L’audition fleuve du Premier ministre François Bayrou, durant cinq heures et demie, mercredi, a rapidement viré à l’affrontement politique. Ce 16 mai, les deux invités politiques de l’émission Parlement hebdo, diffusée sur Public Sénat et LCP-Assemblée nationale, le sénateur Pierre Ouzoulias (communiste) et le député Philippe Vigier (Les démocrates), lequel participait à l’audition, considèrent que ce rendez-vous a été une occasion manquée d’évoquer bien plus en profondeur la question des violences dans les établissements scolaires.
« J’ai été très déçu par l’audition. J’aurais aimé qu’on parle plus au fond des victimes. La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église a évalué le nombre de victimes à 140 000. J’aurais aimé que l’on commence par ça, et dire comment il se peut que dans un pays comme le nôtre on ait pu laisser faire des sévices aussi longtemps. Il y a une responsabilité collective […] Il fallait comprendre les raisons de cette omerta », a déclaré le sénateur Pierre Ouzoulias.
« Il faudra reparler de Stanislas aussi, où la commission d’enquête nous a appris des choses qui sont inadmissibles »
Le parlementaire des Hauts-de-Seine, très engagé sur la défense de la laïcité, fait également part d’une autre contrariété : « Ce que je regrette, c’est qu’aujourd’hui il soit très peu question de l’Église catholique. J’ai l’impression qu’ils se cachent derrière M. Bayrou. Je ne trouve pas ça honnête […] Il faut que justice soit faite. J’attends un engagement fort de la hiérarchie catholique. C’est son affaire aussi Bétharram, ce n’est pas uniquement l’affaire de M. Bayrou. »
Sur le sujet du contrôle, le sénateur communiste estime qu’il y a « un point aveugle » dans la loi Debré de 1959, qui organise les relations entre l’Etat et les établissements d’enseignement privés : « c’est celui du caractère propre des établissements, que l’institution catholique met en avant pour faire ce qu’elle veut […] Il y a Bétharram, il faudra reparler de Stanislas aussi, où la commission d’enquête nous a appris des choses qui sont inadmissibles », a-t-il ajouté. Pierre Ouzoulias fait référence ici à l’établissement privé parisien qui avait défrayé la chronique à l’automne 2024.
« Il n’y a pas que les écoles privées, mais aussi les écoles publiques, dans lesquelles il y a eu aussi une forme d’omerta », a enchaîné son contradicteur, le député MoDem Philippe Vigier. L’ancien ministre des Outre-mer aurait aimé « que l’on dise quel est le plan pour les victimes. »
Sur la forme de l’audition, Pierre Ouzoulias n’a pas été surpris outre mesure par l’attitude de François Bayrou et celle du corapporteur insoumis Paul Vannier. « François Bayrou est un homme politique. Il fait très bien comment il faut se comporter dans ce genre d’audition. Paul Vannier a un projet politique qui est évident, on est au Parlement. »
« On ne peut pas reprocher à une commission d’enquête de faire de la politique »
Et d’ajouter : « Une commission d’enquête, c’est toujours une arme politique. On ne peut pas reprocher à une commission d’enquête de faire de la politique. » En revanche, le sénateur se dit « gêné » par le « tête-à-tête » qui s’est installé entre les deux élus. « Ici au Sénat on a d’autres pratiques. Les Français ne sont pas retrouvés là-dedans, parce que c’était extrêmement politicien. »
Philippe Vigier ajoute de son côté : « Les insoumis, ils ont loupé la censure, ils essayent maintenant de faire tomber Bayrou, alimentés par un seul journal, Mediapart. » Le député d’Eure-et-Loir se montre également choqué par le fait que François Bayrou s’est vu refuser dans un premier temps la diffusion d’un extrait d’une audition de l’ex-professeure à Bétharram Françoise Gullung, par la présidente PS de la commission Fatiha Keloua Hachi. « Il y a des différences entre les auditions et le script des auditions, c’est gravissime. François Bayrou a voulu donc diffuser la vidéo de la fameuse professeure, ça lui a été refusé. Dans le temple de la démocratie, on ne fait pas ça. »