Avec la démission du gouvernement de François Bayrou, ainsi que celles de Marielle de Sarnez et de Sylvie Goulard, l’exécutif traverse une crise sérieuse, un peu plus d’un mois et demi après l’élection d’Emmanuel Macron. En lui apportant son soutien pendant la campagne, en février dernier, le président du Modem avait renforcé la dynamique Macron. Quatre mois après quasiment jour pour jour, l’affaire des assistants parlementaires du Modem écarte le Béarnais du gouvernement. Retour sur quatre mois de relations entre François Bayrou et Emmanuel Macron et son exécutif, entre haut et bas (sujet vidéo : Aurélien Romano).
22 février : « Offre d’alliance » de Bayrou à Macron
Emmanuel Macron reçoit un sérieux coup de pouce dans sa campagne. Malgré ses critiques passées, François Bayrou propose « une offre d’alliance » au candidat, déjà haut dans les sondages. Autour de 21,5 % à la mi-février, il prend 5 points en trois semaines pour être autour de 26 % le 9 mars. Le président du Modem, qui avait soutenu Alain Juppé pendant la primaire, avait laissé planer le doute sur son éventuelle candidature, qui aurait compliqué le jeu pour le leader d’En marche. François Bayrou se range finalement derrière Macron, qui incarne la recomposition qu’il a longtemps défendue et rêvé de porter au pouvoir.
L'« offre d’alliance » de Bayrou à Macron pendant la campagne présidentielle
En tant que figure du centrisme, François Bayrou apporte un renfort indéniable. De quoi s’imaginer en faiseur de roi. « Si Macron en est là, c'est un peu grâce à moi », avait-il confié à l'AFP fin mai. Il estime ainsi avoir un statut à part. Une situation qui explique en partie les problèmes qui vont venir, une fois Macron élu, avec un François Bayrou qui joue les électrons libres.
12 avril : meeting commun à Pau, tout va bien
Un peu plus d’une semaine avant le premier tour, Emmanuel Macron est en meeting à Pau, la ville de François Bayrou. Les deux hommes affichent leur entente (voir ci-dessous). Le président du Modem rend hommage au futur Président, saluant son « audace », sa « volonté » et ses « grandes qualités humaines ». Jusqu’ici, tout va bien.
François Bayrou et Emmanuel Macron ensemble pendant la campagne présidentielle
8 mai : première alerte sur les ordonnances
Dès le lendemain de l’élection d’Emmanuel Macron, François Bayrou se paie le luxe d’exprimer « une différence » avec le chef de l’Etat sur le recours aux ordonnances. « Je sais depuis longtemps que quand on a des décisions qui sont difficiles à prendre, c'est bien d'avancer, mais c'est bien en même temps de dialoguer, et d'essayer de trouver la meilleure démarche possible », conseille François Bayrou sur France Info.
11 mai : première tension sérieuse sur les investitures pour les législatives
Après la victoire d’Emmanuel Macron, En marche dévoile la liste des investitures pour les législatives. Le Modem s’estime mal servi. François Bayrou désapprouve : « La liste des investitures publiée cet après-midi est celle du mouvement politique En Marche!, elle n'est en aucun cas celle à laquelle le MoDem a donné son assentiment ». C’est le premier couac. Le psychodrame est vite résolu, avec une nouvelle liste d’investitures. Le Modem compte davantage de candidats et de circonscriptions gagnables.
Alors qu’Emmanuel Macron a toujours récusé tout accord d’appareil, il a bien en réalité conclu un accord avec le Modem. Le parti de François Bayou veut avoir un groupe à l’Assemblée nationale et l’aura. 42 députés Modem sont élus le 18 juin. De quoi lui assurer un confortable financement public. Le groupe La République en marche a cependant la majorité absolue à lui seul, minimisant le poids du Modem. C’est important pour le dénouement.
9 juin : ouverture d’une enquête préliminaire à l’encontre du Modem
Le parquet ouvre une enquête préliminaire à l’encontre du Modem sur des emplois fictifs présumés. Des assistants parlementaires européens auraient en réalité travaillé directement pour le parti. Le parti affirme avoir « respecté toutes les règles ». Une affaire qui tombe au plus mal pour François Bayrou, qui présente quelques jours après son projet de loi sur la moralisation de la vie politique…
13 juin : Edouard Philippe recadre François Bayrou… qui lui tient tête
Après le coup de fil du ministre de la Justice à un responsable de Radio France pour se plaindre du travail d’enquête d’un journaliste sur l’affaire, Emmanuel Macron reste silencieux et laisse faire son premier ministre. Edouard Philippe recadre François Bayrou. « Quand on est ministre, on ne peut plus réagir comme quand on est un simple citoyen » lui rappelle-t-il. François Bayrou n’en a cure. « Chaque fois qu’il y aura quelque chose à dire à des responsables, (…) je le dirai » répond-il à distance… Regardez :
Edouard Philippe recadre François Bayrou, qui lui tient tête
21 juin : crise gouvernementale avec le départ de François Bayrou
Effet château de cartes. Mardi, la ministre des Armées, la Modem Sylvie Goulard, dont l’ex-assistant est mêlé à l’affaire, démissionne pour se défendre. La position devient difficilement tenable pour François Bayrou. Le lendemain, le président du Modem, ainsi que sa fidèle Marielle de Sarnez, ministre des Affaires européennes, annoncent leur départ du gouvernement, provoquant la première grande crise de la présidence Macron. Marielle de Sarnez va prendre la tête du groupe Modem à l’Assemblée. François Bayrou pourra retourner à la mairie de Pau, où il n’avait pas encore démissionné de son fauteuil de maire.
Le président du Modem était devenu une grosse épine dans le pied de l’exécutif, dont il était plus simple de se débarrasser. « Je ne vais pas être langue de bois, ça simplifie la situation » a reconnu ce mercredi le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner. Malgré l’affaire, le gouvernement a réussi à tenir jusqu’aux législatives et à reléguer la crise après le scrutin victorieux, évitant peut-être de perdre quelques sièges. Aujourd’hui, grâce à la majorité absolue détenue seul par LREM, les voix du Modem ne sont pas nécessaires pour faire adopter les textes. Ce qui a pu faciliter le départ des ministres du parti centriste et de son Président. Mais à l’extérieur du gouvernement, François Bayrou pourra devenir le poil à gratter du quinquennat et se rappeler au bon souvenir d’Emmanuel Macron.