Baisse des impôts de production : « Une nouvelle perte d’autonomie des collectivités »
Le sénateur du Val-de-Marne, Laurent Lafon (UC), craint que la baisse des impôts annoncée, ce mercredi, par le Premier ministre, débouche sur une « perte d’autonomie fiscale » des collectivités. Au moment même où Jean Castex déclare sa flamme aux territoires.

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Le sénateur du Val-de-Marne, Laurent Lafon (UC), craint que la baisse des impôts annoncée, ce mercredi, par le Premier ministre, débouche sur une « perte d’autonomie fiscale » des collectivités. Au moment même où Jean Castex déclare sa flamme aux territoires.
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Qu’avez-vous compris des annonces du gouvernement s’agissant de la baisse des impôts de production ?

On annonce 10 milliards d’euros de baisse d’impôts pour les entreprises, en l’occurrence trois impôts : la cotisation foncière des entreprises (CFE), la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la taxe foncière. Trois impôts qui sont perçus par les collectivités locales.

On n’a pas encore tout le détail des mesures, mais les régions seraient particulièrement touchées à travers de la baisse de la CVAE, qui avait été créée après la suppression de la taxe professionnelle dont une bonne partie revenait aux régions.

Mais elles ne sont pas les seules concernées. La CFE est perçue par les communes et, de façon beaucoup plus massive, par les intercommunalités. Et, par ailleurs, le Premier ministre a cité une baisse des taxes foncières à destination des entreprises industrielles. Or, dans la nouvelle organisation fiscale, cette taxe revient aux communes. Donc par ricochet, ce sont les communes qui pâtissent de cette mesure.

Le Premier ministre s’est engagé à « neutraliser » cette baisse d’impôts pour les collectivités. Qu’entend-il par là ?

Quand on « neutralise », on ne le fait jamais intégralement. Car c’est le plus souvent une neutralisation budgétaire : vous aviez 100 de recettes fiscales, on vous garantit 100 de recettes en compensation. On vous dit ainsi : « Les collectivités ne perdent pas un euro. » Certes, mais quand vous substituez une recette fiscale par une compensation qui n’est pas fiscale, cette contrepartie n’est pas de même nature.

Si vous êtes dépendant de ressources qui viennent l’État, ce n’est pas du tout pareil pour boucler votre budget que si vos recettes proviennent de l’activité économique.

On comprend la nécessité de redonner de la compétitivité aux entreprises, notamment industrielles. Mais si on voulait trouver 10 milliards, on aurait pu aussi les puiser ailleurs : dans les charges sociales, etc. Or, ce débat n’a pas eu lieu.

En d’autres termes, vous suspectez l’État de pouvoir diminuer beaucoup plus facilement une dotation qu’un impôt qui vous revient de droit ?

C’est évident. Pour modifier un impôt qui revient de droit à une collectivité locale, vous devez modifier la loi. Tandis qu’une dotation de l’État aux collectivités peut être abaissée à travers un simple projet de loi de finances. Et, à partir du moment où le gouvernement a une majorité à l’Assemblée nationale, il peut faire ce qu’il veut.

Donc c’est un affaiblissement de la décentralisation. Cela s’inscrit dans une dynamique engagée il y a déjà plusieurs années. À chaque fois que l’État veut réduire la pression fiscale, il supprime ou diminue des impôts qui reviennent à nos collectivités.

Mais c’est paradoxal puisque, depuis la crise des gilets jaunes, il y a un constat assez général : il faut donner davantage de marges de manœuvre aux collectivités territoriales. Or, pour agir, elles ont besoin de recettes.

Pour que des industries se créent dans nos territoires, cela suppose un certain nombre d’investissements de la part des collectivités territoriales : dans l’environnement, la desserte en transports, etc. Donc cela demande des moyens pour qu’elles puissent inciter les entreprises à s’installer. Et en baissant les recettes des collectivités, on met à mal cet équilibre.

Le Premier ministre l’a encore dit hier, il est « profondément attaché » aux territoires. Il a été maire de Prades. Donc il devrait être sensibilisé à cette question…

Il l’est certainement, mais l’équation qui est la sienne est simplement difficile à résoudre. Je crois qu’il y a une forte pression des entreprises aussi. L’enjeu économique fait qu’il faut donner des marges de manœuvre aux entreprises. Mais c’est toujours facile, quand on est responsable de l’État, de cibler des recettes fiscales qui reviennent à d’autres, en l’occurrence les collectivités locales.

Je pense qu’il y a une réflexion à avoir. Pour l’instant, l’État ne l'a pas. On ne peut pas dire aux collectivités : « Prenez davantage de responsabilités, assumez vos compétences voire prenez-en de nouvelles » Sans leur accorder, dans le même temps, des recettes fiscales réelles et qui leur garantissent une véritable capacité de décision.

Le principe même d’une institution démocratique, c’est de pouvoir lever l’impôt. Si on supprime cette capacité aux collectivités, cela les met en difficulté. Peut-être pas dans l’immédiat, c’est ce sur quoi l’État a tendance à jouer, mais à moyen terme les collectivités perdent en autonomie.

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