Nommé le 20 juillet 2023, Gabriel Attal s’empresse de prendre deux mesures fortes. Le 27 août, sur le plateau du 20H de TF1, il annonce le report des épreuves de spécialités du baccalauréat de mars à juin en expliquant qu’ « on ne peut pas avoir des épreuves si tôt dans l’année ». Une manière de répondre aux critiques des parents d’élèves face au désinvestissement de nombreux jeunes, au cours de l’année scolaire.
Interdiction de l’abaya et du qamis
Deuxième annonce forte actée le 31 août, via une note de service, Gabriel Attal tranche un sujet épineux : il demande l’interdiction des abayas et qamis dans les établissements scolaires, en décrétant que ces vêtements manifestent ostensiblement une appartenance religieuse.
Encore deux mois auparavant, le précédent ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye justifiait de ne pas prendre une telle décision. En juin 2023, sur Public Sénat, le prédécesseur de Gabriel Attal expliquait que « l’appréciation du caractère religieux, ou pas, ce sont les chefs d’établissement qui doivent l’apporter ». C’est donc un changement de pied important politiquement.
Les proviseurs applaudissent l’annonce et se disent « très satisfaits » de la mesure, à l’image de Carole Zerbib, du syndicat Snpden-Unsa.
Sur le plan politique, la mesure est largement saluée par la droite, et crispe à gauche. Le patron des sénateurs LR applaudit sur X (anciennement Twitter) : « Le Gouvernement a raison sur le principe », écrit alors Bruno Retailleau. Le sénateur écologiste Thomas Dossus évoque quant à lui une « diversion grossière irresponsable ».
« Un coup magistral », en termes de communication politique, selon Louise Tourret, productrice de l’émission « Être et Savoir » sur France Culture. Et aussi le premier marqueur « conservateur » du ministre. Cette « habileté à communiquer » a marqué les six mois de Gabriel Attal rue de Grenelle, selon Louise Tourret qui ajoute : « Sa communication est très bien préparée avec du contenu, c’est détaillé. Mais pour autant, cela ne l’a pas rendu particulièrement populaire chez les professeurs. »
« C’est un ministre de l’Education nationale dont les enseignants ont beaucoup entendu parler, analyse Sophie Vénétitay, la secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat dans le second degré, mais les enseignants se sont très vite aperçus que les grands discours n’étaient pas suivis des faits, dans leur quotidien, et que leur quotidien restait extrêmement difficile. Et c’est notamment cela qui montait au mois de décembre : de plus en plus de collègues qui nous disaient : ‘Mais est-ce que ce ministre est vraiment le ministre de notre quotidien ?’ ».
Réforme du collège
Autre grande série d’annonces, il y a seulement un mois. Le 5 décembre 2023, Gabriel Attal annonce la fin du collège « uniforme ». Principale mesure : la création de trois groupes de niveau, dès la rentrée 2024, en sixième et en cinquième. Encore une fois, la droite applaudit : « Je me réjouis qu’il entreprenne le démantèlement de la structure rigide du collège, il y a quelques semaines encore, parler de la fin du collège unique était un tabou », souligne alors le sénateur LR Max Brisson.
Ces annonces interviennent le jour de la publication des résultats de l’étude PISA. « C’est un énorme coup sur PISA, car les résultats n’étaient vraiment pas bons », rappelle Louise Tourret. « Mais Gabriel Attal lance un plan le même jour et détourne la conversation, et on embraye tout de suite sur ce qu’il va faire. »
De son côté, l’ancien ministre socialiste de l’Education nationale, Benoît Hamon dénonce ces mesures : « Les groupes de niveau, c’est décréter qu’il y aura des élèves à la cave, au rez-de-chaussée et des élèves au premier étage », réagit-il sur Public Sénat. L’ancien candidat socialiste à l’élection présidentielle enfonce le clou : « Ce que je vois c’est la réalisation d’un fantasme des plus aisés. Cet imaginaire, c’est de penser que les élèves les plus en difficulté tirent tout le monde vers le bas. Cette proposition va réaliser ce fantasme », explique-t-il, ajoutant qu’il est « difficile d’échapper à son milieu », une référence implicite au passage de Gabriel Attal à l’Ecole alsacienne, établissement privé prestigieux du 6ème arrondissement de Paris.
« Les groupes de niveaux, on y est farouchement opposés, comme d’autres organisations syndicales, explique Sophie Vénétitay, au Snes-FSU. Et malgré tout Gabriel Attal a avancé. »
Autre annonce du mois de décembre : le brevet des collèges sera désormais obligatoire pour rentrer au lycée. « La question est également de savoir ce que l’on va faire des élèves n’ayant pas obtenu le brevet et qui ne pourront pas accéder au lycée », s’interroge le communiste Pierre Ouzoulias.
Lutte contre le harcèlement scolaire
Depuis plusieurs années, le gouvernement lutte contre le fléau du harcèlement scolaire : depuis juin 2019, et les mesures prises par Jean-Michel Blanquer, le dossier est une des priorités de l’Education nationale. Gabriel Attal a continué ce mouvement : 30 millions d’euros dans le budget 2024 sont dédiés à la création de brigades anti-harcèlement. Autre mesure : la possibilité de changer d’établissements les élèves harceleurs.
Sur ce dossier, Gabriel Attal s’est démarqué de son prédécesseur par ses mots forts à l’encontre du rectorat de Versailles. « C’est une honte », a dénoncé le ministre à la rentrée 2023, à propos du courrier type envoyé par l’administration à une famille d’un jeune harcelé, qui s’est suicidé, par la suite.
Grande expérimentation de l’uniforme
Dernière annonce, le 6 décembre, sur France info. Gabriel Attal dit vouloir une « expérimentation à grande ampleur » de l’uniforme. Il explique ainsi que « comme beaucoup de Français », il veut voir ce que cela « donnerait comme résultats en matière de climat scolaire et en matière d’élévation du niveau de nos élèves », avant d’ajouter : « Je travaille avec les collectivités locales concernées pour que l’expérimentation puisse se faire sans reste à charge pour les familles concernées ».
Pour la troisième fois, la droite applaudit. De leur côté, les experts sont sceptiques. Mais d’un point de vue de communication politique, l’exercice est là aussi réussi, car Gabriel Attal a pris soin de dire qu’à titre personnel, il était « partagé sur la question ». « Il a le beurre et l’argent du beurre, avec cette communication, c’est vachement malin », commente Louise Tourret.
« L’uniforme, c’est le symbole du passage de Gabriel Attal, rue de Grenelle, résume Sophie Vénétitay, la secrétaire générale du Snes-FSU. C’est une annonce très médiatique, qui parle certainement à l’électorat conservateur d’Emmanuel Macron, mais ce n’est pas une annonce qui parle aux enseignants. Aujourd’hui, quand on est professeur, le problème n’est pas de savoir si l’élève porte un polo bleu ou un polo rouge, le problème est de savoir s’il va avoir les bonnes conditions pour progresser, s’il va être dans une classe où il n’y a pas trop d’élèves et surtout s’il a un professeur formé en face de lui ».