Audiovisuel public : le Sénat rejette les crédits, la droite divisée sur le financement

Jeudi soir, dans le cadre de l’examen du budget 2024, le Sénat a rejeté les crédits, pourtant en hausse, de l’audiovisuel public. Les élus de la chambre haute attendent toujours plus de visibilité sur le financement de l’audiovisuel depuis la suppression de la redevance.
Simon Barbarit

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Ces dernières années, la question de l’audiovisuel public est devenue un point de friction entre la majorité sénatoriale et l’exécutif. Il y a deux ans, après l’annonce de la suppression de la redevance, une mission d’information conduite par les sénateurs LR Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi plaidait pour une réforme de son mode de financement et de sa gouvernance via une fusion de France Télévisions et de Radio France.

« C’est Noël avant l’heure »

Comme en 2023, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit de compenser la suppression de la redevance par l’affectation d’une fraction de TVA « dont le montant s’élève à 4 milliards d’euros. Cela correspond à une hausse de 209 millions d’euros par rapport à 2023, soit plus de 5,49% (…) c’est Noël avant l’heure pour une partie de l’audiovisuel public et notamment France Télévisions », a estimé Jean-Raymond Hugonet (LR), rapporteur spécial de la mission « médias, livres et industries culturelles ». Dans le détail, sur les quatre milliards de TVA prévus en 2024, plus de 63 % de cette somme est accordé à France Télévisions, 16 % à Radio France, le reste est réparti entre Arte (7,7 %), France Médias Monde (7,6 %), l’INA (2,7 %) et TV5 Monde (2,1 %).

Toutefois, cette affectation d’une part de la TVA à l’audiovisuel public n’est pas destinée à perdurer car la loi organique du 28 décembre 2021, relative à la modernisation de la gestion des finances publiques (LOLF), prévoit qu’au-delà de 2025 une affectation de taxe ne peut être maintenue que si celle-ci est en lien avec la mission de service public qu’elle vient financer. « Aujourd’hui la situation est devenue insupportable, toujours pas de réelle stratégie pour l’audiovisuel public, aucun cap clair et fiable, tout juste un aimable bricolage qui ne trompe personne », s’est agacé le rapporteur.

Baisse des crédits de l’audiovisuel : les centristes ne suivent pas Les Républicains

Afin d’accentuer la pression sur le gouvernement, Jean-Raymond Hugonet avait déposé un amendement visant à geler la hausse des crédits afin de pallier ce qu’il considère être « une perpétuelle fuite en avant financière ». Mais la majorité sénatoriale s’est divisée. Les centristes n’ont pas suivi leurs alliés LR, et avec les voix de la gauche, ont rejeté l’amendement lors d’un scrutin public. Le président centriste de la commission de la culture, Laurent Lafon a indiqué qu’il comprenait les préoccupations de son collègue « sur la fragilité » de la ressource et la « nécessité de faire une réforme de structure » de l’audiovisuel public. « Autant, je ne comprends pas sa conclusion (…) Je ne vois pas la finalité de pénaliser l’audiovisuel public de décisions qui ne sont pas prises par le gouvernement ».

A noter qu’une partie de cette hausse des crédits est conditionnée à des projets de transformation et de modernisation des antennes. « C’est un nouveau coup porté au financement pérenne, dynamique et indépendant de l’audiovisuel public. Il ouvre une porte dangereuse de financement sous conditions », a dénoncé la sénatrice PS, Sylvie Robert.

« Il est irresponsable de laisser planer le doute sur ces grands services publics de l’information », a appuyé la sénatrice écologiste Monique de Marco.

Roger Karoutchi a quant à lui estimé que l’audiovisuel public extérieur était le parent pauvre de ce budget. « TV5 et France Médias Monde méritent mieux. Ce sont des éléments forts dans la guerre informationnelle qui se produit aujourd’hui partout dans le monde ».

La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak a rappelé que ces dernières années « l’audiovisuel avait déjà engagé des transformations profondes, 190 millions d’économies, 6% de baisse d’effectifs sous le précédent quinquennat. Ces réformes ont été accompagnées d’une dynamique d’innovation, d’une hausse des audiences ». Au sujet de son financement, la ministre a évoqué la nécessité d’une nouvelle loi organique en 2024, « afin de donner la visibilité nécessaire aux entreprises de l’audiovisuel public, mais nous avons encore le temps, un an », a-t-elle voulu rassurer.

 

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