Avec la Constitution de 1958, « l’exécutif retrouve la prééminence »
Pour l'historien et politologue Eric Roussel, la Constitution de 1958 marque une rupture dans l'histoire politique et...

Avec la Constitution de 1958, « l’exécutif retrouve la prééminence »

Pour l'historien et politologue Eric Roussel, la Constitution de 1958 marque une rupture dans l'histoire politique et...
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Pour l'historien et politologue Eric Roussel, la Constitution de 1958 marque une rupture dans l'histoire politique et institutionnelle française, et scelle la prééminence de l'exécutif.

Q. En 1958, quelle est l'urgence de changer de République et de constitution ?

R. De Gaulle en a fait une sorte d'article de foi. Dès la Libération, il dit qu'il faut un renforcement de l'exécutif et mettre fin au régime d'assemblées qui était celui de la IIIe République - et qui a encore été aggravé par la constitution et la pratique de la IVe. Objectivement, pendant toute la durée de la IVe République, il a joué - il le disait - sur la catastrophe. Il avait cette formule : +les gens commenceront à réagir quand ils seront touchés dans leur vie quotidienne+. C'est ce qu'il s'est passé, il y avait une lassitude générale devant le spectacle de ces gouvernements qui tombaient, une instabilité gouvernementale encore plus grande que sous la IIIe. Ca a provoqué un sentiment d'humiliation nationale, à l'étranger la France était déconsidérée par ce système, le président des Etats-Unis ne savait jamais à qui s'adresser lorsqu'il téléphonait en France.

La IVe République a fait un travail important de modernisation du pays, mais elle a buté sur le problème algérien qu'elle n'a pas pu résoudre à cause justement de son manque de solidité institutionnelle. Le référendum de 1958, c'est à la fois une condamnation de ce régime qui n'avait plus aucun défenseur et une adhésion à la personne de de Gaulle. Il y avait une aspiration à autre chose.

Q. En quoi la Constitution de 1958 constitue-t-elle une rupture ?

R. C'est une date charnière dans l'histoire politique et institutionnelle française. Pour la première fois, le pouvoir exécutif retrouve la prééminence. Toute l'histoire constitutionnelle française avait été dominée par le précédent des deux empires - plus récemment du second, celui de Napoléon III. A partir de ce moment-là, toute idée de concentrer le pouvoir entre les mains d'une seule personne paraissait suspecte. Il y avait cette idée qu'il fallait éviter le pouvoir d'un seul et que le pouvoir légitime c'était le pouvoir parlementaire. Au fond, c'est arrivé parce qu'il y a eu la démonstration par l'absurde sous la IVe république des dérives d'un système hyper-parlementariste.

En 1962, il y a des oppositions. Le règlement de l'affaire algérienne par de Gaulle a suscité beaucoup de critiques. Ca s'est retrouvé, quand il a voulu instaurer le suffrage universel et il y a eu aussi un phénomène qui rappelle un peu ce qui se passe aujourd'hui : tous ceux qui avaient été éliminés de l'ancien système ont cru que c'était l'occasion de prendre une revanche. Donc, ça a provoqué un regroupement de l'opposition au sein de ce que l'on a appelé le +cartel des Non+. Mais ça a échoué. Faire campagne sur l'idée qu'il faut empêcher les Français d'élire le Président de la République, c'est très difficile à expliquer.

Q. 60 ans plus tard, elle n'est guère remise en cause?

R. La constitution de 1958 répond à quelque chose d'assez profond dans l'imaginaire national. Il y a toujours cette nostalgie d'une sorte de monarque républicain. On s'est aperçu qu'il y avait une aspiration à voir le pouvoir incarné. C'est quand même une constitution qui a été bien faite. Dans sa forme première - parce qu'elle a été beaucoup modifiée -, il y avait un équilibre institutionnel, qui a d'ailleurs été renforcé au profit du législatif par les réformes de Valery Giscard d'Estaing en 1974 et, paradoxalement, par Nicolas Sarkozy.

A présent, si la réforme constitutionnelle (voulue par Emmanuel Macron) aboutit, on s'oriente plutôt vers un affaiblissement du Parlement. Ca répond d'ailleurs à la logique de verticalité qui est aujourd'hui pratiquée par le président.

Dans la même thématique

BRUNO RETAILLEAU LE HAVRE
10min

Politique

Retailleau, Philippe, Attal : en 2027, y aura-t-il « que des cadavres à la fin » ?

Entre Bruno Retailleau, nouvel homme fort de la droite, Edouard Philippe, déjà candidat pour 2027, Gabriel Attal, qui rêve de l’être, Gérald Darmanin et les autres, la division menace le socle commun pour la présidentielle. La machine à perdre est-elle en marche ? A moins que certains rapprochements s’opèrent, à l’approche du scrutin…

Le

Taxi Blockades in Marseille
6min

Politique

Colère des taxis : la réforme du transport sanitaire, une piste d’économies inflammable

Vent debout contre le projet de nouvelle tarification de l’Assurance maladie, les représentants des chauffeurs de taxi sont attendus, samedi, au ministère des Transports pour une réunion avec François Bayrou. Mais l’exécutif a d’ores et déjà indiqué qu’il ne fera pas « machine arrière », soutenant son objectif de baisse des dépenses présenté lors de l’examen budget de la Sécurité sociale. Au Sénat, les élus mettent en balance les impératifs de santé et d'économie.

Le

SIPA_01213808_000003
3min

Politique

Transport sanitaire : pourquoi les taxis se mobilisent ?

Après quatre jours de mobilisations massives pour protester contre un projet de nouvelle tarification de l’Assurance maladie sur les transports de malades, les chauffeurs de taxi ont obtenu une réunion samedi au ministère des Transports en présence de François Bayrou. Explications.

Le