Assurance-Chômage : les seniors y perdent, les cadres y gagnent
Parmi les nouvelles règles établies par la convention de l’assurance-chômage, qui entre en vigueur mercredi : la réduction des allocations des seniors et la réduction des délais d’indemnisation pour les cadres.

Assurance-Chômage : les seniors y perdent, les cadres y gagnent

Parmi les nouvelles règles établies par la convention de l’assurance-chômage, qui entre en vigueur mercredi : la réduction des allocations des seniors et la réduction des délais d’indemnisation pour les cadres.
Public Sénat

Par Helena Berkaoui

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Signées sous François Hollande, les règles de la convention de l’assurance-chômage 2017, qui entrent en vigueur mercredi, réduisent notamment les conditions d’indemnisation pour les chômeurs de 50 à 55 ans. Cette convention retranscrit les accords signés par les partenaires sociaux le 28 avril dernier, elle a été validée par l’État en avril 2017. L’objectif affiché de ces changements vise à « inciter les demandeurs d’emploi à la reprise rapide d’un emploi durable et à engager le désendettement de l’Assurance chômage pour en garantir la pérennité.»

L’accord du 28 mars dernier avec l’Unédic avait réuni l’aval de presque tous les partenaires sociaux, seule la CGT avait dénoncé un texte « contre les femmes, les travailleurs précaires et les seniors. » Les disposions de ce texte reviennent, entre autres, sur des modalités d’indemnisation jugées « inéquitables. » Pour l’Unédic, il s’agit notamment de « corriger » le calcul de l’allocation qui avantagerait, à travail et salaires égaux, les personnes enchaînant les contrats courts. L’Unédic poursuit l’objectif de réduire leur déficit de 550 millions d’euros dès 2018. Ce déficit est chiffré à 4,1 milliards d’euros pour l’année 2016.

Que change la convention de l’assurance-chômage 2017 ?

Pour les seniors de 50 à 55 ans, tous ne bénéficieront plus d’un droit de trois ans d’indemnisation. La durée d’indemnisation s’écourte du fait du durcissement des règles d’entrée dans la catégorie senior. Désormais, les demandeurs d’emploi âgés de moins de 53 ans n’auront plus droit qu’à deux ans d’indemnisation au lieu de trois actuellement. Les chômeurs entre 53 et 54 ans voient leurs allocations couvertes pendant 30 mois s’ils suivent une formation. En  contrepartie, ces allocataires bénéficieront de 500 heures de formation créditées sur leur Compte personnel de formation (CPF). Pour les seniors de 55 ans et plus la durée maximale d’indemnisation reste de 36 mois maximum. Selon les calculs de l’Unédic, ces modifications concernent 37 000 allocataires. Si les chiffres du chômage, établis par l’Insee pour 2017, restent relativement stables pour les plus de 50 ans, cette catégorie d’âge connaît la plus forte augmentation de chômeurs, plus 6 % (lire notre article).

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Champ : France métropolitaine. Source : Pôle emploi-Dares, STMT.

Cette mesure suit partiellement une des recommandations du Conseil d’analyse économique rendues en mai dernier à Matignon. Rédigée par Pierre Cahuc, Jean-Olivier Hairault et Corinne Prost, cette note recommandait par ailleurs de ramener la durée de l’assurance-chômage pour les plus de 50 ans à 2 ans maximum. Ils justifiaient cette recommandation par le fait que « la générosité de l’indemnisation chômage devrait décroître et non croître avec l’âge, car les jeunes disposent d’une épargne moindre, ce qui non seulement diminue leur capacité à maintenir leur consommation lorsque leur revenu chute, mais les incite aussi à chercher un emploi plus activement lorsqu’ils sont au chômage. »

Pour les contrats courts les mesures de cette convention s’établissent au regard d’un constat : à travail et salaires égaux, les personnes enchaînant des contrats courts sont privilégiées par rapport à ceux qui effectuent des contrats longs. Concrètement, une personne ayant travaillé 18 semaines en CDD et une personne ayant enchaîné 18 CDD de 5 jours, à salaire égal, touchaient respectivement une allocation journalière de 31 euros et de 38,69 euros. Ils toucheront désormais une allocation égale de 31 euros. Le mode de calcul est maintenant établi sur le nombre de jours effectivement travaillés. Aussi, les spécificités pour les intérimaires sont supprimées. La durée maximale d’indemnisation, elle, ne bouge pas et reste de 126 jours. Selon l’Unédic, près de 810 000 personnes par an, dans cette situation spécifique, pourraient connaître une baisse de leur revenu.

Ouverture des droits. Le nouveau mode de calcul aura au moins un avantage pour les contrats courts et les intérimaires puisqu’ils accéderont plus rapidement à l’assurance-chômage. En effet, si la convention ne revient pas sur la justification de 610 heures, soit 4 mois de travail, pour toucher les indemnités chômage ; la prise en compte des jours effectivement travaillés ramène cette durée à 88 jours (le nombre d’heures ne change pas).

Pour les cadres le délai d’accès à l’indemnisation chômage s’écourte. Le délai de carence – période située entre la rupture de contrat et le premier versement de l’allocation chômage – passe de 180 jours à 150 jours maximum. Il s’agit là de salariés dont les indemnités dites « supralégales » sont supérieures à 13 500 euros. Ces allocataires attendront donc moins longtemps avant d’être indemnisés. Par ailleurs, dans le cas où la rupture de contrat serait provoquée par un licenciement économique, le délai ne pourra dépasser 75 jours.

Les créateurs d’entreprises sont désormais concernés par le différé d’indemnisation. Les demandeurs d’emploi désireux de créer leur entreprise, qui ont perçu de fortes indemnités de fin de contrat, devront attendre pour toucher l’aide à la reprise ou à la création d’entreprise (ARCE).

La prochaine réforme de l’assurance-chômage

Elle est au centre des négociations entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Emmanuel Macron a avancé plusieurs pistes en vue de la réforme de l’assurance-chômage. L’extension des indemnités chômage aux démissionnaires et aux indépendants est un des points de friction. Emmanuel Macron avait chiffré cette mesure à 1,44 milliard d’euros la première année, pendant sa campagne. Bien loin des estimations du ministère de Travail – révélées par Les Échos – qui prévoit un surcoût de 3 à 5 milliards d’euros par an pour l’Unédic, seulement pour l’extension aux personnes démissionnaires. Le patron du MEDEF, Pierre Gattaz, pointe le « problème économique » du financement de cette mesure. Et le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, prévient qu’il est « hors de question » que « cela se fasse en pompant les droits des autres chômeurs indemnisés. »

Deuxième point de friction : le financement et la gouvernance de l’assurance-chômage. Aujourd’hui, l’assurance-chômage est régie par une gestion paritaire entre partenaires sociaux. Emmanuel Macron entend qu’elle soit désormais dirigée par une gestion tripartite avec un pilotage de l’État. Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, n’est « pas d’accord, en aucun cas ça ne doit se faire de façon tripartite, c’est aussi valable pour la formation professionnelle » précise-t-il à l’issue de sa rencontre avec le chef de l’État, le 12 octobre dernier.

Concernant le financement de l’assurance-chômage, le gouvernement souhaite qu’elle ne soit plus financée par les cotisations mais par la hausse de la CSG. Une piste qui est loin de contenter les partenaires sociaux. Philippe Martinez estime que « plutôt que de réduire les dépenses comme le propose le gouvernement en matière de chômage, il faut augmenter les recettes et la meilleure façon d’augmenter les recettes c’est qu’il y ait plus de cotisations. »  

 

 

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