Aucun contrat d’assurance n’avait prévu un tel scénario. Aucun ne couvre les pertes d’exploitation des entreprises qui pourraient atteindre le montant colossal de 60 milliards d’euros. Très vite montrés du doigt, les assureurs ont accepté de verser 400 millions d’euros au fonds de solidarité mis en place par l’État pour les plus petites entreprises. Trop peu pour beaucoup d’élus et d’entrepreneurs. « Oui, ce n’est pas assez, mais c’est 400 millions d’euros par rapport aux 3,2 milliards d’euros sur lesquels nous nous sommes engagés » a réagi Florence Lustman, présidente de la Fédération Française de l’assurance (FFA).
« Que font les autres ? »
Devant la Commission des finances du sénat, elle a regretté que l’attention soit focalisée sur cette somme, qui occulte l’ensemble des mesures prises par le secteur. En tout, 1,7 milliard d’euros seront versés pour des mesures de solidarité (dont les 400 millions d’euros versés au fonds de solidarité) et 1,5 milliard sous forme d’investissement dans les entreprises de taille intermédiaire, les PME et le secteur de la santé.
Un effort « colossal » pour Florence Lustman, qui dit son incompréhension face aux critiques. « Nous sommes le seul secteur économique à contribuer de façon très significative au fonds de solidarité » a rappelé Florence Lustman. « Je n’entends nulle part, “mais que font les autres ?” D’autant que nous sommes très touchés par cette crise, il y a d’autres secteurs moins touchés qui ne contribuent pas à ce fonds » a-t-elle dénoncé à plusieurs reprises.
Mettre à contribution d’autres secteurs
Un argument approuvé par les sénateurs de la commission des finances. « Tout le monde doit faire un effort » estime Jean-François Husson. Pour le sénateur (LR), c’est à l’État de mettre à contribution d’autres secteurs comme « les grands acteurs du monde de l’énergie ou le secteur bancaire qui n’a pas mis le début d’un euro sur la table ». Rapporteur général de la commission des finances, Albéric de Montgolfier estime, lui, que les GAFAM, « le seul secteur à ne pas être touché », devraient eux aussi participer à l’effort de solidarité. Vincent Éblé évoque de son côté la grande distribution et les acteurs de la vente en ligne comme Amazon.
Taxe sur les assurances abandonnée
Mais le Président de la commission des finances continue à penser que les assureurs « ne contribuent pas à hauteur de ce qu’ils pourraient ». Lors de l’examen du dernier budget rectificatif, le Sénat avait largement voté un amendement pour taxer les réserves de capitalisation des assurances, sortes de provisions que les compagnies se constituent pour faire face aux sinistres de leurs assurés. Pendant le confinement, certains sinistres comme les accidents automobiles ont chuté, d’où l’idée de cette taxe qui pourrait rapporter près de 2 milliards d’euros. Mais les députés n’y étaient pas favorables, l’amendement a donc été supprimé en commission mixte paritaire.
Le Sénat prêt au bras de fer
Les compagnies ont-elles réellement les moyens de mettre davantage sur la table ? D’après Florence Lustman, le secteur est aujourd’hui « gravement touché par la crise » avec une perte d’actifs boursiers de 250 milliards d’euros. Et s’il y a aujourd’hui moins d’accidents automobiles, les sinistres vont repartir à la hausse après le confinement prédit la présidente de la FFA. « Je vous donne rendez-vous dans un an » a lancé Florence Lustman.
Mais les sénateurs n’attendront pas si longtemps. Si les discussions en cours entre le gouvernement et les assureurs n’apportent pas de réponses concrètes dans les prochaines semaines, ils reviendront à la charge pour faire voter leur proposition de taxe dans le prochain budget rectificatif. « Nous sommes prêts au bras de fer dans le troisième PLFR » prévient Vincent Éblé.