L'aile gauche de la majorité d'Emmanuel Macron, dont l'influence s'est réduite depuis le début du quinquennat, veut se remuscler après des européennes qui ont révélé un net renforcement de l'électorat macroniste à droite et un début d'exode vers les écologistes.
Pour le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, "cette sensibilité de gauche ne s'est pas suffisamment exprimée et il y a aujourd'hui beaucoup d'attentes à cet égard". L'ex-fidèle de François Hollande, seul ministre à avoir enchaîné les deux quinquennats au gouvernement, a appelé mardi à "constituer cette sensibilité, faire entendre sa culture, ses intentions, ses propositions dans l'ensemble de la force démocrate en constitution qui soutient Emmanuel Macron".
S'il reste à peu près au niveau du résultat d'Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle de 2017, le score de la liste macroniste aux européennes de dimanche (22,41%) traduit en effet des mouvements importants vers la droite dans son électorat.
Selon l'institut de sondage Ipsos, plus d'un quart (27%) des électeurs de François Fillon en 2017 ont ainsi opté pour la liste de Nathalie Loiseau. Dans le même temps, près de 30% des électeurs d'Emmanuel Macron d'avril 2017 ont voté à gauche, en faveur surtout de la liste écologiste de Yannick Jadot.
"On conserve tout de même une partie de notre socle originel, mais on est passé d'1/3 droite et 2/3 gauche à 2/3 droite et 1/3 gauche", résume un député LREM issu de l'aile gauche.
Une bascule électorale qui accrédite les critiques sur un penchant vers la droite de la politique de l'exécutif. "On est vu comme le nouvel UDF", s'inquiète un cadre de la majorité, pourtant issu de la droite.
"La droite s'est choisi son champion et son champion s'appelle Emmanuel Macron", fustige le patron du PS Olivier Faure.
Lors de la réunion parlementaire LREM mardi, plusieurs députés comme Barbara Pompili, Anne-Christine Lang ou encore Jacques Maire ont plaidé en faveur d'un rééquilibrage vers le centre gauche. LREM va devoir "envoyer des signaux" en ce sens, a estimé le député Aurélien Taché.
Dans sa stratégie de campagne, le camp Macron espérait contenir cette fuite d'une partie de son électorat vers EELV, avec un programme aux européennes dopé à l'écologie. Mais la percée de Yannick Jadot (13,5%) s'est révélée le principal point faible dans la stratégie "attrape-tout" du chef de l'Etat, malgré l'arrivée sur la liste d'ex-EELV comme Pascal Canfin ou Pascal Durand.
- "Agir de gauche" ? -
"C'est la partie de l'électorat qu'on doit aller rechercher. On doit être plus volontariste encore sur l'écologie", selon un député LREM.
Depuis plusieurs mois, des responsables de l'aile gauche de la majorité réfléchissent à une sorte d'"Agir de gauche", équivalent sous une forme encore indéterminée du parti de centre-droit qui soutient la majorité, dirigé par le ministre de la Culture, l'ex-LR Franck Riester.
Un "sas" ou "un porte-avions" pour des élus de gauche décidés à se rapprocher de la majorité, auquel travaillent les ministres ex-PS Didier Guillaume, Olivier Dussopt et Jean-Yves Le Drian. Ce dernier a fondé en mars un mouvement des "Progressistes bretons" qui pourrait préfigurer un équivalent national.
M. Le Drian, dont la région a placé la liste Macron nettement en tête dimanche, "a la légitimité, l'expérience pour le faire. Il a porté un message progressiste et territorial. Il a l'expérience de la recomposition politique en Bretagne et il est de ceux qui parlent le plus au président de par ses fonctions", salue un responsable de la majorité.
Paradoxe de ce jeu d'influences: les ex-socialistes ont constitué le premier noyau des soutiens d'Emmanuel Macron lorsqu'il préparait sa candidature à la présidentielle, avec de jeunes orphelins de Dominique Strauss-Kahn comme Benjamin Griveaux ou Ismaël Emelien, ou des seconds couteaux du PS devenus généraux en Macronie, comme Richard Ferrand ou Christophe Castaner.
Mais leur influence s'est de facto réduite à la faveur de la stratégie d'élargissement de leur champion: ralliement des centristes et du MoDem de François Bayrou, puis après l'élection celles de transfuges de LR, menés par le Premier ministre Edouard Philippe.
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