Paris: French Pm Press conference
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Arrière-pensées pour 2027 ou alerte sur la dette : que vise vraiment François Bayrou avec le vote de confiance ?

L’annonce surprise par François Bayrou d’un vote de confiance à l’issue quasi impossible interroge. Certains, comme le sénateur LR Max Brisson, y voient « un coup théâtral » pour assurer sa sortie et une éventuelle candidature à la présidentielle. « Spéculation », balaie d’un revers de main un proche du premier ministre, pour qui « ce n’est aujourd’hui pas d’actualité ».
François Vignal

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C’est la surprise du chef. En annonçant un vote de confiance à l’Assemblée nationale, le 8 septembre prochain, François Bayrou a mis un peu de piment dans cette rentrée. Une grosse dose en réalité, tant l’histoire semble déjà écrite : après l’annonce, qui n’a pas tardé, du RN et du PS, de leur intention de voter contre la confiance, l’avenir du premier ministre paraît scellé. Sur le papier, il n’aura pas les voix nécessaires pour rester à Matignon. Sauf surprise, il devra rendre son tablier, engendrant une nouvelle crise politique avec son lot d’incertitudes.

François Bayrou devait s’attendre à ce rejet unanime des oppositions. Face à une décision qui paraît hasardeuse, pour ne pas dire incompréhensible, certains y voient plutôt un calcul politique : face à une équation budgétaire impossible, il chercherait à s’assurer une porte de sortie et s’ouvrir, si les circonstances le permettent, un avenir personnel qui le mènerait vers l’élection présidentielle de 2027.

« Il cherche une sortie en père la rigueur, une sorte de Mendès France du centre »

Le sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques, Max Brisson, en fait l’hypothèse. Il connaît l’animal politique pour le côtoyer depuis de nombreuses années dans son département, dont la préfecture n’est autre que Pau, la ville dirigée par François Bayrou.

Au printemps dernier, le sénateur évoquait déjà l’idée, hors micro. Celle d’une démission avec panache, dénonçant l’irresponsabilité des forces politiques en présence, pour mieux se relancer. « On n’est pas très loin du scénario que j’envisageais », sourit aujourd’hui l’intéressé. « S’il a mis la barre si haut en matière budgétaire, je me disais que ça annoncerait un départ fracassant à l’automne », se souvient Max Brisson. Le sénateur LR continue : « On voyait très bien qu’il ne serait pas capable de franchir l’Himalaya budgétaire, qu’il a lui-même fixé, compte tenu de la situation à l’Assemblée. Il faut avoir aussi en tête que Bayrou pense encore à un destin national. Aujourd’hui, il cherche une sortie en père la rigueur, une sorte de Mendès France du centre », lance Max Brisson. Il reste néanmoins « très surpris du vote de confiance. Rien ne l’empêchait de démissionner aux premières escarmouches budgétaires ».

« Il constate le blocage »

Pour étayer son analyse, l’élu LR souligne que pour demander un vote de confiance, « il faut un vrai accord politique. Or il ne l’avait pas. Il aurait pu aussi faire un discours de politique générale et attendre une motion de censure lors du budget ». En réalité, « il constate le blocage ». « Il n’est pas naïf, il n’est pas idiot. Donc il cherche une sortie théâtrale, que ne lui offre pas le débat budgétaire », avance Max Brisson, qui voit bien le Béarnais « nous faire croire jusqu’au 8 septembre qu’il y croit encore ». Il insiste :

 C’est le blocage qui fait qu’il cherche la sortie. Et s’il cherche une sortie par un coup théâtral, c’est bien qu’il a des arrière-pensées. 

Max Brisson, sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques.

Indice de ces ambitions demeurées intactes, selon le sénateur des Pyrénées-Atlantiques : « François Bayrou a dit il y a quelque mois, à un de nos amis communs, qu’il était plus jeune que Trump… Qu’il caresse l’espoir d’être candidat, j’en ai l’intime conviction. Après, qu’il en ait les moyens politiques, c’est autre chose », avance ce fidèle de Bruno Retailleau, qui pourrait se rêver en nouvel homme fort de la droite pour 2027.

Au PS aussi, la même lecture ressort. « François Bayrou a fait le choix de partir. Dans les conditions de majorité actuelle, il sait qu’il ne peut obtenir un vote de confiance des oppositions. C’est une autodissolution. Il pense le faire avec le panache de quelqu’un qui envisage une autre étape de sa vie politique », affirme au Monde le premier secrétaire du PS, Olivier Faure. « Cet été, le premier ministre n’a pas préparé le budget, il a préparé sa sortie » renchérit dans Libération Boris Vallaud, président du groupe PS de l’Assemblée.

« La dette, pour lui, c’est testamentaire. C’est sa marque de fabrique depuis 25 ans »

Mais au Modem, on s’inscrit totalement en faux contre l’idée d’un Bayrou qui ferait tapis sans avoir les cartes. « Parler de la présidentielle, c’est de la spéculation. Ce n’est aujourd’hui pas d’actualité, ni envisageable », assure un parlementaire Modem. « J’étais au bureau exécutif hier. Il n’est pas question de 2027. Il est dans l’instant, pour essayer de trouver, si c’est encore possible, un chemin pour faire prendre conscience au Parlement de la nécessité d’agir pour réduire la dette et le déficit, pour alerter. C’est ça l’enjeu. Il tire la sonnette d’alarme », assure le même.

« Il n’est pas du tout dans cette option-là. Il n’y a pas de corrélation avec le sujet de la présidentielle. En revanche, il a l’obsession de la dette. Pour lui, c’est testamentaire. C’est sa marque de fabrique depuis 25 ans », confirme un autre proche de François Bayrou, qui insiste : « L’image de Bayrou, c’est la dette, car c’est la souveraineté. Il préserve l’acquis intellectuel et politique de sa famille politique, qu’il n’a pas envie de solder pour rester un mois de plus ». Autrement dit, pas la peine de rester à tout prix, « si c’est pour perdre le poste et perdre sur l’identité ». Au passage, cet intime du premier ministre souligne que par le vote de confiance, il garde la main sur « la temporalité politique. Ce ne sont pas les autres qui l’imposent, c’est lui qui l’impose ». S’il doit quitter Matignon, ce n’est pas une motion de censure qui en décidera.

Reste que d’appeler à un vote de confiance est pour le moins périlleux. « Ce n’est pas un mauvais calcul. Il joue une carte stratégique. C’est un coup », décrypte un proche qui a échangé avec François Bayrou la semaine dernière et après sa conférence de presse. Mais un coup qui serait sans arrière-pensées.

« Toutes les hypothèses sont possibles. Je ne dis pas qu’il ne sera pas candidat »

En lâchant son annonce, François Bayrou misait aussi sur l’abstention « du PS ou du RN. Il pensait que le PS pouvait peut-être se souvenir qu’il était un parti de gouvernement », relate l’interlocuteur du premier ministre. Mauvais calcul. Mais le premier ministre, invité du 20 heures de TF1 ce mercredi soir, ne devrait pas seulement faire de la pédagogie. Il pourrait dans les prochains jours tenter de tendre quelques mains. Il va d’ailleurs inviter tous les présidents de parti et de groupes qui le souhaitent à échanger avec lui à partir de lundi prochain, selon Le Parisien. « Si les propositions du PS sont reprises, il lui sera difficile de dire non », espère un parlementaire Modem, qui confie que « sur les jours fériés, il me dit qu’il est prêt à bouger. On peut trouver une autre formule. Ce qu’il faut, c’est travailler plus ». « Il faut dire que tout est discutable, mais qu’il faut arriver aux 44 milliards d’euros d’économies », conseille encore un stratège.

Mais chez les soutiens du centriste, on reconnaît que l’opération n’est pas totalement désintéressée. « Il joue sa carte. Si elle marche, il en sortira grandi. Si elle ne marche pas, il pourra toujours dire, vous ne comprenez rien », imagine un fidèle, qui pense qu’il sortira de l’expérience avec une stature d’« homme d’Etat ». Mais du bout des lèvres, le même n’exclut pas qu’au final, François Bayrou vise lui aussi, si « les circonstances » le permettent, la présidentielle : « Toutes les hypothèses sont possibles. Je ne dis pas qu’il ne sera pas candidat. Je dis que pour l’heure, ce n’est pas d’actualité ». Nuance. « Est-ce que ça peut servir sa candidature ? On n’en est pas là », ajoute-t-on au Modem, où on assure que « ce n’est pas le premier calcul. C’est de voter le budget ».

« Il y a un certain nombre de députés qui doivent faire dans leur froc »

L’incertitude engendrée par la décision du premier ministre irrite évidemment les députés, alors que l’hypothèse d’une nouvelle dissolution est de nouveau évoquée. « Il y a un certain nombre de députés qui doivent faire dans leur froc », résume un parlementaire. Ce vote de confiance surprise laisse au moins très dubitatif. « François Bayrou fait un pari risqué, assez audacieux. Il n’y a pas de majorité. Mais un pari risqué par an, ça commence à faire beaucoup, après la dissolution de 2024 », peste ainsi le député Renaissance Stéphane Travert, qui pointe l’excès d’ambitions des uns et des autres.

« Tout le monde a les yeux rivés sur 2027 et quand vous êtes trop nombreux, que vous enjambez les municipales et les deux budgets qui restent à faire, c’est assez irresponsable », pointe l’ancien ministre de l’Agriculture, qui ajoute que « la présidentielle, ils sont beaucoup trop nombreux à y penser. Ce qui est le premier problème. Il faut revenir à un peu d’humilité là-dessus, pour un certain nombre qui se voit concourir. Le temps fera son œuvre pour faire un peu de tri. Mais trop de candidatures tuent la qualité du débat et augmentent le risque, pour le bloc central notamment, de se retrouver dans un duel mortifère entre LFI et le RN », met en garde le député de la Manche.

« Je ne pense pas que François Bayrou soit le candidat attendu aujourd’hui par les Français »

Quant à François Bayrou précisément, « si son objectif est d’aller à la présidentielle, c’est tard, maintenant. Je ne pense pas que ce soit le candidat attendu aujourd’hui par les Français », tranche le député Renaissance, dont le président, Gabriel Attal, a – lui aussi – quelques ambitions pour la suite. Mais il espère que le premier ministre fait dans l’opération « plutôt un pari sur l’esprit de responsabilité, qui viendrait souffler sur la deuxième partie de la gauche, celle dite de gouvernement, qu’est le PS, sans oublier les non-inscrits et le groupe charnière de Liot. La comptabilité des voix n’est pas faite ». Pour Stéphane Travert, « il faut toujours imaginer qu’il y a un trou de souris ». « Depuis le départ, il y a un trou de souris », confirme un proche de François Bayrou, mais il met en garde : « Le piège peut se refermer complètement, sur tout le monde. Et personne ne sort vainqueur ».

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