Fete de l’Humanite 2023

Après l’attaque du Hamas contre Israël, la Nupes se disloque sur fond de tensions entre le PS et LFI

Certains socialistes demandent de rompre avec LFI, ou de casser la Nupes, suite à la réaction de LFI face à l’attaque du Hamas contre Israël, dénonçant une « ambiguïté » des insoumis. Les propos de Manuel Bompard qui exprime une « condamnation totale » de l’attaque ne calment pas le jeu. Evoquant « le massacre » de la rave party, le député LFI Paul Vannier affirme lui que le Hamas « commet un acte qu’on peut qualifier de terroriste, tout comme les bombardements de civils opérés par l’armée israélienne ». Pour le sénateur PS Patrick Kanner, l’épisode « est l’occasion de clarifier ce que doit être l’union de la gauche ».
François Vignal

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Pour la Nupes, c’est un nouveau sujet de discorde. Celui de trop, aux yeux de certains. L’attaque perpétrée par le Hamas contre Israël suscite en effet de nombreuses tensions au sein de La nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES), tweets et réactions à l’appui.

Indignation de plusieurs parlementaires socialistes

C’est entre La France Insoumise (LFI) et le Parti socialiste (PS) que le désaccord s’exprime le plus. Samedi matin, dans un communiqué, le groupe parlementaire des insoumis ne parle pas d’attaque terroriste du Hamas, classé comme tel par l’Union européenne, mais de « l’offensive armée de forces palestiniennes menée par le Hamas », qui « intervient dans un contexte d’intensification de la politique d’occupation israélienne ». Déplorant les « morts israéliens et palestiniens », le groupe LFI dénonce « l’escalade actuelle » et appelle à un « cessez-le-feu », appelant « toutes les parties » à « revenir à la table des négociations ».

« Toute la violence déchaînée contre Israël et à Gaza ne prouve qu’une chose : la violence ne produit et ne reproduit qu’elle-même. Horrifiés, nos pensées et notre compassion vont à toutes les populations désemparées victimes de tout cela. Le cessez-le-feu doit s’imposer. La France doit y travailler de toutes ses forces politiques et diplomatiques », réagit de son côté samedi Jean-Luc Mélenchon sur X (ex-Twitter), appelant à la solution « des deux Etats, conformément aux résolutions de l’ONU ».

Des mots qui ont vite suscité les critiques voire l’indignation de plusieurs membres du Parti socialiste. « Que certains à gauche parlent du Hamas comme des forces armées palestiennes me dégoûte. Le Hamas est une organisation terroriste », lance la députée socialiste Valérie Rabault. « Ça me dégoûte de voir et de constater que certains – le communiqué du groupe LFI, les tweets de (Louis) Boyard, de Jean-Luc Mélenchon et peut-être de quelques autres – ont immédiatement été dans une forme de relativisme, de renvoi dos à dos, d’absence de ce minimum de compassion qui fait notre humanité commune », réagit le député PS Jérôme Guedj sur la radio RCJ (Radio de la communauté juive). Au point que selon le député de l’Essonne, « la question » de rester dans la Nupes « se pose ». Le mot est lâché.

« Le PS doit sortir de la Nupes », soutient le sénateur Rachid Temal

Déjà mal en point depuis plusieurs mois, et alors que chaque composante va partir dans son couloir pour les européennes, la situation en Israël va-t-elle entraîner la fin de la Nupes ? Pour ses détracteurs de la première heure, c’est clairement l’occasion. « Le PS doit sortir de la Nupes », tranche sur le réseau social le sénateur PS Rachid Temal. La maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, « redit » elle « solennellement à (sa) famille politique, le Parti socialiste, qu’il est temps de mettre un terme à la mésalliance avec Jean-Luc Mélenchon qui n’a rien d’une union. Suivre Jean-Luc Mélenchon est une impasse ».

Lundi matin, sur France Inter, le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, ne parle pas de fin de l’union, mais prévient qu’« il y aura des explications à avoir » entre membres de la Nupes. Défendant « une position de fermeté de condamnation claire, totale, des actes terroristes produits par le Hamas », il ajoute : « La position, elle est simple, elle est claire, elle devrait être unanime. Que celles et ceux qui finalement ne tiennent pas compte de ce qu’est le centre de gravité de cette coalition [la Nupes] se posent des questions sur leur place dans cette coalition ».

La réaction de LFI après l’attaque du Hamas contre Israël est « indigne », selon la sénatrice PS Corinne Narassiguin

Corinne Narassiguin, nouvelle sénatrice PS et secrétaire national à la coordination du PS, prend aussi ses distances avec les Insoumis. La réaction de LFI après l’attaque du Hamas contre Israël, « très franchement, je trouve ça indigne. Et donc il va falloir avoir des explications à ce sujet et on en tirera les conséquences. […] La France a besoin d’une union de la gauche qui persiste. (…) Ça veut dire que ça doit se faire sur des bases claires. Et c’est en ce sens qu’il faudra avoir une explication claire avec LFI », affirme la sénatrice de Seine-Saint-Denis, invitée de la matinale de Public Sénat (voir la vidéo ci-dessous).

Toujours ce lundi matin, une évolution du ton semble s’opérer chez LFI. Invité des « Quatre vérités », sur France 2, Manuel Bompard, coordinateur de la La France Insoumise, exprime sa « condamnation totale » après l’attaque du Hamas, sa « condamnation et (sa) compassion, je crois qu’il faut commencer par ça », dit-il, comme s’il remettait les choses dans l’ordre. « Les actes qui ont été commis sont de manière très claire, en droit international, des actes qui s’apparentent à des crimes de guerre. Et je condamne bien évidemment les crimes de guerre. Je parle des actes commis par le Hamas, qui consistent notamment à des prises d’otages », comme « d’autres crimes de guerre qui sont les crimes de guerre commis par l’Etat israélien à l’égard des Palestiniens, depuis maintenant des années », affirme le député LFI des Bouches-du-Rhône.

« Les ambiguïtés de LFI sont insupportables » selon le sénateur PS Patrick Kanner

Pas de quoi rassurer les socialistes. « Tentative d’oral de rattrapage pour LFI. Mais trop de points de retard accumulés dans les épreuves écrites ces derniers jours », pointe la sénatrice socialiste Laurence Rossignol. « Manuel Bompard a un peu bougé ce matin », constate le président du groupe PS, Patrick Kanner, « mais en mettant toujours en parallèle » les deux camps. Le sénateur du Nord « pense que l’ambiguïté de LFI sur ces questions relève d’une absence de conscience vis-à-vis de ce qu’il s’est passé samedi. On a massacré des enfants, des femmes, des vieillards. On a raflé. On a vécu un Bataclan dans le désert, avec les 250 morts de la rave party ». Pour Patrick Kanner, « l’histoire se répète, pas avec les chiffres monstrueux de la deuxième guerre mondiale, mais avec la même logique d’extermination ». Il ajoute : « Les ambiguïtés de LFI sont insupportables. Alors peut-être pas de tous les leaders, j’ai bien vu François Ruffin qui a été d’une autre sensibilité ». Le député de la Somme a en effet exprimé dès samedi sa « condamnation totale de l’attaque du Hamas », posant cette question : « Comment imaginer une paix durable dans la région avec les acteurs en présence jouant la surenchère belliqueuse ? »

C’est aussi plus globalement le rapport face au conflit israélo-palestinien qui est soulevé, et des mots choisis. « Je ne défends pas le gouvernement de droite dure de Netanyahou. Bien évidemment, je dénonce les colonisations, les extrêmes israéliens », soutient Patrick Kanner, « mais rien ne peut justifier que des hommes et des femmes soit massacrés par des bêtes à visage humain ». Conclusion, provisoire de Patrick Kanner : « C’est l’occasion de clarifier ce que doit être l’union de la gauche dans ce pays ». Et lui aussi se pose la question de la présence du PS dans la Nupes. « Je la pose depuis longtemps. Si je considérais que cette question ne se posait pas, j’aurais tout fait pour qu’il y ait des sénateurs LFI au Sénat », lance le président de groupe, qui s’est opposé à un accord donnant le moindre siège à LFI aux sénatoriales.

« Il est indigne de se saisir d’une crise internationale pour justifier de ses positions anti-Nupes », selon le député LFI Paul Vannier

Preuve que l’ambiance est loin d’être à l’apaisement, du côté de LFI, on accuse certains socialistes de vouloir profiter du conflit pour régler leurs comptes avec les Insoumis. « Il est indigne de se saisir d’une crise internationale pour justifier de ses positions anti-Nupes », réagit auprès de publicsenat.fr le député Paul Vannier, chargé des élections à LFI. « C’est un débat très politicien, qui paraît en décalage total. Je les appelle à plus de solennité », ajoute le député du Val-d’Oise, qui ne semble pas surpris : « Le PS a posé des actes à propos de la Nupes, il assume la division aux sénatoriales, il vient d’annoncer une liste autonome aux européennes. De ce fait, il a clarifié son rapport à la Nupes ». Quant aux demandes d’explications du numéro 1 du Parti socialiste, il souligne que « ça fait des semaines que le PS ne vient plus aux réunions de l’inter-parti que nous avons plusieurs fois proposé de relancer. Il y a donc de l’hypocrisie dans les déclarations d’Olivier Faure. Nous sommes ouverts à tous les échanges. Nous n’avons aucune difficulté à aborder le sujet ».

Pour Paul Vannier, la déclaration de Manuel Bompard n’est pas en soi un ajustement. « Depuis le premier jour, nous avons condamné toutes les formes de violences. Notre communiqué le fait et dit la compassion à égard de toutes les victimes et appelle au cessez-le-feu immédiat. C’est la ligne que défend LFI depuis sa création et historiquement, la diplomatie française depuis la Ve République. Certains ont fait le choix de s’en écarter », avance le député.

S’il se défend de toute évolution dans le discours, Paul Vannier emploie cependant le terme « terroriste » pour qualifier l’une des actions du Hamas, tout en utilisant le qualificatif pour les deux parties :

 Le Hamas a commis des crimes de guerre. Le massacre horrible de cette rave party en est un. De ce fait, il commet un acte qu’on peut qualifier de terroriste, tout comme les bombardements de civils opérés par l’armée israélienne. Mais l’enjeu n’est pas un enjeu de qualificatif, c’est un enjeu politique : comment réunit-on les conditions pour l’arrêt immédiat des violences ? 

Paul Vannier, député LFI du Val-d'Oise

« Au fur et à mesure qu’on avait l’information, on a parlé de condamnation. J’ai parlé d’acte de terreur », défend le député LFI Eric Coquerel

Pour sa part, le député LFI Eric Coquerel ne nie pas, en creux, une évolution, entre le premier communiqué publié samedi matin par son groupe et les déclarations suivantes. Il l’explique par le niveau de connaissance des événements, dans la matinée, au moment de l’écriture du communiqué. « C’était l’information que tout le monde avait, c’était des attaques de roquettes », souligne celui qui est aussi président de la commission des finances de l’Assemblée. « Et au fur et à mesure qu’on avait l’information, on a parlé de condamnation. J’ai parlé d’actes de terreur », explique Eric Coquerel. Pour le député LFI, s’« il est évident que le massacre sur la rave party doit être qualifié de crime de guerre et condamné », il ajoute qu’« on voit bien que la rhétorique de Netanyahou, c’est de faire un parallèle entre le Bataclan et ce qu’il se passe là-bas, notre terrorisme islamiste et les Palestiniens ».

Pour le député de la Seine-Saint-Denis, il est indispensable de placer les événements dans leur contexte. « On dit que ça fait des mois et des mois que la politique d’Israël d’occupation, d’annexion et de colonisation décidée par le gouvernement Netanyahou est devenue toujours plus insupportable pour les Palestiniens. On ne peut pas réagir en isolant ce qu’il s’est passé, l’attaque du Hamas, de ces situations, car sinon, ça veut dire qu’on considère qu’il y a des victimes civiles insupportables, qui seraient israéliennes, et que les victimes palestiniennes ne nécessiteraient pas de réagir ». Il souligne que « vendredi, quatre Palestiniens ont été tués en Cisjordanie. J’aimerais connaître les réactions. Le nombre de Palestiniens tués depuis le début de l’année est quand même assourdissant, ce sont centaines de morts ».

Eric Coquerel « ne souhaite pas que ce soit la fin de la Nupes »

Alors Eric Coquerel est prêt, lui aussi, à avoir des explications avec Olivier Faure. Mais pour qu’« on ne se retrouve pas avec des attaques qui caricaturent notre position, comme l’a fait Elisabeth Borne et certains membres du PS ». « Il faut mettre les choses sur la table », lance le président de la commission des finances. Mais pas au point de la retourner. Il fait partie de ceux qui entendent défendre, et faire durer, le fruit de l’union des législatives de 2022. « Je ne souhaite pas que ce soit la fin de la Nupes. Je souhaite qu’on discute », demande Eric Coquerel. Reste à voir si un point de non-retour a été atteint. Pour Olivier Faure, « ces prises de position laisseront des traces ».

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