Après plusieurs reports dus à la crise sanitaire et économique, le gouvernement tient bon sur la réforme de l’assurance chômage qui soulève une levée de boucliers de l’ensemble des organisations syndicales.
Ce mardi, lors d’une dernière concertation avec les syndicats, un calendrier a été acté. Le nouveau mode de calcul controversé de l’indemnisation des demandeurs d’emploi entrera en vigueur le 1er juillet. Une mesure qui constitue le principal point de désaccord entre l’exécutif et les partenaires sociaux. Selon un document de travail de l’Unedic, environ 840 000 personnes (38 % des allocataires) auraient une indemnisation inférieure de plus de 20 % en moyenne à ce qu’elles toucheraient avec les règles actuelles, même si les droits seront plus longs. Pour en limiter l’impact, le gouvernement a introduit un plancher qui limitera la baisse maximale.
Un mode de calcul plus équitable pour l’exécutif
Sur BFM-TV, ce week-end, la ministre du Travail, Élisabeth Borne avait défendu « un enjeu d’équité ». L’indemnisation est actuellement plus favorable aux personnes alternant contrats courts et inactivité qu’à celles travaillant en continu.
« La réforme de l’Assurance chômage présentée par Élisabeth Borne ce matin est certes moins dure que le projet initial. Mais sa philosophie et ses impacts demeurent. Elle reste injuste, anachronique, incohérente et déséquilibrée », a regretté sur Twitter Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT.
Le durcissement de l’ouverture des droits (de 4 à 6 mois de travail sur les 24 derniers mois augmentés d’une période de neutralisation liée aux confinements) entrera en vigueur au plus tôt au 1er octobre. Il dépendra d’une amélioration du marché de l’emploi appréciée sur six mois à partir du 1er avril, une clause de « retour à bonne fortune », évoquée par la ministre ce week-end.
« On voit qui va payer le plus lourd tribut de la crise économique »
« Ça fait vraiment usine à gaz. La sagesse aurait commandé qu’on suspende cette réforme. On voit qui va payer le plus lourd tribut de la crise économique », se désole la sénatrice PS, Monique Lubin. L’amélioration du marché de l’emploi se calculera en fonction de cette addition : une baisse sur 6 mois de 130 000 demandeurs d’emploi en catégorie A, ajoutée à 2,7 millions d’embauches de plus d’un mois sur quatre mois.
« Comment pouvons-nous connaître la propension de contrats courts à l’avenir ou les secteurs qui seront le plus impactés par le chômage ? » s’interrogeait lundi, la sénatrice LR Frédérique Puissat (voir notre article).
Autre sujet de discorde, la dégressivité de l’allocation pour les hautes rémunérations (plus de 4.500 euros mensuels brut) interviendra au bout de huit mois à partir du 1er juillet, délai ramené à six mois en fonction de l’amélioration des deux indicateurs cités.
La disposition décriée par le patronat à savoir un bonus-malus sur la cotisation chômage des entreprises dans sept secteurs grands consommateurs de contrats courts ne sera, elle, appliquée qu’en septembre 2022 après une période d’un an d’observation du comportement des entreprises.
Décidée en juillet 2019 après l’échec d’une négociation sociale très encadrée par l’exécutif, la réforme visait à réaliser de 1 à 1,3 milliard d’économies par an en durcissant les règles d’indemnisation et en luttant contre les recours excessifs aux contrats courts, le tout dans un marché de l’emploi alors dynamique.
« Cette réforme ne fera qu’accentuer les difficultés des demandeurs d’emploi »
Lancée à l’été 2019 par le gouvernement d’Édouard Philippe, après l’échec des négociations entre partenaires sociaux, la réforme devait répondre à un double objectif : une économie de 3,4 milliards d’euros sur la période 2019 à 2021 et une baisse du nombre de chômeurs de 150 000 à 250 000 sur la même période. La crise économique a fortement impacté les recettes de l’Unedic sur lesquelles dépend en grande partie le budget de Pôle emploi.
« La dette de l’Unedic est en train de s’accroître et à l’approche de l’élection présidentielle, le gouvernement veut envoyer le signal qu’il tient les cordons de la bourse », expliquait lundi à publicsenat.fr LR sénateur LR René-Paul Savary qui préconise « de décaler la réforme en ce qui concerne les mesures immédiates.
« Ça donne un argument au gouvernement pour faire passer sa réforme », note Monique Lubin. Pour Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice rattachée au groupe CRCE ce calendrier décidé ce mardi est « consternant ». « On est devant une crise sociale majeure et cette réforme ne fera qu’accentuer les difficultés des demandeurs d’emploi. Ce gouvernement se croit tout permis. Il veut faire des économies sur le dos des chômeurs, au lieu de chercher d’autres pistes par l’impôt, la réintroduction de l’ISF ou la taxation des contrats courts ».