Au Parti socialiste, l’embarras est palpable. « Tout cela reste controversé », confirme la secrétaire nationale Corinne Narassiguin. « Le parti est super emmerdé », explique-t-on dans les couloirs du groupe socialiste du Sénat. Les élections se tiennent dans quelques semaines, et le PS n’a toujours pas tranché et apporté son investiture à une liste.
3 candidats à l’étiquette PS
Depuis plusieurs semaines, ils sont trois têtes de liste à demander cette investiture. Yan Chantrel et Laure Pallez sont tous les deux issus des rangs des socialistes établis hors de France. La troisième à la demander est une ancienne candidate à l’élection présidentielle : Ségolène Royal, « à la puissance de feu médiatique incontestable ». Habituellement, l’investiture socialiste est décernée plusieurs mois avant l’élection. « On avait un système qui marchait très bien, commente une élue des Français de l’Etranger. Les militants choisissaient, comme avec une primaire, il n’y avait pas de contestation, avec un système de désignation un an avant. »
Cette année, à trois semaines du scrutin, la désignation n’a toujours pas eu lieu. « Il n’y a pas encore eu de délibération du bureau national », explique Corinne Narassiguin. La faute à la crise sanitaire qui a décalé les élections consulaires et à la préparation du Congrès du PS, avant l’élection présidentielle. « Il y a une situation extrêmement compliquée qui n’a pas été améliorée par la candidature de Ségolène Royal », continue la secrétaire nationale.
« Je suis totalement effaré par le comportement de la direction nationale du parti », fulmine le sénateur PS Jean-Yves Leconte. « Ils considèrent que ce sont les rapports de force dans les couloirs qui prennent le dessus ».
Selon ce sénateur, la candidature de Ségolène Royal est « populiste et démagogue ». Mais le parti n’a pas voulu trancher et froisser son ancienne candidate. Pour Jean-Yves Leconte, la conséquence, c’est que « ceux qui avaient l’ambition légitime de se présenter devant les militants sont complètement bloqués. »
Ménager la chèvre et le chou
Pour la direction du PS, il y a un dilemme : Ségolène Royal reste une figure connue des Français. Sa renommée reste forte, et son pouvoir de nuisance également. Le parti préfère la ménager. D’autant que ces dernières heures, l’ancienne ministre de l’Environnement s’est dite prête à soutenir Anne Hidalgo.
Selon Le Parisien, les deux femmes se seraient vues début juillet à l’Hôtel de Ville de Paris. « Elle a une grosse audience politique », confirme un socialiste proche d’Anne Hidalgo, « personne ne veut prendre de front Ségolène » ajoute-t-il. Le parti socialiste pourrait même ainsi décider de n’investir personne. « Une manière aussi pour la direction nationale de passer le message à Ségolène Royal : ‘Personne n’a été investi en face de toi, continue l’élu parisien.
Parachutée
Pendant que la direction du parti tergiverse, les Français de l’étranger ne décolèrent pas. « Il y a eu une grosse réaction très négative au sein de cette fédération », explique une élue qui connaît bien ce corps électoral. « Il y a rejet massif de personnes qui ne vivent pas au quotidien notre réalité », abonde Yan Chantrel, qui candidate face à Ségolène Royal avant de continuer : « Par le passé, il y a eu des tentatives de parachutage d’anciens ministres, par exemple. C’est toujours la personne qui vient du terrain qui gagne à la fin. Les Français de l’étranger combattent le parachutage, il y a tellement de réalités, on a encore plus besoin de personnes qui connaissent nos problématiques. »
Même sentiment pour Laure Pallez, la troisième candidate dans ce match interne : « Je respecte [Ségolène Royal] pour son parcours mais nos électeurs ont besoin de représentants qui leur ressemblent ».
Le groupe PS du Sénat vent debout
Le sujet ne provoque pas que la gêne des Français de l’étranger. Au groupe PS, de nombreux sénateurs s’étranglent à l’idée de voir arriver Ségolène Royal dans leurs rangs.
Dès février, les socialistes au Sénat dénonçaient la position « tantôt macroniste, tantôt populiste » de l’ancienne candidate. Lorsque le sujet a été évoqué par le patron du groupe Patrick Kanner, plusieurs sénateurs ont dénoncé la possibilité de la voir arriver au groupe. « Ce jour-là, aucune voix ne s’est fait entendre pour la défendre », raconte un sénateur. La candidature n’a plus été évoquée, depuis. « La position de Kanner c’est qu’il n’a pas à prendre parti », explique un collaborateur du groupe.
Un filloniste colistier
« Ces dernières années, Ségolène Royal a pris pas mal de libertés politiques, commente Corinne Narassiguin, au secrétariat national du PS. C’est à elle de faire la preuve de son engagement socialiste. Sa liste n’est pas socialiste et la présence d’un filloniste [Charles de Loppinot, ndlr] poste question. Elle se revendique socialiste, c’est son droit. » « Elle ratisse très large », croit savoir une autre sénatrice. Une manière de dire que la candidate pourrait être en train de faire campagne auprès des électeurs de droite, face à l’hostilité des Français de l’étranger, socialistes.
Dans cette partie de billard à trois bandes, les instances du Parti socialiste pourraient ainsi finalement décider de rien faire. Quitte à frustrer les autres candidats qui s’estiment légitimes. Un psychodrame qui en préfigure un autre au sein du groupe PS, si elle devait être élue fin septembre. « Si elle vient au groupe socialiste, vous aurez la scission du groupe », dit une sénatrice dans un éclat de rire. Réponse le 26 septembre au soir.