France Migration

Après le rejet du projet de loi immigration à l’Assemblée, quelles sont les options pour le gouvernement ?

Coup de tonnerre pour le gouvernement. Ce 11 décembre, l’examen du projet de loi immigration à l’Assemblée nationale a pris fin quelques heures après l’ouverture des débats, avec le vote d’une motion de rejet. Dans l’impasse, le gouvernement et son ministre de l’Intérieur accusent un échec cinglant. Plusieurs options sont envisagées pour l’avenir du texte.
Rose-Amélie Bécel

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

C’est un véritable coup de tonnerre pour le gouvernement. En fin d’après-midi ce 11 décembre, les députés de gauche et de droite – jusqu’au Rassemblement national – ont uni leurs voix pour adopter une motion de rejet préalable. Avant même d’entrer dans le cœur des débats, le très décrié projet de loi immigration est donc rejeté.

L’avenir du texte de loi est désormais entre les mains du gouvernement, qui devra trancher entre trois options. Le texte pourrait ainsi être renvoyé devant le Sénat, dans la version qui y a été votée en novembre, ou bien poursuivre son parcours législatif en commission mixte paritaire, où sept députés et sept sénateurs devront plancher sur une version de compromis. Enfin, le gouvernement peut choisir de le retirer, actant son désaccord avec les parlementaires.

« C’est un peu un 49.3 à l’envers »

Peu importe l’issue de cette séquence, pour le professeur en droit public Paul Cassia, elle aura au moins permis au Parlement de retrouver « la plénitude de ses fonctions délibératives ». « C’est un peu un 49.3 à l’envers, le Parlement a pris ses responsabilités face au gouvernement », ajoute-t-il. Alors qu’ils dénoncent régulièrement leur perte de pouvoir, les parlementaires se retrouvent ici au centre du jeu, analyse Paul Cassia : « Que le texte soit renvoyé au Sénat, ou en commission mixte paritaire, il sera aux mains de parlementaires majoritairement à droite. Ce serait alors un texte tout autre que celui élaboré par la majorité gouvernementale qui serait adopté. »

Troisième option possible, le gouvernement peut décider de retirer son texte. « Cette option est d’autant plus envisageable que, au vu du rejet préalable du texte à l’Assemblée, le voter en utilisant un 49.3 semble très risqué », indique Paul Cassia. « Pour le gouvernement, le choix se résume donc à accepter son échec politique aujourd’hui, ou bien à l’accepter demain », conclut-il.

Face à ce qui semble être une impasse, une dissolution de l’Assemblée est-elle envisageable ? Pour le maître de conférences en droit public Benjamin Morel, rien n’est moins sûr : « Ce qui est battu ici, c’est la stratégie de Gérald Darmanin. Mais cela ne veut pas dire pour autant que le pays est ingouvernable. La plupart des textes parviennent à faire leur chemin législatif, les budgets pour 2024 sont en train d’être votés… Le gouvernement n’est pas en nécessité de dissoudre ».

La méthode Darmanin « vole en éclats »

Si l’issue de cette séquence politique est encore incertaine, son grand perdant est évidemment Gérald Darmanin. Pour Benjamin Morel, le ministre de l’Intérieur paye son trop grand investissement personnel pour faire adopter ce texte. « Gérald Darmanin s’est identifié à son texte, en assurant qu’il ne passerait pas par un 49.3 et que ce serait sa victoire politique », analyse le constitutionnaliste.

Dans la soirée, le ministre a ainsi présenté sa démission à Emmanuel Macron, qui l’a refusée. « Le principal problème de ce quinquennat pour Emmanuel Macron, c’est l’absence de majorité parlementaire. Elisabeth Borne cherche à construire des majorités ad hoc sur chaque texte, ce qui fonctionne tant bien que mal. Gérald Darmanin a voulu prouver qu’il était capable de construire une alliance stable avec la droite. Il a fait face, d’entrée de jeu, à un non cinglant. Cette méthode, qui pouvait faire la valeur ajoutée de Gérald Darmanin, vole en éclats », analyse Benjamin Morel.

Pour le ministre de l’Intérieur, difficile de s’appuyer sur des Républicains, eux-mêmes divisés. Mercredi dernier, leur chef de file Olivier Marleix avait également déposé une motion de rejet du texte immigration, sans consulter son groupe, suscitant immédiatement des désaccords. La députée LR Michèle Tabarot avait par exemple confié avoir « un souci à voter avec la gauche ». « À l’Assemblée, les LR sont des survivants, ils ont été élus dans des circonscriptions avec des candidats Renaissance face à eux. C’est un groupe très déstructuré, qui ne doit rien à personne, il ne peut pas être un partenaire fiable pour le gouvernement », explique Benjamin Morel. Divisés, les 62 députés du groupe l’ont été jusque dans leur vote de cette motion de rejet : si 40 ont voté pour, deux s’y sont opposés et 11 se sont abstenus.

Dans la même thématique

Rally For Palestinian Prisoners SWITZERLAND.
4min

Politique

Hungry for Palestine : le collectif en grève de la faim depuis 23 jours reçu au Sénat

Vingt-trois jours de jeûne, seize villes françaises traversées : le collectif Hungry for Palestine était au Sénat le 22 avril 2025. Tous les membres du mouvement, présents au palais du Luxembourg, sont en grève de la faim depuis le 31 mars pour dénoncer l'inaction des pouvoirs publics et le non-respect du droit international dans la bande de Gaza. Le mouvement est né de l'impulsion de soignants, tous de retour de mission à Gaza.

Le

Tondelier 2
8min

Politique

Malgré des critiques, Marine Tondelier en passe d’être réélue à la tête des Ecologistes

Les militants du parti Les Ecologistes élisent leur secrétaire national. Bien que critiquée, la sortante Marine Tondelier fait figure de favorite dans ce scrutin où les règles ont été changées. La direction s’est vue accusée par certains de vouloir verrouiller le congrès. Si les écolos ne veulent pas couper avec LFI, le sujet fait débat en vue de la présidentielle.

Le

SIPA_01208671_000002
5min

Politique

Prisons attaquées : vers une nouvelle loi pour permettre l’accès aux messageries cryptées par les services de renseignement

Après la série d’attaques visant plusieurs établissements pénitentiaires, coordonnées au sein un groupe de discussion sur Telegram, le préfet de police de Paris, Laurent Nunez regrette que la disposition de la loi sur le narcotrafic, permettant aux services de renseignement d’avoir accès aux messageries cryptées, ait été rejetée les députés. La mesure pourrait réapparaître dans une nouvelle proposition de loi du Sénat.

Le

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six
4min

Politique

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six

La question d’un report des élections municipales de 2032 est à l’étude au ministère de l’Intérieur, en raison de la proximité d’un trop grand nombre de scrutins, notamment la présidentielle. Si le calendrier devait être révisé, et avec lui la durée du mandat des maires élus l’an prochain, cela nécessiterait une loi. Ce serait loin d’être une première sous la Ve République.

Le