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Au Sénat, la rémunération de 36,5 millions d’euros de Carlos Tavares fait grincer des dents. La gauche veut légiférer.

Les actionnaires de Stellantis ont validé mardi 16 avril une rémunération annuelle à hauteur de 36,5 millions d’euros pour le directeur général de l’entreprise Carlos Tavares. Si les sénateurs de tous bords s’émeuvent d’un montant démesuré, la gauche souhaite légiférer pour limiter les écarts de salaires dans l’entreprise.
Stephane Duguet

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Où que soit situé leur siège dans l’hémicycle, les sénateurs sont d’accord : la rémunération de Carlos Tavares, directeur général du groupe automobile Stellantis (Groupe PSA, Fiat Chrysler), est énorme. Les actionnaires de l’entreprise ont validé à 70 % mardi 16 avril un salaire annuel de 36,5 millions d’euros pour l’année 2023. « Les sommes dont on parle me choquent », lance Hervé Marseille, président du groupe centriste au Sénat et de l’UDI. « C’est totalement contraire à la décence commune », abonde Ian Brossat, sénateur communiste de Paris. Sur les bancs socialistes, la sénatrice des Landes Monique Lubin estime que son salaire est « incompréhensible ». Le rapporteur général de la commission des Finances, membre du groupe Les Républicains (LR), Jean-François Husson juge pour sa part que « c’est énorme » et « hors de propos par rapport aux salaires d’à peu près tous les français ».

Une loi pour limiter les écarts de salaire dans l’entreprise de 1 à 20

Le montant de la rémunération de Carlos Tavares se justifie selon les actionnaires du groupe par les bons résultats obtenus. La valeur de l’entreprise automobile a en effet doublé en bourse depuis sa création en 2021 et le rapprochement du groupe PSA avec celui de Fiat Chrysler. Côté bénéfice, il atteint près de 19 milliards d’euros, soit 10 % de plus que l’an dernier relève franceinfo. « Que M. Tavares obtienne des résultats, personne n’en disconvient, c’est un très bon manager et chef d’entreprise, indique Hervé Marseille. Mais dans un pays où il y a 12 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, il y a problème d’exemplarité sociale. » « 36 millions d’euros, c’est 100 000 euros par jour, c’est proprement hallucinant », dénonce Ian Brossat.

Le sénateur communiste, tout comme sa collègue socialiste Monique Lubin, souhaitent en passer par la loi. A l’Assemblée nationale, le député de la France Insoumise Matthias Tavel propose un texte pour limiter les écarts de salaires de 1 à 20 dans une entreprise. Une proposition qui figurait dans le programme du candidat communiste Fabien Roussel et de la socialiste Anne Hidalgo en 2022. Les députés socialistes avaient même déposé une proposition de loi en ce sens en 2021. Elle a été à nouveau déposée mardi 16 avril par le groupe présidé par Boris Vallaud. « J’en parlerai à mon groupe à la reprise des travaux parlementaires », avance Monique Lubin. Celle qui est membre de la commission des Affaires sociales s’interroge : « Comment justifier un tel niveau de salaire quand on voit celui des ouvriers en bas de la chaîne ? Même avec un écart de 1 à 20, M. Tavares continuera à vivre sans soucis. Que peut-on faire avec autant d’argent ? ».

« Nous ne sommes pas en union soviétique », estime Hervé Marseille

Avant l’assemblée générale de Stellantis qui a validé sa rémunération annuelle, Carlos Tavares avait d’ailleurs lancé « si vous estimez que ce n’est pas acceptable, faites une loi et je la respecterai ». « C’est une provocation », regrette Hervé Marseille qui ne souhaite pas pour autant légiférer afin de limiter les salaires. « Nous ne sommes pas en union soviétique », justifie le patron des centristes. Il rappelle par ailleurs les propositions de son groupe pour « taxer le rachat d’actions » et les « profits exceptionnels, notamment pour les énergéticiens ». Une position que ne comprend pas son collègue communiste. « Si ça ne relève pas de la loi, à quoi servent les parlementaires ? », s’agace Ian Brossat.

Celui qui est également vice-président de la délégation sénatoriale aux entreprises propose d’aller plus loin que la question des écarts de rémunération. « L’Etat verse 200 milliards d’euros d’aides publiques par an aux entreprises. On pourrait les moduler en fonction de la politique salariale de l’entreprise », détaille le sénateur de Paris qui souhaite aussi une indexation du salaire sur l’inflation.

Ce n’est pas la première fois que la rémunération de Carlos Tavares est critiquée. Alors en campagne pour sa réélection, Emmanuel Macron avait même jugé en avril 2022 son montant « choquant et excessif ». « Depuis qu’il est président de la République, les 500 plus grandes fortunes françaises ont vu leur patrimoine doubler », raille Ian Brossat.

Crainte de fuite vers d’autres groupes des dirigeants d’entreprise

Aligné sur la position de son collègue de la majorité sénatoriale d’Hervé Marseille, le sénateur LR Jean-François Husson ne souhaite pas que les parlementaires légifèrent. « Je ne crois pas qu’on ait la solution miraculeuse avec la loi ». Il estime d’ailleurs que la proposition des socialistes de limiter l’écart de salaire dans les entreprises de 1 à 20 est floue. « Pourquoi 1 à 20 et pas 1 à 10 ou 1 à 35 ? On pourrait même imaginer que malgré cette mesure, il y ait à côté des avantages qui ne soient pas comptés comme du salaire », explique-t-il. Le rapporteur de la commission des finances du Sénat craint également que s’il y avait une limite de rémunération, « les très grands dirigeants n’aient pas d’état d’âme à aller dans d’autres groupes ».

Bien qu’à « titre personnel », il « pense que ce serait mieux s’il n’y avait pas ces amplitudes de rémunération », Jean-François Husson considère que « si les entreprises avancent bien, se déploient, créent de la richesse, embauchent avec des parcours de formations où les gens se réalisent, je me dis que ça peut être déplacé de vouloir réglementer ces gens-là. » Pour Hervé Marseille, la question des écarts de rémunération ne peut se régler que par « la responsabilité des actionnaires et des entreprises. » S’ils sont en accord sur le constat, les sénateurs de gauche, de droite et du centre auront en tout cas du mal à s’entendre sur les solutions à mettre en place.

 

 

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