Maire de Saint-Brévin : « Le préfet a menti effrontément », dénonce Yannick Morez

Harcelé pendant des mois par un collectif d’extrême droite opposée à l’installation d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile, le maire démissionnaire de Saint-Brévin-les-Pins, Yannick Morez a livré un témoignage accablant devant la commission des lois du Sénat. Il a méthodiquement détaillé l’absence de soutien de l’Etat et accuse le préfet de Loire-Atlantique de mensonge.
Simon Barbarit

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Une audition qui se termine par une salve d’applaudissements des sénateurs, l’évènement est rare et s’est pourtant produit ce mercredi. Après l’annonce de sa démission la semaine dernière, le maire de Saint-Brévin-les-Pins avait reçu un soutien unanime de la part de la classe politique et une invitation à témoigner devant la commission des lois.

Victime d’un incendie criminel de son domicile le 22 mars dernier pour avoir voulu installer un centre d’accueil de demandeurs d’asile sur sa commune (Cada), le maire de Saint-Brévin-les-Pins, Yannick Morez a décidé de jeter l’éponge. Sa situation interpelle les sénateurs qui travaillent depuis des années sur les violences faites aux élus.

 

« J’ai été victime d’un attentat criminel »

« J’ai été victime d’un attentat criminel », a-t-il affirmé, sans ambages, devant les sénateurs après avoir méthodiquement détaillé les menaces dont il a fait l’objet depuis des mois, date ou l’Etat l’avait informé de l’installation d’un Cada dans cette commune touristique de15 000 habitants.

Un lieu est trouvé en septembre 2022 dans le secteur de la Pierre Attelée, validé par l’association Aurore qui gère le centre d’accueil et par les services de l’Etat. La vente du terrain est votée à l’unanimité du conseil municipal à l’Association Aurore. Il jouxte une école maternelle et primaire. « Le 15 octobre 2022, une première manifestation est organisée par ce collectif de la Pierre Attelée. Une quarantaine de personnes dont la majorité provient de l’extérieure de la commune. Parce que sur Saint-Brévin il y a relativement peu de personnes qui sont d’extrême droite », précise l’élu.

Mais très vite, ce collectif dirige ses attaques vers le maire « avec différents articles sur les réseaux sociaux, des menaces, des intimidations et beaucoup d’articles sur le site Riposte laïque. On était mis en pâture, moi, la directrice de l’école, la présidente de l’association des parents d’élèves, avec nos photos mises sur ce site et différentes insultes en dessous. On a alerté la gendarmerie pour savoir ce qu’ils pouvaient faire. La réponse, et on nous l’a répété très souvent, c’était : liberté d’expression », narre-t-il.

« On se sentait démunis et abandonnés par les services de l’Etat »

Il reçoit également des tracts dans sa boîte aux lettres personnelle. Lors d’une réunion publique, le 10 février 2023, organisée par la mairie, « on a rappelé au sous-préfet tout ce qui s’était passé et on a été très très surpris. Le sous-préfet nous simplement dit qu’il avait lui-même tous les jours des menaces et de l’intimidation. Ça ne sert à rien de déposer plainte. On ne fera rien. C’est la liberté d’expression. Avec mes deux adjointes, on était choqué on se sentait démunis et abandonnés par les services de l’Etat. On allait devoir affronter cette montée en puissance de ce collectif qui ne représentait plus Saint-Brévin mais qui faisait venir tous les groupuscules d’extrême droite.

L’avant-veille de l’incendie il sera intimidé physiquement par des membres de ce collectif. « Ils m’ont demandé si je dormais bien. Ils voulaient me raccompagner à ma voiture ».

Après l’incendie, il recevra bien des coups de fil de soutien du préfet, du sous-préfet et d’Olivier Véran. Mais ça s’arrêtera là. Il n’obtiendra pas de protection renforcée par la suite, malgré sa demande faite au préfet.

« Le jour où j’ai donné ma démission, c’est la seconde fois que je l’avais au téléphone »

Sa décision de jeter l’éponge et quitter la ville où il résidait depuis 32 ans sera prise après une énième intimidation d’un membre de ce collectif à la terrasse d’un café où il se trouvait avec son fils. « Le préfet m’a appelé le lendemain. Je lui ai dit que je n’avais pas senti le soutien de l’Etat. Il m’a dit qu’il nous avait soutenus en envoyant trois compagnies de CRS lors des manifestations […] Il faut savoir que le préfet a dit dans la presse qu’il m’avait eu régulièrement au téléphone. Le jour où j’ai donné ma démission, c’est la seconde fois que je l’avais au téléphone. Quant au sous-préfet, je l’ai eu une fois au téléphone, le jour de l’incendie, après plus jamais ».

Yannick Morez va même plus loin dans ses dénonciations. « Vous avez dû voir la communication du préfet après ma démission. Il dit qu’il a organisé des réunions publiques. De la part d’un préfet, mentir effrontément en public, c’est quand même important. Il représente l’Etat. Il sait très bien qu’il n’a pas organisé de réunions publiques. Il suffit de lui demander la date. Il ne pourra pas en fournir. Il n’en a pas fait ».

 

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