Hier, Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, a été condamné en première instance à cinq ans de prison avec exécution provisoire pour association de malfaiteurs, dans l’affaire du financement libyen de sa campagne. Dans le Code pénal français, cette notion est définie à l’article 450-1 : « Constitue une association de malfaiteurs tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement ».
Cette notion a une histoire tumultueuse. Créée en 1810 dans le Code pénal, elle est initialement définie ainsi, à l’article 265 : « Quiconque aura participé à une association formée ou à une entente établie en vue de la préparation, concrétisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou de plusieurs crimes contre les personnes ou les biens, sera puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans et pourra être interdit de séjour ».
La première modification qui lui est apportée provient de la loi dite « Sécurité et liberté » de février 1981, portée par Alain Peyrefitte, alors garde des Sceaux du gouvernement de Raymond Barre. Le texte transforme ce qui était alors une infraction en délit, jugé par un tribunal correctionnel et non une cour d’assises, et l’étend à la préparation de certains crimes et délits, comme le proxénétisme, les extorsions, ou encore les destructions par incendie.
Le délit d’association de malfaiteurs est supprimé par Robert Badinter en 1983
Mais en 1983, le délit d’association de malfaiteurs est supprimé du Code pénal par une loi portée par Robert Badinter, alors ministre de la Justice du gouvernement de Pierre Mauroy, sous la présidence de François Mitterrand. Cette disposition était considérée par la gauche comme « liberticide ».
Lors des débats dans l’hémicycle, la droite tente d’empêcher cette suppression, en vain. Alain Madelin, alors député, qui deviendra quelques années plus tard ministre du gouvernement de Jacques Chirac, défendait le délit d’association de malfaiteurs de la sorte : « Pour pouvoir caractériser l’infraction, on devra attendre l’ultime moment, celui où les malfaiteurs mettront leurs cagoules avant d’entrer dans la banque qu’ils veulent attaquer. […] Les dispositions en vigueur sont utiles dans la prévention de la grande criminalité, car elles n’obligent pas la police à attendre le commencement d’une action criminelle ou délictuelle pour agir ».
Le délit est rétabli en 1986 par le gouvernement Chirac
Quatre ans plus tard, profitant de la cohabitation, c’est le gouvernement de Jacques Chirac, via son ministre de la Justice Albin Chalandon, qui réintroduit cette notion dans le Code pénal. Elle y figure toujours depuis, même si elle a subi quelques modifications. En 1994, le Code pénal est toiletté, mais l’association de malfaiteurs reste définie dans les articles 450-1 à 450-3.
La dernière évolution de cette notion remonte à la loi visant à lutter contre le narcotrafic, de juin 2025. La peine encourue en cas d’association de malfaiteurs dans le but de commettre un crime est élargie, passant d’une peine correctionnelle pouvant aller jusqu’à dix ans, à une peine de quinze ans de réclusion criminelle. De plus, est dorénavant considéré comme « association de malfaiteurs » le fait de prêter son concours, même de manière occasionnelle, à une action criminelle.
En l’espèce, la définition qui s’applique dans le cas de Nicolas Sarkozy ne concerne pas ce dernier cas. Il s’agit bien de celle réintroduite par le gouvernement Chirac dans le Code pénal en 1986. C’est la première fois qu’elle concerne un ancien Président de la République.