Arras: knife attack

Attaque au couteau dans un lycée à Arras : les sénateurs entre effroi et questionnements

Au-delà du drame, l’attaque au couteau qui a coûté la vie à un enseignant dans un lycée à Arras suscite de nombreuses questions parmi les sénateurs, que ce soit sur l’état de la protection des enseignants, le suivi des personnes radicalisées ou encore le lien de cette attaque avec le conflit au proche orient.
Rédaction Public Sénat

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« Trois ans après la mort de Samuel Paty, rien n’a été réglé », se désole le président du groupe LR, Bruno Retailleau alors qu’un homme d’une vingtaine d’années, armé d’un couteau, a tué un enseignant et fait deux blessés graves dans le lycée Gambetta à Arras. Les circonstances d’un drame qui rappelle douloureusement l’assassinat de Samuel Paty. « Tout mon soutien à la famille du professeur assassiné, à ses collègues, aux familles et aux élèves du lycée. Reconnaissance à nos forces de l’ordre qui ont maitrisé le meurtrier. C’est toujours le même cauchemar islamiste qui revient. Toujours les mêmes méthodes, les mêmes profils, et toujours la même impuissance […] Nous n’avons plus le choix. La République ne peut plus se contenter de réagir. Elle doit se réarmer », plaide Bruno Retailleau.

Le président du Sénat, Gérard Larcher a aussi réagi sur X (anciennement Twitter), il fait part de ses pensées aux proches « de l’enseignant lâchement assassiné à Arras ce matin ». « C’est toute la communauté enseignante qui est touchée et avec elle, tous les Français. À ceux qui veulent faire régner la terreur en France : la République ne cédera rien face à la barbarie du terrorisme. »

Le sénateur socialiste du Pas-de-Calais, Jérôme Darras, se trouvait à quelques mètres du lycée Gambetta au moment du drame. Il participait à la manifestation contre l’austérité. « En fin de cortège, nous avons entendu les sirènes et vu passer les véhicules de police. J’ai d’abord cru qu’il y avait eu un problème avec la manifestation », rapporte l’élu. « C’est l’horreur absolue, on a du mal à trouver les mots en de telles circonstances. La communauté éducative est au cœur du pacte républicain, elle est ce que nous avons de plus précieux », souligne l’élu. « Le temps viendra d’analyser les causes de ce drame et de le replacer dans le contexte international. Mais pour l’heure, le moment doit être au recueillement », ajoute-t-il.

« L’heure est à l’émotion »

Le président de RN, Jordan Bardella a enjambé la phase de recueillement et a demandé sur Twitter la démission du ministre de l’Intérieur. L’auteur de l’attaque, un jeune homme d’origine tchétchène, fiché pour radicalisation (fiché S), était suivi, depuis cet été, par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), via des écoutes et des mesures de surveillance physique. « Nous aurons le débat sur les services de renseignements. Mais c’est trop tôt pour tirer des conclusions. L’heure est à l’émotion, nous avons supporté en une semaine l’attaque terroriste d’un pays ami, Israël et sa transposition dans une école de la République. Ça fait beaucoup », relève Stéphane Le Rudulier, sénateur LR qui a demandé cette semaine la dissolution de LFI qu’il accuse de faire l’apologie du terrorisme, après un communiqué du groupe parlementaire des insoumis qui ne parlait pas d’attaque terroriste du Hamas. « J’en veux beaucoup à certains responsables politiques qui banalisent le Hamas. Quand on fait l’apologie du terrorisme étranger, on le nourrit en France », estime-t-il.

« Il faut faire attention à ne pas importer le conflit israélo-palestinien dans notre pays. Je vois bien les amalgames qui vont être faits : mais dire que le Hamas est déjà chez nous serait catastrophique. Pour autant, je ne suis pas naïf. Je sais bien qu’il y a un international islamiste qui agit partout, jusque dans les cercles de lobbying à Bruxelles. », prévient de son côté, le sénateur communiste, Pierre Ouzoulias.

« Il y a véritablement des questions qui se posent »

Pour le président du groupe centriste, Hervé Marseille, « il y a véritablement des questions qui se posent. Surtout en relation avec ce qui vient de se passer en Israël, et qui ne manquera pas d’avoir des répercussions, au-delà des frontières, sur notre territoire : Comment protéger nos établissements scolaires ? Comment veiller durablement, pas seulement sous le coup de l’émotion, à mieux surveiller les fichés S puisqu’il semble que l’auteur des coups portés est un jeune fiché S qui était suivi, qui avait été contrôlé ces dernières heures ? », interroge-t-il.

Contacté par publicsenat.fr, le président de la commission des lois, François-Noël Buffet (LR) indique qu’il envisageait d’auditionner Gérald Darmanin dans les prochains jours pour faire la lumière sur les circonstances du drame.

 

Instaurer l’état d’urgence : « C’est un peu excessif »

Dans un communiqué, le patron des Républicains, Éric Ciotti demande à Emmanuel Macron d’activer l’état d’urgence. « Il permettra tout à la fois d’autoriser des perquisitions administratives, d’interdire des manifestations et de permettre des assignations à résidence. ». « N’attendons pas que la France soit touchée plus durement, il faut agir de façon préventive », ajoute-t-il.

Olivier Paccaud, sénateur apparenté LR, qui est à l’origine du nouveau délit d’entrave à la liberté d’enseigner, estime que l’état d’urgence doit être décrété « si les services de sécurité intérieure détectent des risques d’embrasement. La fonction première de l’Etat est d’assurer la protection de la population ».

Instaurer l’état d’urgence, « c’est un peu excessif », juge Hervé Marseille. « Les conditions ne sont pas remplies aujourd’hui pour mettre en application un tel dispositif. Nous avons des forces de sécurité qui sont mobilisées pour protéger les institutions, les lieux de culte de la communauté juive, ce qui demande beaucoup de travail et d’implication. On voit que les établissements scolaires, à nouveau, sont attaqués. Se pose la question des conditions de protection de tous ces lieux, de l’information nécessaire à donner aux élèves et du travail à réaliser sur les fichés S. »

« S’en prendre à un enseignant, c’est s’en prendre à ce qui constitue le cœur de notre culture »

Le sénateur communiste, Pierre Ouzoulias abonde. « C’est totalement excessif. Nous ne l’avons pas fait après la mort de Samuel Paty ».

Cet été, après une demande de la sœur de Samuel Paty, les commissions des lois et de la culture ont créé une mission de contrôle, dotée des pouvoirs de commission d’enquête sur les menaces et agressions contre les enseignants. « Dans notre imaginaire collectif et républicain, l’enseignant, le maître, est celui qui libère. S’en prendre à un enseignant, c’est s’en prendre à ce qui constitue le cœur de notre culture. Ce qui est d’emblée visé par les tueurs islamistes, ce sont les professeurs d’histoire, car ils représentent une forme de distanciation critique vis-à-vis des événements. Or, dans le fanatisme religieux, il y a une négation de l’histoire au profit d’un récit mythifié. », analyse Pierre Ouzoulias.

La commission auditionnera, Mickaëlle Paty, mercredi 17 octobre à 15 heures.

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