S’il y a bien un voyant rouge qui s’est allumé dès le mois en mars à la commission de l’Aménagement du territoire au Sénat, c’est bien celui-ci : la réduction d’activité à La Poste, pénalisant des populations vivant aussi bien dans les zones rurales que dans des quartiers de la ville. Auditionné par la Haute assemblée ce 8 avril en fin de matinée, le président-directeur général du groupe La Poste, Philippe Wahl, a eu droit à une séance d’explications franches, et parfois directes. Ce rendez-vous était également l’occasion pour lui d’officialiser certaines annonces.
Objectif de 2500 bureaux cette semaine, 5000 bureaux fin avril
En début de semaine, 250 bureaux supplémentaires – en plus des 1600 actuellement ouverts – ont repris du service afin d’assurer le versement des prestations sociales, comme le RSA. L’effort a été concentré « essentiellement sur les bureaux les plus importants », selon le PDG du groupe. « Sur les deux premiers jours, la situation est bonne », a-t-il indiqué. L’approvisionnement en cash a été « la priorité absolue » de La Poste, durant cette deuxième phase de consolidation. Le président (Union centriste) de la commission de l’Aménagement du territoire, Hervé Maurey a expliqué que dans son département de l’Eure, un maire avait été contraint de « sortir son portefeuille » pour que ses administrés, sans carte bancaire et en rupture de monnaie fiduciaire, puissent réaliser leurs courses.
Selon le sénateur LR Patrick Chaize, qui préside l’Observatoire national de la présence postale, 75% des distributeurs automatiques de billets seraient bien alimentés. Concernant les personnes sans carte ou éloignés des distributeurs, Philippe Wahl a précisé qu’il était « possible d’utiliser les facteurs pour distribuer du cash à domicile ». « Cela est permis. »
Une nouvelle montée en puissance du réseau est annoncée pour tout le mois d’avril. « À la fin de cette semaine, nous aurons 2500 bureaux de poste ouverts », a promis Philippe Wahl, qui se fixe pour objectif 5000 bureaux opérationnels « à la fin du mois d’avril », pour cette « troisième phase » de l’adaptation de l’entreprise.
« 30 000 colis », bloqués dans des agences fermées, « vont être redistribués »
À ces 5000 bureaux, s’ajouteront 1000 points de retrait pour les colis. Sur le problème spécifique des colis « bloqués » dans les agences fermées, le PDG s’est engagé à un retour progressif à la normale. « 30 000 colis vont être redistribués », a-t-il assuré.
Son groupe est également en contact avec l’Association des maires de France (AMF), pour rouvrir de nouvelles agences postales communales (APC), des agences qui se situent en mairie. « Aujourd’hui, 800 des 7000 agences postales communales sont ouvertes », a-t-il précisé. Ces décisions relèveront des maires, mais La Poste s’est engagée à fournir le matériel de protection et le numéraire nécessaire aux opérations.
Au total, en tenant compte des différents partenaires, le groupe La Poste envisage 10 000 « points de contact » (sur 17 000) pour l’ensemble du pays.
Le désarroi des sénateurs et élus locaux de milieux ruraux
« Cela prend du temps car c’est incroyablement complexe. Je comprends votre étonnement et je cherche à y répondre », s’est défendu le dirigeant postal, face à des sénateurs parfois très contrariés. Le sénateur PS Marc Daunis a relayé le désarroi des maires, qui ont subi des « décisions unilatérales, imposées d’en haut ». La sénatrice centriste Anne-Catherine Loisier, s’est alarmée du sort des bénéficiaires des minima sociaux en milieu rural. « À vous entendre, on dirait que la priorité de la desserte est aux bureaux où il y a eu un afflux. Dans les zones rurales, certains n’ont pas de moyens de transport et n’ont pas eu accès aux prestations. Il faut moduler votre propos. » Dans son département de la Côte-d’Or, 13 bureaux sur 64 étaient ouverts, selon elle. Certains se situant à 60 kilomètres aller-retour de certains domiciles. Philippe Wahl a précisé que les salariés pouvaient être mobiles dans une zone géographique, afin d’assurer une permanence tournante.
Le sénateur (Union centriste) Jean-François Longeot s’est, quant à lui, inquiété des conséquences à plus long terme des fermetures d’agences de la Banque postale pendant l’état d’urgence sanitaire. « 29% des agences postales sont ouvertes. Cela veut dire que les habitants des zones rurales auront pris d’autres habitudes. J’ai peur que certaines conservent ces habitudes et abandonnent leur agence postale. »
Des boîtes jaunes condamnées avec du ruban adhésif
De nombreux sénateurs ont aussi fait état des boîtes jaunes qui n’étaient plus traitées par les facteurs. « Certains élus disent que certaines sont complètement pleines. Sont-elles toujours ramassées ? » s’est interrogée la sénatrice LR Marta de Cidrac. « Nous aussi, nous avons constaté du scotch posé sur les boîtes aux lettres », a appuyé la socialiste Nelly Tocqueville.
Selon Philippe Wahl, « plus des deux tiers des boîtes jaunes sont actives ». « On en a obturé certaines avec du scotch mais c’est la bonne chose à faire, dès lors qu’elles ne sont pas sur la tournée », a-t-il expliqué.
Un réseau tombé à 1600 bureaux sur le territoire, après l’instauration du confinement
Dans les jours qui ont suivi l’instauration du confinement, La Poste avait été contraint de réduire son réseau à 1600 bureaux sur l’ensemble du territoire, conséquence de précautions sanitaires face au Covid-19 et de l’absence d’employés devant garder leurs enfants. La tournée des facteurs a été recentrée sur trois jours par semaine seulement. Des réductions d’amplitude parfaitement « assumées » par la direction. « Nous avons eu un choc sur la force de travail. De nombreux Français doivent garder leurs enfants et ne peuvent pas venir travailler. Et tant qu’employeur, nous avons dû protéger les plus âgés et les plus fragiles de nos travailleurs », a détaillé Philippe Wahl.
Au cours de l’audition, le PDG a par ailleurs annoncé que la distribution de la presse quotidienne serait assurée cinq jours par semaine, « dès la semaine prochaine », contre trois actuellement. S’agissant de la montée de la fréquence de la distribution du courrier et des colis, le dirigeant n’a pas pu s’engager sur une date précise. « La Poste est une institution qui est clé pour le pays, je le mesure. Les dispositifs doivent être solides, pour résister dans la durée, à cette crise. »