Avec son projet « d’Europe des nations », Marine Le Pen veut relancer l’alliance entre souverainistes

Avec son projet « d’Europe des nations », Marine Le Pen veut relancer l’alliance entre souverainistes

A la recherche de partenaires diplomatiques crédibles, le regard de la candidate du RN est porté sur l’Europe de l’Est où les ultra-conservateurs sont déjà au pouvoir. Si les convergences de vue sont évidentes entre souverainistes sur les questions de société et les thématiques européennes, les liens pourraient se tendre sur une future coopération entre Etats notamment du fait des divisions sur la question russo-ukrainienne.
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Par Louis Dubar

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En matière de politique étrangère, Marine Le Pen souhaite bouleverser le statu quo, réorienter la diplomatie hexagonale de « l’Atlantique vers l’Oural. » Ce mercredi 13 mars, la candidate a pendant une heure et demie détaillé son programme à Paris. Critique du multilatéralisme, elle privilégie l’indépendance stratégique, la sortie du commandement intégré de l’OTAN, le renforcement des accords bilatéraux notamment auprès du groupe Visegrád (Hongrie, Pologne, Tchéquie et Slovaquie) et prône un rapprochement avec la Russie après la fin des combats en Ukraine.

Une alliance contrariée par la guerre en Ukraine

En cas d’élection à la présidence de la République, la candidate RN annonce la création d’une alliance Européenne des « nations libres et souveraines, » un partenariat entre Etats, sans les conséquences économiques et politiques d’un ‘Frexit’ ou d’une sortie de la monnaie unique, des propositions inscrites dans le projet adouci de Marine Le Pen sur l’Europe. « Nous voulons une réforme de l’Union européenne de l’intérieur », précise-t-elle. En déplacement en Alsace, le président sortant a sévèrement critiqué la proposition de la candidate RN. « Elle a mis dans son programme qu’elle voulait faire une alliance entre nations, donc elle veut sortir de l’Europe, sans doute avec ses amis. Si elle veut faire une alliance avec la Hongrie et la Pologne, ce sera un drôle de club », affirme Emmanuel Macron.

Avec une quinzaine de formations souverainistes et d’extrême droite, Marine Le Pen voulait déjà en 2021 constituer « une grande alliance » souverainiste. Ce groupe devait être constitué à partir de la Ligue en Italie, du Fidesz en Hongrie, de Vox et en Espagne et du parti Droit et Justice (PiS) en Pologne. Les partis souverainistes et eurosceptiques auraient pu réunir plus de 100 eurodéputés devenant de facto la deuxième force parlementaire à Strasbourg. Le projet n’a pas dépassé la signature d’une déclaration commune en juillet 2021 sur l’avenir de l’Europe et « contre le fédéralisme » de Bruxelles.

L’invasion russe de l’Ukraine depuis le 24 février dernier, a contrarié la réalisation de ce projet et mis en évidence les différences politiques. La « russophilie » du Fidesz et du RN a été un point de crispation pour Varsovie, engagé en faveur de l’Ukraine et hostile au régime de Vladimir Poutine depuis le début des combats en Ukraine. De son côté, Viktor Orban s’oppose toujours à la mise en place d’un embargo gazier et pétrolier des importations russes. « La convergence entre le Rassemblement National et le Fidesz de Viktor Orban est évidente à tous les niveaux. Mais avec Varsovie, le partenariat risque d’être plus compliqué. Les Polonais sont attachés à l’Otan et ont une volonté d’impliquer les Etats-Unis dans la défense de l’Union », souligne Matthieu Boisdron, docteur en histoire et rédacteur en chef adjoint du Courrier d’Europe Centrale. Le projet politique européen de Marine Le Pen risque « de se heurter à l’atlantisme de Varsovie. »

L’entente Le Pen-Orban

« Viktor Orban et Marine Le Pen partagent un projet similaire d’Europe des nations. Il existe une convergence très forte sur les valeurs et ils partagent une opposition commune à une Europe ‘fédérale’ », explique Matthieu Boisdron. Deux jours après sa victoire électorale, la Commission européenne a décidé de suspendre les fonds européens destinés à la Hongrie en raison d’accusations de corruption et de conflits d’intérêts.

Le premier Ministre hongrois a apporté publiquement son soutien à la députée du Pas-de-Calais à l’élection présidentielle française le 29 janvier en marge d’un sommet réunissant plusieurs partis d’extrême droite à Madrid. « J’espère que les Français éliront quelqu’un qui est engagé pour la famille pour les valeurs chrétiennes et qui est prêt à s’élever contre les migrations, voilà ce que j’espère. Et Marine Le Pen est clairement ce type de dirigeante. » Le premier Ministre Hongrois a réaffirmé son appui à l’élue Hexagonale dans un message vidéo diffusé au cours du meeting de la candidate Lepéniste à Reims. Les liens de la candidate avec Budapest sont également financiers, Marine Le Pen a contracté un prêt pour sa campagne de 10,6 millions d’euros auprès de la banque MKB, propriété de l’oligarque Lorinc Meszaros, proche du premier Ministre.

Modèle de l’ultra-conservatisme européen, Viktor Orban inspire l’extrême droite française. En septembre 2021, la quatrième édition du « sommet démographique » de Budapest avait réuni militants et responsables politiques de la droite identitaire occidentale. Initiée par Viktor Orban en 2015, les différents intervenants dont l'ancien vice-président Mike Pence, le premier Ministre serbe Aleksandar Vučić, sous prétexte de trouver « des solutions » à la « crise » démographique qui menacerait l’Europe, discutaient de la théorie du « grand remplacement » et vilipendaient la « propagande » de la communauté LGBT.

Parmi les invités Français de ce sommet, Marion Maréchal et Éric Zemmour avaient fait le déplacement à Budapest. L’ex-candidat à la présidentielle s’était entretenu avec le dirigeant hongrois au cours d’une rencontre bilatérale. A la question pourquoi Viktor Orban préfère-t-il soutenir Marine Le Pen plutôt qu’Éric Zemmour, pourtant porteur d’un projet politique plus radical et proche idéologiquement ? Pour Matthieu Boisdron, l’approche de Viktor Orban est opportuniste. « Marine Le Pen apparaît plus susceptible de remporter des résultats électoraux majeurs, ce qui n’est pas forcément le cas d’Éric Zemmour », souligne-t-il. « Comme pour Marine Le Pen, l’ambition de Viktor Orban n’est pas de quitter l’UE, mais d’entreprendre une réorientation souverainiste des institutions européennes. »

 

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