Une motion de censure qui a fait plus de dégâts dans les rangs des oppositions que du côté du gouvernement. Lundi, Marine le Pen, cheffe de file des députés du Rassemblement national, a créé la surprise en faisant savoir que son groupe allait soutenir l’une des motions de censure déposée par la Nupes après l’emploi du 49.3 par l’exécutif. Ce coup politique, sans véritablement menacer le gouvernement puisqu’il a manqué une cinquantaine de voix pour que la motion soit adoptée, a surtout permis à l’extrême droite de pousser un peu plus les LR – qui se sont abstenus - vers la majorité, mais aussi de semer le trouble au sein de la gauche. Boris Vallaud, le président du groupe PS, a ainsi confié sur notre antenne avoir reçu « un coup de poing dans le ventre » lorsqu’il a réalisé qu’un texte co-signé par les socialistes allait recevoir l’approbation du RN.
Résultat : la nouvelle motion de censure déposée par LFI, après un nouveau recours au 49.3 de la part de l’exécutif mercredi soir, ne sera pas signée ni par les écologistes ni par le PS. Officiellement, il s’agit de ne pas banaliser l’emploi de cet outil constitutionnel qui peut permettre au Parlement de faire tomber le gouvernement. Toutefois, sans l’avoir signé, ils pourront toujours la voter. « À la France insoumise, personne n’est mal à l’aise avec ce qui est en train de se passer. Au sein de la Nupes il y a un débat stratégique sur ce sujet, c’est une évidence, mais je ne lui donne pas une importance fondamentale », a commenté ce vendredi le député LFI Manuel Bompard, invité de l’émission « Extra local » sur Public Sénat.
« Quand on dépose une motion de censure, ça n’est pas pour faire semblant »
« Le gouvernement a utilisé à deux reprises le 49.3 la semaine dernière, une troisième fois cette semaine, et peut-être une quatrième ce soir. Les parlementaires ont la possibilité d’avoir recours à une motion de censure. Lorsqu’on la dépose, c’est avec la volonté qu’elle puisse être votée par une majorité de députés à l’Assemblée nationale, sinon il ne faut pas en déposer. Quand on dépose une motion de censure, ça n’est pas pour faire semblant. Quand on dépose une motion de censure, c’est que l’on pense que ce que fait le gouvernement est grave, et donc qu’il faut lui envoyer un signal politique extrêmement clair », a plaidé ce proche de Jean-Luc Mélenchon. « Je ne suis pas d’accord avec celles et ceux qui se sentent mal à l’aise avec cette situation », poursuit l’élu, qui se félicite de l’avertissement envoyé à la majorité : « J’observe que le gouvernement a été extrêmement fragilisé et que c’est la motion de censure qui a recueilli le plus de voix depuis le début de la mandature ». (239 suffrages, alors que 289 voix - la majorité absolue - sont nécessaires pour une adoption).
Différencier motion et accord politique
« Faire un procès à des parlementaires de la Nupes, parce que la motion qu’ils ont déposée a été soutenue par des parlementaires du Rassemblement national, en donnant le sentiment que c’est comme s'ils étaient prêts à gouverner ensemble, est complètement absurde. C’est un procès cynique qui est insupportable et inacceptable », s’agace Manuel Bompard. « En France, contrairement à ce qui peut se passer en Allemagne, en Espagne et en Belgique par exemple, quand vous déposez une motion de censure, vous n’avez pas besoin de dire quelle serait votre majorité alternative », pointe le député. « Ce n’est pas parce que différents partis politiques votent cette motion que vous avez un accord ou une volonté de gouverner ensemble. Jamais ! »