Ira, ira pas ? A six mois des municipales, l'hypothétique candidature du Premier ministre Édouard Philippe au Havre, sa ville de cœur, est sur toutes les lèvres et pourrait changer le cours de cette élection dans cet ancien bastion communiste, passé à droite depuis 1995.
Le weekend dernier, le chef du gouvernement a balayé l'idée d'une candidature à Paris mais a laissé la porte ouverte à la possibilité d'être sur une liste au Havre, dont il a été maire sept ans (2010-2017) et où il est toujours conseiller municipal.
"On n'est jamais candidat qu'à l'endroit où l'on est enraciné. Et moi mes tripes, elles ont un goût d'eau salée", a plaidé le Normand, dont l'un des arrière-grands-pères a été docker au Havre.
"Je ne donnerai pas ma réponse avant janvier", a-t-il déclaré au journal Paris-Normandie vendredi. "Mon attachement à la ville est indéfectible et, même à Matignon, je regarde avec beaucoup d’attention ce qui se passe au Havre."
La fin de mandature a été agitée avec trois maires en deux ans, et la démission retentissante en mars de Luc Lemonnier (ex-LR) après une polémique liée à la diffusion de photos de l'élu nu.
Le maire actuel Jean-Baptiste Gastinne, historien de 52 ans venu de la droite conservatrice, sera candidat en mars..."Mais si Édouard Philippe fait part de son intention de revenir au Havre pour conduire la liste, je serai le premier à me ranger derrière lui", assure-t-il.
Sauf que certains observateurs estiment qu'une liste conduite par la députée de Seine-Maritime Agnès Firmin-Le Bodo (UDI), plus centriste, n'est pas à écarter. En fonction de la décision du Premier ministre "on verra qui est le mieux à même de rassembler et faire en sorte que la ville reste un bastion conquis en 1995", glisse Mme Firmin-Le Bodo.
Selon un fin connaisseur de la vie politique locale, une "lutte fratricide" entre deux listes de droite "ouvrirait un succès de la gauche" dans une ville "qui a encore une sociologie de gauche", et ce même si Édouard Philippe avait été élu triomphalement dès le premier tour en 2014 avec 52% des votes.
De possibles tensions entre deux droites qui inspire cette pique du député communiste de Seine-Maritime Jean-Paul Lecoq: "je suis député, (à Paris) je les vois adversaires, à couteaux tirés et au Havre ils seraient rassemblés !", ironise-t-il.
- "cristalliser les forces contre lui" -
Cependant, à gauche, l'horizon est à peine plus dégagé. Jean-Paul Lecoq se démène bien depuis l'automne dernier pour fédérer "les forces progressistes et humanistes" afin de reconquérir cette ville portuaire de 170.000 habitants où "le fossé s'est aggravé entre une classe qui vit mieux au Havre et toutes les personnes des quartiers périphériques qui vivent moins bien".
Si le Parti socialiste et LFI "attendent de voir" selon les termes de M. Lecoq, les écologistes d'EELV ont déjà décidé de faire bande à part. Une liste commune avec l'homme fort de la gauche locale n'est pas envisageable car il n'est pas "écolo-compatible" au premier tour, avec des visions différentes sur des projets de territoire, "comme l'aéroport d'Octeville", plaide Alexis Deck, conseiller municipal EELV.
Jean-Paul Lecoq espère néanmoins une union: "la liste est ouverte jusqu'au dernier jour du dépôt", promet-il, jugeant que la gauche "peut se faire piéger" s'il n'y a pas de rassemblement dès le premier tour. Sans oublier que le RN est arrivé en tête aux élections européennes au Havre avec plus de 22% des voix.
Et certains à gauche espèrent à haute voix qu’Édouard Philippe prendra le risque d’être sur la liste, puisqu’il peut "cristalliser les forces contre lui car les gens en ont ras-le-bol de Macron... Et derrière Macron, c'est Philippe", explique Christian Bouchard, conseiller municipal d'opposition.
Ainsi, au Havre, qui s'annonce comme un point chaud des prochaines élections, tous les regards sont tournés vers Matignon. "Perdre la ville du Havre pour la majorité actuelle serait une catastrophe", avertit Richard Lecoeur, président départemental du MoDem, prêt à se rallier à Philippe.