Après les avocats, Nicole Belloubet va-t-elle s’aliéner magistrats et greffiers?
Incrédules ou "consternés" de voir leur ministre jouer la carte de la "division", des syndicats de magistrats et de greffiers ont...

Après les avocats, Nicole Belloubet va-t-elle s’aliéner magistrats et greffiers?

Incrédules ou "consternés" de voir leur ministre jouer la carte de la "division", des syndicats de magistrats et de greffiers ont...
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Par Sofia BOUDERBALA

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Incrédules ou "consternés" de voir leur ministre jouer la carte de la "division", des syndicats de magistrats et de greffiers ont sèchement réagi mardi au message de "soutien" que leur a adressé Nicole Belloubet dans le contexte de la grève des avocats.

"Outre qu'essayer de diviser pour mieux régner, c'est moche", "le soutien ne s'affirme pas mais se démontre. Et là, on attend": ce tweet du premier syndicat de magistrats (USM) résume bien les réactions au courrier de la garde des Sceaux, renvoyée à sa propre "responsabilité" dans l'épuisement de la Justice, crument mis en lumière par la grève des robes noires.

Alors que les avocats entamaient leur septième semaine de grève dure contre la réforme de leur régime autonome de retraites, la ministre a voulu rassurer juges, procureurs et greffiers, qui croulent sous les dossiers et peinent à assurer le fonctionnement du "service public de la Justice".

Plusieurs chefs de juridiction s'en sont plaints, à Toulouse ou Paris, reprochant aux avocats une forme d'irresponsabilité face aux justiciables: des audiences à rallonge jusqu'au milieu de la nuit, de dramatiques litiges familiaux reportés à 2021 ou le risque de voir libérer des personnes dangereuses une fois les délais passés.

Lundi soir, Nicole Belloubet a donc envoyé par courriel une lettre - que l'AFP a pu consulter - disant "avec chaleur", tout son "soutien", sa "reconnaissance" et son "indéfectible confiance" aux forçats des chambres et prétoires, déplorant un mouvement de grève qui "porte atteinte au fonctionnement de l'institution judiciaire".

"Lorsque la sérénité sera revenue, nous aurons à surmonter cette épreuve et à renouer les liens avec les avocats, qui sont indispensables à l'œuvre de justice", affirme la garde des Sceaux.

- "Tentative désespérée de diviser" -

Cette façon d'opposer avocats et fonctionnaires, autant qu'un soutien affiché à ces derniers après des mois d'opposition à sa réforme de la Justice, ont ulcéré magistrats et greffiers.

"En quoi la ministre nous soutient-elle? Il n'y a aucune prise en compte de ce que l'on vit au quotidien, elle ne répond à aucune des questions soulevées par les réformes. Elle dit nous soutenir... les mots ne coûtent pas cher", a déclaré à l'AFP Céline Parisot, présidente de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).

"Consterné", le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) a dénoncé "une tentative désespérée de diviser, en feignant la compassion pour des professionnels que les réformes du gouvernement contribuent jour après jour à épuiser".

"Quant à votre soutien et votre +indéfectible confiance+, ils ne nous sont pas apparus flagrants lorsque nous avons apporté notre avis de praticiens sur la réforme de la justice ou encore sur celle de l'ordonnance du 2 février 1945 (sur la justice des mineurs, ndlr), sans que jamais vous n'en teniez compte", a aussi directement répondu le SM dans un courrier à la ministre.

Plus inhabituel, le Syndicat national des greffiers de France-FO est lui aussi monté au créneau, pour renvoyer le gouvernement à sa "responsabilité" dans l'épuisement général - "de réformes en organisations judiciaires, la fracture s'aggrave un peu plus chaque jour avec tous les acteurs judiciaires" - et pour dire sa solidarité avec les avocats.

"NON Madame la Ministre, ce mouvement de protestation –qui ne fait que s'ajouter à tous les autres– ne méconnait pas les attentes des justiciables: il tente bien au contraire d'en sauver l'avenir ou de leur en donner un", affirme cette organisation, un des principaux syndicats de greffiers.

Le courrier de Nicole Belloubet n'a pas manqué de faire réagir le Conseil national des barreaux (CNB), qui représente les 70.000 avocats de France: "Inutile de tenter de diviser magistrats/greffiers/avocats: ils subissent ensemble l'insuffisance des moyens de la justice".

"Les +moyens de procédure+ qui créent +des perturbations judiciaires+, cela s'appelle la loi. Reprocher à des avocats d'appliquer la loi pose une sérieuse difficulté", a tweeté Christiane Féral-Schuhl, la présidente du CNB.

Les avocats ont accepté vendredi dernier de reprendre les discussions techniques avec le ministère, sans aucune avancée notable pour le moment. Et la plupart des barreaux ont voté la reconduction du mouvement jusqu'à début mars.

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