Au FN, doutes et critiques sur la stratégie de Marine Le Pen après la défaite
La défaite de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle pourrait raviver les divisions enterrées au sein du FN entre les tenants d’une ligne libérale identitaire tournée vers les électeurs de droite, et la ligne Philippot défendue lors de la campagne.

Au FN, doutes et critiques sur la stratégie de Marine Le Pen après la défaite

La défaite de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle pourrait raviver les divisions enterrées au sein du FN entre les tenants d’une ligne libérale identitaire tournée vers les électeurs de droite, et la ligne Philippot défendue lors de la campagne.
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Lendemain de défaite au Front national. Avec 10,6 millions de voix et 33,9% des suffrages, Marine Le Pen a certes atteint un nouveau sommet historique pour son parti. Mais le résultat laissait un goût amer chez les militants au FN dimanche soir (voir notre article). Quelques minutes après 20 heures, c’est pourtant une Marine Le Pen combattive et portée vers l’avenir qui s’est présentée devant les caméras. Elle « propose d’engager une transformation profonde » du FN afin de « constituer une nouvelle force politique ».

Au Chalet du lac, qui a accueilli la soirée électorale, Jean-Lin Lacapelle, secrétaire national aux fédérations et proche de Marine Le Pen, évoque quelques minutes après le changement de nom comme « une hypothèse ». Sur TF1, le vice-président du FN, Florian Philippot, se fait plus direct : « (Le parti) va se transformer en une nouvelle force politique qui, par définition, n'aura plus le même nom ». « Il y a une organisation à mettre en place. (…) Notre mouvement n’est plus tout seul. Il y a Nicolas Dupont-Aignan et son parti ainsi que les 3 millions de voix supplémentaires du second tour », « il faut transcender. Tous les patriotes seront les bienvenus » explique Jean-Lin Lacapelle.

Contre feu

En annonçant la création d’un nouveau parti, à peine la défaite officialisée, Marine Le Pen ne cherche pas seulement à capitaliser sur sa forte progression électorale depuis 2012. Elle donne aussi l’impression d’agiter un contre feu pour mieux rebondir et éviter, pour le moment, le débat de fond.

Si tout le monde s’accorde à peu près sur le principe d’un changement de nom, qui passera par un congrès fin 2017 ou début 2018, reste à savoir quoi y mettre. La défaite de Marine Le Pen pourrait bien rouvrir le débat interne sur la ligne. D’ici les législatives, les coups seront retenus. Mais après… Les tenants d’un discours plus identitaire et libéral, à l’image de Marion Maréchal Le Pen, pourrait mettre en cause la stratégie plus étatique et critique envers la mondialisation impulsée par Florian Philippot.

Jean-Marie Le Pen met en cause Florian Philippot

Sans surprise, Jean-Marie Le Pen a vite dégainé. Celui qui est toujours président d’honneur du Front national « pense qu'il faut rester fidèle (...) aux fondamentaux du Front national ». Pour lui, c’est clair, Florian Philippot est « un des principaux responsables de la défaite de Marine Le Pen » a-t-il dit sur RTL.

Marion Maréchal Le Pen est aussi sortie du bois. « Il y a forcément une part de déception, ce serait malhonnête de dire le contraire », a-t-elle reconnu sur BFMTV. Avant d’ajouter pudiquement sur France 2 qu’« Il nous faudra réfléchir à ce qu'il y a eu de positif et de négatif dans cette élection » (voir la vidéo), il y a « manifestement quelques leçons à tirer »… « Il y a aujourd'hui une réflexion à mener car nous n'avons pas réussi à imposer l'idée que cette élection était un référendum, un référendum pour ou contre la France, pour ou contre l'immigration massive, pour ou contre la fatalité de l'insécurité » a poursuivi la nièce de Marine Le Pen.

« Le thème de l’identité n’a pas été présent »

Pour certains militants ou élus, il aurait fallu mettre en avant des thématiques plus porteuses dans l’électorat de droite et d’extrême droite. « Dans la campagne, on a parlé de l’Union européenne, c’est bien. Mais le thème de l’identité n’a pas été présent. Il y a eu beaucoup de choses absentes dans cette campagne » affirmait dimanche soir Didier Rouxel, directeur de la communication de Croissance bleu marine, collectif au sein de RBM en charge des TPE/PME.

Selon le député RBM/FN Gilbert Collard, l’identité n’a pas manqué dans cette campagne, « les thématiques étaient équilibrées ». La défaite de Marine Le Pen n’est pas de nature à remettre en cause son leadership au FN, selon le député, « pas plus que la défaite de Mitterrand n’a remis en cause le sien ». Mais « tout le monde a des leçons à tirer en fin de campagne. Rien de tout ce qu’on a fait n’a été parfait, même avec la meilleure volonté du monde. C’est vrai pour le Front, comme pour Les Républicains, Mélenchon ou Macron » explique à publicsenat.fr le député du Gard.

Gilbert Collard : « On aurait pu s’adresser un peu plus aux fillonistes »

Gilbert Collard estime que « la diabolisation a bien marché », « il faut réfléchir réellement à la manière dont on peut la combattre ». « Il aurait fallu qu’on se prépare à ces attaques (dans l’entre-deux tours), qui étaient d’une telle bassesse » ajoute le député, manière de critiquer en creux.

Le report des voix du second tour mettent aussi en cause la campagne de Marine Le Pen. Selon notre enquête Ispos Steria, 20% des électeurs de François Fillon se sont reportés sur le FN au second tour, contre seulement 7% chez ceux de Jean-Luc Mélenchon. Fallait-il parler d’avantage à ces électeurs de Fillon ? « Oui, on aurait pu s’adresser un peu plus aux fillonistes. On peut le dire » pointe Gilbert Collard. « Mais on a pu considérer que c’était un électorat naturel, qui ne pouvait pas être cocu et content ».

La question de l’euro

La ligne de la candidate sur la sortie de l’euro est aussi aujourd’hui mise en cause. Le sujet, jugé anxiogène, n’a plus été une priorité dans l’entre-deux tours. Lors du débat, elle s’est empêtrée dans ses explications, semblant mal maîtriser son sujet. « Il faut un effort de pédagogie et de simplification des explications, (…) dire des choses simples et pas forcément vouloir faire une abstraction du débat » selon Gibert Collard.

Le maire de Béziers proche du FN, Robert Ménard, va plus loin. Il demande un « aggiornamento sur l'euro ». « Il faut arrêter avec l'euro, sortir de l'euro est une erreur, c'est une erreur colossale. Quand le Front National aura compris qu'il ne faut pas seulement arrêter d'en parler, mais ne plus en parler du tout (...) peut-être qu'on pourra espérer voir quelqu'un portant nos idées gagner une élection », a-t-il insisté sur RTL.

L’explosion possible des LR pourrait rebattre les cartes

A peine 24 heures après la défaite, le débat ne fait que commencer au FN. Il dépend aussi du sort des Républicains. Si la frange de centre-droite des LR aide Macron à constituer une majorité, l’explosion possible des LR pourrait rebattre les cartes. Elle donnerait des arguments à ceux, au FN, qui souhaitent un positionnement uniquement tourné vers la droite, dans une optique de rapprochement avec la droite républicaine.

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