Avec un grand ministère des territoires, l’espérance d’un nouveau chapitre avec les élus locaux

Avec un grand ministère des territoires, l’espérance d’un nouveau chapitre avec les élus locaux

En créant un ministère élargi des Territoires, l’Élysée veut ouvrir une nouvelle page avec les collectivités territoriales, après des mois de relations tumultueuses.
Public Sénat

Par Guillaume Jacquot (Sujet vidéo : Héloïse Grégoire)

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Le ministère de la Cohésion des Territoires, incarné hier encore par Jacques Mézard, change de visage et prend de l’importance. Jusque-là ministre auprès du ministre de l’Intérieur, sans attribution particulière mais néanmoins placée sur les questions territoriales, Jacqueline Gourault prend du galon et rejoint un ministère élargi. La nouvelle ministre ne sera pas seulement en charge de la Cohésion des Territoires, elle sera aussi chargée des Relations avec les collectivités territoriales.

Un symbole dans l’intitulé, à l’heure où les liens avec l’exécutif et l’État se sont distendus ces derniers mois. La ligne des griefs est longue : baisse des dotations, encadrement des dépenses, poids du versement des allocations de solidarité pour les départements, bras de fer autour de la formation pour les régions, ou encore coupes dans les emplois aidés pour les communes.

La campagne sur les réseaux sociaux « Balance ton maire », lancée sur les réseaux sociaux par des proches de la majorité présidentielle, pour dénoncer les élus qui ont augmenté la taxe d’habitation a mis un peu plus le feu aux poudres ce week-end. Lors de ses premières questions d’actualité, à l’Assemblée nationale, Jacqueline Gourault a déclaré que le gouvernement « ne cautionnait pas ce genre de pratique ».

Une « réconciliation »

C’est donc une « tâche exigeante », de son aveu même, qui attend cette proche de François Bayrou. Lors de sa passation de pouvoir, elle a même employé le terme de « réconciliation » des territoires, appelant à « recoudre le tissu ».

Spécialiste des collectivités territoriales, dans lesquelles elle a multiplié les déplacements en un an, Jacqueline Gourault dispose d’une longue expérience en la matière. Élue locale du Loir-et-Cher depuis près de 30 ans, son passé de présidente de la délégation sénatoriale aux Collectivités territoriales ou encore de première vice-présidente de l’AMF (Association des maires de France)

Elle sera épaulée, non plus par un secrétaire d’État, comme c’était le cas sous Jacques Mézard, mais par deux. En plus de Julien Denormandie, chargé des questions liées à la Ville ou au Logement, arrive Sébastien Lecornu, nouveau secrétaire d’État en charge des collectivités, venu du ministère de la Transition écologique.

Avec ce nouveau super-ministère, la Madame collectivités du gouvernement pourra compter également sur l’appui de l’administration. Selon nos confrères d’Acteurs Publics, la Direction générale des collectivités locales s’affranchit de l’autorité du ministère de l’Intérieur.

Un lien clair au gouvernement était réclamé par les grandes associations d’élus

Les associations d’élus locaux réclamaient depuis longtemps un interlocuteur clair au gouvernement. Ce mardi, deux d’entre elles semblent se montrer satisfaites de ce geste. « Enfin les collectivités territoriales ont des interlocuteurs désignés », réagit Dominique Bussereau, le président de l’Assemblée des départements de France. Contacté pour rejoindre l’équipe d’Édouard Philippe, probablement pour devenir le médiateur avec les collectivités, il avait décliné la proposition. Le président de la Charente-Maritime est conscient de l’ampleur de la tâche : « Il va leur falloir du courage pour combler le fossé qui s’est creusé entre l’État et le terrain », a-t-il ajouté ce matin.

Hervé Morin, à la tête des Régions de France, salue également le signal mais se montre plus prudent. « Heureux qu’il y ait une ministre des territoires qui pourra être notre interlocuteur avec une femme d’expérience qu’est Jacqueline Gourault mais ça ne doit pas être seulement un symbole, nous attendons des actes sur l’association des territoires aux politiques qui les concernent », a prévenu le président de la région Normandie.

« Il y a du pain sur la planche »

Vu du Sénat, le jeu de chaises musicales dans l’ancien ministère de Jacques Mézard est parfois vu d’un bon œil. Le sénateur Marc-Philippe Daubresse estime la nomination de Sébastien Lecornu, autrefois membre de sa famille politique, comme secrétaire d’État aux collectivités est la « seule bonne nouvelle » du remaniement. « Un homme qui connaît les collectivités locales et qui pourra peut-être renouer le dialogue collectivités-gouvernement gravement compromis », selon l’ancien ministre chiraquien.

Pour d’autres, la méfiance est de mise. La sénatrice (LR) Dominique Estrosi Sassone estime que l’arrivée de Sébastien Lecornu dans ce ministère est un « bon signe », étant donné son passé d’élu local, mais se montre sceptique. « Il y a du pain sur la planche et je ne suis pas sûre qu’il y ait la volonté véritablement d’accompagner les collectivités territoriales. »

Dialogue avec les collectivités : « Il y a du pain sur la planche », selon Estrosi Sassone
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Propos recueillis par Alice Bardo et Sandra Cerqueira

« On jugera surtout aux actes. On l’a vu avec Jacques Mézard. Le gouvernement était exactement l'inverse des convictions qu’il professait », craint François Grosdidier, le sénateur (LR) de Moselle, qui pointe le poids de la « technostructure » sur les décisions politiques.

Ce n’est pas l’avis de Catherine Procaccia, sénatrice (LR) du Val-de-Marne, qui rappelle que le MoDem fait partie de la majorité présidentielle. « Jacqueline Gourault, c’est la voix de son maître. Mézard avait une indépendance que n’a pas Jacqueline Gourault ». Idem pour Jean-François Rapin, pour qui Jacqueline Gourault devra davantage « s’affirmer » politiquement.

Hier, le sénateur centriste estimait que l’idée d’un grand ministère était une « bonne idée » mais que cette nouveauté « ne répondrait pas » à tous les problèmes (relire notre article).

Cap sur la prochaine Conférence des territoires

Les chantiers pour Jacqueline Gourault sont nombreux. Elle devra tenter de faire revenir à la table de la Conférence nationale des territoires les trois grandes associations d’élus locaux, qui ont décidé en juillet de boycotter ses réunions.

Fin septembre, au moment d’un congrès à Marseille, maires, présidents de départements et de régions avaient donné de la voix, sous le nom de « Territoires unis », contre une « idéologie recentralisatrice » et un manque, selon eux, de concertation.

La prochaine réunion de l’instance de dialogue à Matignon est imminente et la future réunion semestrielle devrait avoir lieu en fin d’année. À l’Élysée, une rencontre a d’ailleurs eu lieu le président de la région Grand Est Jean Rottner et le chef de l’État, qui s’entretient aussi avec Hervé Morin, Dominique Bussereau, mais aussi Gérard Larcher, plus que jamais médiateur dans ce processus de paix (relire notre article).

Une autre tâche, délicate, l’an prochain, sera de participer à l’élaboration d’une nouvelle fiscalité locale, un chantier voulu par le président de la République après la suppression programmée de la taxe d’habitation.

Si la promotion de Jacqueline Gourault pourrait être vue par certains comme un geste symbolique, que dire de la nouvelle liste du gouvernement ? Dans l’ordre protocolaire, le ministère de la Cohésion des territoires descend de la 7e place à la 13e place.

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