulet, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances 2020, au Sénat. La sénatrice de l’Orne a défendu un amendement visant à réduire de deux millions d’euros, ramenés à un million en séance, les crédits alloués par l’Etat. Manière de réduire le nombre d’ambassadeurs thématiques, sujet sur lequel la sénatrice revient depuis plusieurs années.
Un amendement qui arrive après la polémique sur Ségolène Royal. Nommée ambassadrice chargée de la négociation internationale sur les pôles Arctique et Antarctique en 2017 par Emmanuel Macron, l’ancienne ministre socialiste a été épinglée par une enquête de Radio France. Elle utiliserait ses collaborateurs, payés par de l’argent public pour sa mission, à des fins personnelles. Ségolène Royal, qui exerce sa fonction bénévolement, a dénoncé des « insinuations calomnieuses et diffamatoires ».
« Vraies niches pour les amis en mal d’exotisme ou les recalés du suffrage universel »
Si l’amendement de Nathalie Goulet a été rejeté de peu, il a relancé le débat et a permis d’avoir quelques chiffres. « Il s’agit d’avoir un peu d’éclaircissements sur les ambassadeurs thématiques. Ils ont été créés sous Jacques Chirac. Certains sont des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères (…) qui ne coûtent rien de plus que leurs salaires », a souligné Nathalie Goulet, mais « d’autres font l’objet d’une désignation tout à fait opaque et qui occasionne un certain nombre de frais pour lesquels le Parlement n’est pas éclairé. Et nous n’avons jamais ou quasiment jamais de rapport de mission de ces ambassadeurs ». La sénatrice prend exemple sur « la dernière en date », avec « Madame O, qui était la suppléante d’un ministre et qui est maintenant ambassadeur ». Delphine O, ancienne députée LREM, est par ailleurs la sœur du secrétaire d’Etat Cédric O. Regardez :
Ambassadeurs thématiques : Nathalie Goulet dénonce le manque de transparence
« Nous avons des ambassadeurs indiqués comme pro bono (non rémunérés, ndlr). Et je ne veux pas revenir sur la polémique récente à propos d’un ancien ministre qui a défrayé la chronique » ajoute la sénatrice, sans citer nommément l’ambassadrice chargée des pôles. Dans l’objet de son amendement, Nathalie Goulet est en revanche plus directe et prend moins de pincettes : « Ces postes sont des vraies niches pour les amis en mal d’exotisme ou les recalés du suffrage universel » peut-on lire. « Nous n’avons sur ce sujet aucune transparence, et le poste "pro bono" mais dispendieux de Madame Royal relance ce débat sur les modalités de nomination et la transparence des moyens conférés à ces ambassadeurs thématiques ».
Pour la commission des finances, le rapporteur de cette mission, Vincent Delahaye, sénateur UDI de l'Essonne, a pu obtenir quelques chiffres auprès de l’administration. « Il y a aujourd’hui 21 ambassadeurs thématiques, contre 19 en 2018 » a-t-il annoncé (voir vidéo ci-dessous). Un nombre qui évolue, les fonctions de ces ambassadeurs s’arrêtant avec leurs missions.
Vincent Delahaye : « Le coût annuel pour 2019 des 21 ambassadeurs thématiques est de 1,960 million d’euros »
« Sur les 21, 2 ne sont pas rémunérés, 3 ne perçoivent pas de rémunération complémentaire au titre de leur fonction (…), 16 sont rémunérés par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, (…) dont 8 diplomates de carrière et 8 personnalités extérieures au ministère », précise le sénateur centriste. Il ajoute :
« Le coût annuel pour 2019 des ambassadeurs thématiques, en termes de masse salariale, charges sociales comprises, est de 1,960 million d’euros »
Le Drian : « Il n’y a ni de trou noir, ni d’agenda caché »
Au micro du Sénat, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, s’est inscrit en faux contre les critiques de Nathalie Goulet et a pris totalement la défense des ambassadeurs. Selon l’ancien socialiste, « tout cela est d’une grande clarté et quand la mission est terminée, le poste est terminé aussi ». « Ils ne sont pas des ambassadeurs d’opportunité. Ce sont des vrais ambassadeurs », « des ambassadeurs pleins. Ils sont nommés en Conseil des ministres » a soutenu le ministre.
Sur ce dernier point, le sénateur LREM Richard Yung, qui a déjà planché sur le sujet, n’a pas été convaincu. « C’est vrai qu’une partie des nominations se font en dehors du Conseil des ministres » affirme le sénateur représentant les Français établis hors de France. « Il y a un certain nombre de sujets pour lequel on peut se poser des questions » a-t-il reconnu.
Le ministre n’en démord pas. Pour lui, il n’y a rien à redire. « Quand on nomme des ambassadeurs qui ne sont pas diplomates, c’est qu’il y a des compétences particulières », « il y a une lettre de mission sur chacun » soutient Jean-Yves Le Drian, qui insiste : « Je redis qu’il n’y a là ni de trou noir, ni d’agenda caché ».