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Au procès du FN, la défense dénonce une volonté d'”éliminer” un concurrent politique
Par Eleonore DERMY
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Une "manière radicale d'éliminer la concurrence de l'échiquier politique": face aux quelque 12 millions d'euros réclamés par l'Etat au FN au procès des kits de campagne électorale, la défense a dénoncé "l'entrée de la politique dans le prétoire" et plaidé en bloc la relaxe.
Pendant quatre semaines, sept protagonistes et trois personnes morales, dont le FN, ont comparu devant le tribunal correctionnel de Paris pour répondre, selon les prévenus, d'escroquerie, d'abus de biens sociaux et de confiance, recels ou blanchiment.
Le jugement a été mis en délibéré au 24 avril, soit un mois après les élections municipales.
A la "litanie d'escroqueries" énumérées par le parquet mercredi, les avocats des prévenus ont opposé dans leurs plaidoiries jeudi et vendredi la "litanie d'incohérences" de l'accusation, allant jusqu'à comparer l'ordonnance de renvoi des juges d'instruction Renaud Van Ruymbeke et Aude Buresi à un "accident judiciaire industriel".
Au coeur du dossier, les "kits" de campagne des législatives de 2012: composés de tracts, d'affiches, d'un site internet et de prestations comptable, ils étaient vendus 16.650 euros aux candidats par Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen, et fournis par la société de communication Riwal.
Le tribunal devra notamment dire si ce système cachait des prestations surévaluées, destinées à tromper l'Etat, qui rembourse les dépenses des candidats dépassant 5% des voix.
Jeanne prêtait le montant du kit, avec intérêts, aux candidats qui lui rendaient immédiatement l'argent en achetant le matériel. Selon les magistrats instructeurs, cet "aller-retour comptable" permettait à Jeanne, quasiment dénué de fonds propres, d'avancer presque 9 millions d'euros. Le micro-parti attendait ensuite le remboursement de l'Etat pour obtenir de quoi payer Riwal, son unique intermédiaire auprès des imprimeurs.
Tous les protagonistes de l'affaire sont liés à Frédéric Chatillon, patron de Riwal et ancien président du Gud, le syndicat étudiant d'extrême-droite, dans les années 90. Ce proche conseiller de Marine Le Pen est soupçonné de s'être enrichi frauduleusement, ainsi que son entourage, grâce à d'astucieux montages.
Mercredi, le parquet a requis une amende de 500.000 euros contre le FN - devenu en 2018 le Rassemblement national - tandis que l'avocat de l'Etat, seule partie civile dans ce procès, lui a réclamé 11,6 millions d'euros de dommages et intérêts.
- "Le billot" et "la hache" -
De quoi aboutir à "la liquidation judiciaire d'un parti d'opposition" alors que le parti frontiste est déjà très endetté, a cinglé Me Alexandre Varaut, avocat de Frédéric Chatillon et de sa société. Pour Me Roland Poynard, avocat de l'élu francilien Axel Loustau, un autre ancien du Gud, il y a là une "parfaite cohérence entre la partie civile et le ministère public pour que l'un représente le billot et l'autre la hache".
"D'aucuns seraient tentés d'obtenir judiciairement ce qu'ils ne pourraient avoir politiquement", a persiflé de son côté Me David Dassa Le Deist, avocat du parti.
Contre Frédéric Chatillon, le parquet avait réclamé quatre ans de prison, dont deux avec sursis, 200.000 euros d'amende et une interdiction de gestion définitive.
Il a par ailleurs requis de la prison avec sursis pour le trésorier du parti frontiste Wallerand de Saint-Just et le juriste et eurodéputé Jean-François Jalkh, et réclamé leur inéligibilité. Des peines de prison ferme ou avec sursis, des amendes et des interdictions d'exercer ont été demandées à l'encontre d'autres prévenus.
Dans ses plaidoiries, la défense a cherché à démontrer la légalité du système, martelant que la Commission nationale des comptes de campagne avait à l'époque validé les comptes de campagnes des candidats frontistes.
"D'un bout à l'autre de cette instruction, il n'y a eu aucune volonté des magistrats d'instruire à décharge", a estimé Me François Wagner, conseil de M. Jalkh, pointant le "refus d'un bout à l'autre de désigner des experts", notamment pour évaluer le "juste prix" d'un kit de campagne.
"S'il y a surfacturation, quel est son montant? ", s'est interrogé de son côté Me Varaut. "C'est le trou noir de ce procès".
Sur les prêts soupçonnés d'être fictifs, les avocats ont fait valoir que Jeanne disposait de 1,2 million d'euros en fonds propres, ce qui exclut dès lors selon eux l'hypothèse selon laquelle le micro-parti était une coquille vide.