Calendrier chargé au Parlement, où les textes importants se succèdent. Les sénateurs entament ce mardi l’examen en séance du projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Il englobe les réformes de l'apprentissage, de la formation professionnelle et de l'assurance chômage. La majorité sénatoriale LR-UDI partage l’ambition de l’exécutif sur l’apprentissage, mais renforce le rôle des régions et revoit les droits et devoirs pour les chômeurs, notamment en durcissant les sanctions contre la fraude.
Compte personnel d’activité converti en euros
Le texte du gouvernement prévoit, contre l’avis des partenaires sociaux, de monétiser en euros le compte personnel de formation (qui ne sera plus décompté en heures). La commission des affaires sociales du Sénat reste dubitative sur cette réforme. Elle craint qu’elle ne se traduise par une baisse de droits pour les salariés et a introduit une période de transition pour la conversion en euros.
Rôle des régions renforcé pour l’apprentissage
C’est un point important pour le Sénat. Alors que le gouvernement retire aux régions le pilotage de l’apprentissage et le financement de 1,6 milliard d’euros par an, au profit des branches professionnelles, les sénateurs, en bons représentants des collectivités, renforce les régions. « On leur donne la main pour la partie orientation/information. Et on oblige les régions à s’impliquer dans un débat sur les orientations annuelles et pluriannuelles et un dialogue avec France compétence, de manière à ce que les régions puissent reprendre une place plus importante » explique Michel Forissier, sénateur LR du Rhône et corapporteur du texte.
Bonus-malus pour les contrats courts supprimé par les sénateurs
Dans la version d’origine du texte, le gouvernement veut se réserver la possibilité de créer, si aucun accord n’est trouvé au sein des branches, un bonus-malus sur les cotisations patronales à l'assurance chômage afin de limiter le recours aux contrats courts. Les sénateurs ont supprimé cette possibilité. « Les contrats courts, ce ne sont pas des choix de gestion de l’entreprise, c’est une obligation liée à des carnets de commande à courte vue » explique le corapporteur.
Nouvelle donne sur l’assurance chômage après le discours de Macron
Mais depuis hier, la donne a changé sur les contrats courts. Car l’exécutif compte maintenant revoir plus en profondeur les règles. C’est ce qu’a annoncé Emmanuel Macron dans son discours devant le Congrès. « Je souhaite que les partenaires sociaux révisent les règles de l'assurance chômage afin que (…) nous puissions non seulement nous assurer qu'elles récompensent bien davantage la reprise d'activité mais aussi qu'elles incitent à la création d'emplois de qualité », a annoncé le Président, avant un sommet social prévu le 17 juillet. « Le projet de loi avenir professionnel sera modifié en ce sens dans les prochains jours et ces règles seront négociées dans les prochains mois par les partenaires sociaux afin qu’une telle réforme puisse entrer en vigueur au printemps 2019 » a ajouté le chef de l’Etat.
Selon Le Figaro, cela pourrait se traduire dans l’immédiat par l’abandon du décret sur les bonus-malus, pour renvoyer à des discussions plus larges. Les orientations du gouvernement, définies dans un document de cadrage pour les négociations entre partenaires sociaux, viseront, toujours selon Le Figaro, « la création du fameux bonus-malus auquel le patronat a échappé jusqu'à présent ainsi que le cumul indemnités-salaires ». Mais il irait beaucoup plus loin. « L'exécutif envisage une négociation plus large sur tous les sujets relatifs à l'assurance-chômage (durée d'indemnisation, montant…) » écrit le quotidien.
L’amendement devra logiquement être présenté devant le Sénat. « Il n’y a pas le choix » selon le rapporteur. Un changement de plan de dernière minute qu’il trouve « quand même un peu cavalier ». A l’ouverture des débats, le président du groupe LR, Bruno Retailleau, a également regretté cette situation, menaçant d'arrêter les débats. Il a ainsi obtenu l'amendement de la part du gouvernement. Si le Sénat s’est montré « constructif » sur le texte, Michel Forissier prévient : « Ça va donner une position plus difficile pour faire coordonner les versions du texte ».
Droits et devoirs des chômeurs renforcés
Pour les demandeurs d’emploi, les sénateurs estiment renforcer leur droit en informant le chômeur, dès son inscription, des sanctions encourues en cas de manquement à ses obligations. En cas de radiation, il doit pouvoir présenter ses observations préalablement. Dans l’esprit du droit à l’erreur, une radiation ne peut jamais dépasser un mois, en cas de premier manquement. « On veut faire la différence entre les étourdis et les fraudeurs », souligne Michel Fourrissier.
Les sénateurs estiment aussi que, pendant les deux premières années de chômage, le demandeur peut refuser une offre raisonnable d’emploi, si le salaire est manifestement inférieur au salaire pratiqué dans sa région. Au-delà, il ne pourra plus refuser une offre qui procure un salaire inférieur à son revenu de remplacement.
Au chapitre des sanctions, le revenu de remplacement pourra être supprimé entre 1 et 6 mois en cas de manquements. En cas de fraude, le plafond de la pénalité administrative est relevé par les sénateurs de 3.000 à 10.000 euros. Un durcissement assumé par Michel Forisier : « On veut cogner sur les fraudeurs tout en laissant un certain droit à l’erreur ».
Chômage pour les indépendants et démissionnaire
C’est une promesse d’Emmanuel Macron : l’ouverture de droits au chômage pour les indépendants et salariés démissionnaires. La mesure est en réalité largement conditionnée. Les sénateurs ont précisé en commission que la future allocation des travailleurs indépendants devra être « exclusivement » financée par l'impôt pour ne pas peser sur les comptes de l'assurance chômage.
Handicap : le Sénat rétablit des mesures d’incitation supprimées par le gouvernement
Les sénateurs ont voulu sécuriser le parcours des travailleurs handicapés passant du milieu protégé ou adapté vers le milieu ordinaire. Ils ont aussi rétabli en commission les incitations faites aux employeurs privés d'embaucher des travailleurs handicapés dont le handicap est particulièrement lourd, en situation de chômage de longue durée ou qui viennent d'un Esat, soit un établissement d'insertion des adultes handicapés, ou d'une entreprise adaptée. Le gouvernement supprime ces incitations dans son texte.