France Migration
French Interior Minister Gerald Darmanin looks on at the National Assembly in Paris, Monday, dec. 11, 2023. A divisive migration bill that would speed up deportations reaches the lower house of French parliament. (AP Photo/Michel Euler)/ENA114/23345567525460//2312111650

Après le rejet du projet de loi immigration à l’Assemblée, quelles sont les options pour le gouvernement ?

Coup de tonnerre pour le gouvernement. Ce 11 décembre, l’examen du projet de loi immigration à l’Assemblée nationale a pris fin quelques heures après l’ouverture des débats, avec le vote d’une motion de rejet. Dans l’impasse, le gouvernement et son ministre de l’Intérieur accusent un échec cinglant. Plusieurs options sont envisagées pour l’avenir du texte.
Rose-Amélie Bécel

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

C’est un véritable coup de tonnerre pour le gouvernement. En fin d’après-midi ce 11 décembre, les députés de gauche et de droite – jusqu’au Rassemblement national – ont uni leurs voix pour adopter une motion de rejet préalable. Avant même d’entrer dans le cœur des débats, le très décrié projet de loi immigration est donc rejeté.

L’avenir du texte de loi est désormais entre les mains du gouvernement, qui devra trancher entre trois options. Le texte pourrait ainsi être renvoyé devant le Sénat, dans la version qui y a été votée en novembre, ou bien poursuivre son parcours législatif en commission mixte paritaire, où sept députés et sept sénateurs devront plancher sur une version de compromis. Enfin, le gouvernement peut choisir de le retirer, actant son désaccord avec les parlementaires.

« C’est un peu un 49.3 à l’envers »

Peu importe l’issue de cette séquence, pour le professeur en droit public Paul Cassia, elle aura au moins permis au Parlement de retrouver « la plénitude de ses fonctions délibératives ». « C’est un peu un 49.3 à l’envers, le Parlement a pris ses responsabilités face au gouvernement », ajoute-t-il. Alors qu’ils dénoncent régulièrement leur perte de pouvoir, les parlementaires se retrouvent ici au centre du jeu, analyse Paul Cassia : « Que le texte soit renvoyé au Sénat, ou en commission mixte paritaire, il sera aux mains de parlementaires majoritairement à droite. Ce serait alors un texte tout autre que celui élaboré par la majorité gouvernementale qui serait adopté. »

Troisième option possible, le gouvernement peut décider de retirer son texte. « Cette option est d’autant plus envisageable que, au vu du rejet préalable du texte à l’Assemblée, le voter en utilisant un 49.3 semble très risqué », indique Paul Cassia. « Pour le gouvernement, le choix se résume donc à accepter son échec politique aujourd’hui, ou bien à l’accepter demain », conclut-il.

Face à ce qui semble être une impasse, une dissolution de l’Assemblée est-elle envisageable ? Pour le maître de conférences en droit public Benjamin Morel, rien n’est moins sûr : « Ce qui est battu ici, c’est la stratégie de Gérald Darmanin. Mais cela ne veut pas dire pour autant que le pays est ingouvernable. La plupart des textes parviennent à faire leur chemin législatif, les budgets pour 2024 sont en train d’être votés… Le gouvernement n’est pas en nécessité de dissoudre ».

La méthode Darmanin « vole en éclats »

Si l’issue de cette séquence politique est encore incertaine, son grand perdant est évidemment Gérald Darmanin. Pour Benjamin Morel, le ministre de l’Intérieur paye son trop grand investissement personnel pour faire adopter ce texte. « Gérald Darmanin s’est identifié à son texte, en assurant qu’il ne passerait pas par un 49.3 et que ce serait sa victoire politique », analyse le constitutionnaliste.

Dans la soirée, le ministre a ainsi présenté sa démission à Emmanuel Macron, qui l’a refusée. « Le principal problème de ce quinquennat pour Emmanuel Macron, c’est l’absence de majorité parlementaire. Elisabeth Borne cherche à construire des majorités ad hoc sur chaque texte, ce qui fonctionne tant bien que mal. Gérald Darmanin a voulu prouver qu’il était capable de construire une alliance stable avec la droite. Il a fait face, d’entrée de jeu, à un non cinglant. Cette méthode, qui pouvait faire la valeur ajoutée de Gérald Darmanin, vole en éclats », analyse Benjamin Morel.

Pour le ministre de l’Intérieur, difficile de s’appuyer sur des Républicains, eux-mêmes divisés. Mercredi dernier, leur chef de file Olivier Marleix avait également déposé une motion de rejet du texte immigration, sans consulter son groupe, suscitant immédiatement des désaccords. La députée LR Michèle Tabarot avait par exemple confié avoir « un souci à voter avec la gauche ». « À l’Assemblée, les LR sont des survivants, ils ont été élus dans des circonscriptions avec des candidats Renaissance face à eux. C’est un groupe très déstructuré, qui ne doit rien à personne, il ne peut pas être un partenaire fiable pour le gouvernement », explique Benjamin Morel. Divisés, les 62 députés du groupe l’ont été jusque dans leur vote de cette motion de rejet : si 40 ont voté pour, deux s’y sont opposés et 11 se sont abstenus.

Partager cet article

Dans la même thématique

Après le rejet du projet de loi immigration à l’Assemblée, quelles sont les options pour le gouvernement ?
3min

Politique

Santé mentale : « 25% des lycéennes ont déjà pensé à la mort », s’alarme la spécialiste Angèle Malâtre-Lansac

Décrété « Grande cause nationale » en 2025, les troubles de la santé mentale concernent 13 millions de français. Un enjeu de santé publique qui touche fortement la jeunesse. Si la question est au centre du débat public, les solutions tardent à être mises en place et le secteur de la psychiatrie manque de moyens. Cette semaine dans Et la Santé ça va ?, Axel De Tarlé reçoit la sénatrice Céline Brulin et Angèle Malâtre-Lansac, déléguée générale de l’Alliance pour la Santé mentale pour en débattre.

Le

Après le rejet du projet de loi immigration à l’Assemblée, quelles sont les options pour le gouvernement ?
4min

Politique

Armement : Kaja Kallas appelle la France à « augmenter les cadences de production »

C’est la voix de la diplomatie européenne. Au moment où le cessez le feu connait des ratés à Gaza, et où la guerre s’enlise en Ukraine, quelle place pour les Européens ? Comment peser sur les grands conflits en cours ? Guerre en Ukraine, cessez-le-feu à Gaza, ou encore traité de libre-échange avec les pays du Mercosur, la Haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité Kaja Kallas défend son action et répond sans détour aux questions de Caroline de Camaret et d’Armen Georgian dans Ici l’Europe.

Le