Réunis jeudi 3 février en commission mixte paritaire (CMP), sénateurs et députés ont trouvé un compromis sur la proposition de loi sur l’assurance emprunteur portée par la députée Agir Patricia Lemoine. Les parlementaires ont acté la suppression du questionnaire de santé pour les prêts bancaires inférieurs à 200 000 euros par personne - 400 000 euros si l’on emprunte à deux - et dont le terme intervient avant le soixantième anniversaire de l’emprunteur. Ce questionnaire, dans lequel il est demandé aux clients de dresser l’historique de leurs antécédents médicaux, permet aux banques de mettre en place une tarification du risque, généralement très défavorable aux personnes atteintes de maladies longues ou chroniques, qui se retrouvent même parfois totalement exclues du marché de l’assurance emprunteur. Une mesure votée au départ par les sénateurs. Pour être définitivement adoptée, le texte de la CMP doit être voté une dernière fois par l’Assemblée nationale, jeudi prochain, et au Sénat le 17 février.
« Un pas en avant historique »
« Après la déferlante qui a suivi les débats au Sénat, personne ne pouvait imaginer que l’on allait trouver un accord avec les députés. Finalement, tous nos amendements ont été retenus, se réjouit Daniel Gremillet, sénateur Les Républicains et rapporteur de la CMP pour le Sénat. C’est une décision avec des vraies conséquences », ajoute-t-il. Plus de 50 % de ceux qui souhaitent réaliser un emprunt bancaire sont aujourd’hui soumis à ce questionnaire, ce qui représente près de 700 000 personnes par an. Cela remet de la lumière dans la vie de nombreuses personnes. Tous les appels et les messages que je reçois depuis ce matin me confortent dans l’idée qu’il faut que l’humain guide la finance et non l’inverse ».
Dans un communiqué, l’association Les Séropotes, qui accompagne les personnes LGBT + vivant avec le VIH, s’est félicitée d’ « un pas en avant historique vers la fin de la double peine qui frappe aujourd’hui toutes les personnes qui ont rencontré ou rencontrent le chemin de la maladie ». Une décision historique, malgré un montant qui reste « peu élevé », en particulier pour les personnes atteintes du Sida, tempère Bruno Lamothe, délégué de l’association à l’accès aux droits et aux soins, contacté par Public Sénat : « On a attiré l’attention des parlementaires sur le fait que les personnes avec le VIH vivent essentiellement en Ile de France, où les prix de l’immobilier sont beaucoup plus élevés, et sont pour la grande majorité célibataires. On sera attentif à ce que ce montant puisse être réévalué ».
Une limite également soulignée par Daniel Gremillet, qui précise que « l’article 9 prévoit que, quel que soit le résultat des élections, un bilan de ces mesures soit fait au bout de deux ans par le gouvernement. Et que ce dernier puisse, par décret, faire évoluer à tout moment la somme de l’emprunt et l’âge auquel il doit être complètement remboursé, avec 200 000 euros et 60 ans comme minimum. C’est un texte vivant ».
Le droit à l’oubli renforcé
En commission, les sénateurs sont également parvenus à imposer le raccourcissement du délai du « droit à l’oubli » pour les cancers à cinq ans, ainsi que son élargissement à l’hépatite C. Le dispositif actuel, dans le cadre de la Convention collective AERAS (« s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé »), prévoyait ce droit à l’oubli uniquement pour les personnes ayant souffert d’un cancer, qui n’étaient plus tenues de le déclarer passé un délai de 10 ans après la fin de leur traitement. Réclamée par les associations de patients depuis le début du quinquennat, cette mesure était une promesse du candidat Emmanuel Macron, lors de sa campagne en 2017. Le texte prévoit qu’un élargissement à d’autres pathologies, comme le diabète et le Sida, fasse l’objet de négociations entre les différents acteurs de la Convention AERAS.
« Même si nous espérions que le texte élargisse le droit à l’oubli au VIH, nous sommes très satisfaits que les pouvoirs publics aient imposé que ces négociations soient concluantes, et qu’ils aient indiqué qu’ils reprendraient la main sur le dossier dans le cas contraire », applaudit Bruno Lamothe.
Daniel Gremillet abonde : « C’est maintenant le rôle de la Convention de trouver un accord. Mais il y a une date butoir au 31 juillet 2022 et, en cas d’échec des négociations, le gouvernement pourra prendre la décision de cet élargissement par décret ».
Le changement d’assurance facilité
La proposition de loi initiale, « pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur », s’était d’abord concentrée sur la possibilité de changer, sans frais et à tout moment, l’assurance des prêts immobiliers. Avec pour but de renforcer la concurrence entre banque et assureurs, aujourd’hui en situation que quasi-monopole. Un amendement déposé par les sénateurs impose que les clients soient informés chaque année de cette possibilité par les banques et assurances elles-mêmes.