Annoncé par Emmanuel Macron en pleine polémique sur les violences policières le 8 décembre dernier, le Beauvau de la Sécurité a officiellement été lancé ce lundi 1er février par le Premier ministre. Entouré du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et de sa ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa, Jean Castex a dévoilé les contours de cette grand-messe de la sécurité prévue sur quatre mois. En ligne de mire ? La volonté affichée par l’exécutif de faire remonter des propositions concrètes pour renouer la confiance entre les citoyens et leur police, et dans le même temps poser « les fondements d’une ambitieuse loi de programmation de la sécurité intérieure (Lopsi) à l’horizon 2022 ».
Huit tables rondes jusqu’au mois de mai
« J’attends de vous, que vos propositions soient formulées au terme d’un débat public large et déployé, qu’elles s’inscrivent sous le double signe du renforcement de l’efficacité de l’État dans ce domaine hautement stratégique, et d’un confortement du pacte républicain pour une légitimité renouvelée de ses conditions d’intervention », a lancé depuis la place Beauvau le Premier ministre aux représentants syndicaux de police et de gendarmerie, très critiques ce matin vis-à-vis des magistrats instructeurs et des médias.
Juste avant, le chef du gouvernement avait pourtant rendu un vibrant hommage au travail quotidien de leurs collègues. « À l’heure où la contrainte sanitaire sur le quotidien de nos concitoyens pèse toujours plus lourd, vous êtes et vous restez en première ligne dans la lutte contre le virus. Sans votre présence sur le terrain, toujours bienveillante, nécessairement pédagogique et parfois nécessairement répressive, nous n’aurions pas pu lutter efficacement et le pays aurait été submergé », a-t-il salué.
Si le président de la République a annoncé il y a quelques semaines qu’il « interviendrait personnellement », le Beauvau de la Sécurité rassemblera, autour de huit tables rondes tous les 15 jours et jusqu’au mois de mai, tous les spécialistes de la sécurité publique et privée en France, avec également l’intervention de personnalités comme le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti sur la question épineuse de la coopération entre la justice et les forces de l’ordre, ou encore de l’ancien sélectionneur de l’équipe de France de handball Claude Onesta.
« Nous n’avons rien appris, Monsieur le Premier ministre »
Des élus locaux et nationaux étaient également présents ce matin au ministère de l’Intérieur et parmi les sénateurs qui ont déjà très largement travaillé sur le sujet notamment dans le cadre de la loi Sécurité globale, toujours en cours de réécriture du côté la chambre haute, Jérôme Durain et Henri Leroy ont pu interpeller le Premier ministre.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les élus du Palais du Luxembourg sont toujours autant perplexes et attendent donc beaucoup de ce Beauvau de la Sécurité.
« Monsieur le Premier ministre, je crois que nous n’avons rien appris ce matin ! Tant par vous-même que par les deux ministres présents ! Tout ce qui a été dit et redit, vous avez déjà tout dans les rapports parlementaires », a taclé le sénateur LR des Alpes Maritimes.
Ce dernier qui a remis en juin 2018 un rapport sur l’état des forces de sécurité avec 33 propositions aux prédécesseurs de Gérald Darmanin, n’a pas hésité à taquiner Jean Castex : « Je suis particulièrement heureux que les travaux de ce Beauvau de la Sécurité puissent être éclairés par les rapports et les enquêtes parlementaires comme vous l’avez dit. Parce qu’à la chambre haute, nous n’avons pas l’impression d’être entendus. Ecoutés oui, entendus pas souvent ».
Henri Leroy (sénateur LR) : "Nous n'avons rien appris ce matin"
Même son de cloche du côté de Jérôme Durain. Le sénateur socialiste qui reconnaît lui aussi à notre micro que les nombreux travaux du Sénat ont déjà permis de mettre en lumière « cette crise de sens » entre la police et la population française, espère surtout que ce Beauvau ne soit pas « simplement un exercice de gestion des ressources humaines, et finalement de voir le premier flic de France qui parle à ses troupes ».
« C’est à la fin du bal qu’on paye les musiciens. Nous verrons donc à la fin de ce Beauvau si les promesses que nous entendons aujourd’hui seront honorées », anticipe le sénateur de Saône-et-Loire qui a pris note « des nombreuses attentes des policiers, notamment en termes de protections personnelles ».
« Sur ces sujets, vous devez essayer de faire consensus »
Des interrogations et des critiques auxquelles le Premier ministre a tenu à répondre sans filtre. « Vos travaux, on en a besoin, et vous êtes tous ici des spécialistes. Mais cela ne nous empêche pas d’agir, Monsieur le sénateur. La méthode est très importante. Vous devez essayer sur ces sujets de faire consensus, la sécurité des Français est un sujet sociétal majeur ».
Prochains rendez-vous pour le Beauvau de la Sécurité et les deux sénateurs engagés dans ce dispositif jusqu’au mois de mai : le 8 février avec une première table ronde sur le lien entre la police et la population ou encore le 22 mars avec un atelier très attendu sur les relations des forces de l’ordre avec la justice.