Les débats avaient été intenses, il y a un an. Ils seront cette fois certainement plus courts. Le projet de loi sur la bioéthique, qui porte l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules, fait son retour au Sénat. Après l’audition d’Olivier Véran la semaine dernière, où le ministre de la Santé a espéré voir les premiers parcours de PMA d’ici fin 2021, les sénateurs ont examiné le texte en commission, ce mardi.
En première lecture, le Sénat avait adopté le projet de loi, y compris la PMA pour toutes, mais en réservant le remboursement par la Sécurité sociale aux seuls couples hétérosexuels. L’ensemble du projet de loi avait quant à lui, a été adopté de peu, avec 10 voix d’écart. Le texte revient en seconde lecture, comme le prévoit la procédure parlementaire. « L’idée, c’est de ne pas refaire tous les débats. On n’a plus tellement l’habitude de la seconde lecture », sourit le sénateur centriste Olivier Henno, corapporteur du texte. La règle est en effet devenue l’exception, le gouvernement préférant sur la quasi-totalité des textes la procédure accélérée avec une seule lecture. Mais sur ces sujets qui divise une partie de la société, l’exécutif a préféré laisser du temps.
Droite divisée sur la PMA
Après avoir examiné les 79 amendements, les sénateurs ont adopté le texte en commission spéciale. Les amendements de suppression de l’article 1 qui porte la PMA ont de nouveau été rejetés, comme en première lecture. Ils viennent pourtant de Bruno Retailleau, président du groupe LR, et de Muriel Jourda, rapporteur sur cette partie du texte. Mais s’ils se retrouvent en minorité, c’est en raison de la division de la majorité sénatoriale sur la PMA pour toutes, où une bonne partie des LR et encore davantage des centristes, sont pour. Au groupe LR, la liberté de vote est la règle sur ces sujets. « Tout le monde respecte la position des autres. On sait bien qu’on est divisés sur ces sujets. C’est normal. Ce sont des sujets sociétaux » souligne Muriel Jourda.
Comme en première lecture, la rapporteure a pu faire adopter un amendement « de repli », qui ouvre la PMA à toutes les femmes, mais qui limite son remboursement par la Sécurité sociale aux cas d’infertilité, ce qui revient à en exclure les couples de femmes et les femmes seules.
« Sur les dons de gamètes, la possibilité de rechercher les origines après 18 ans doit se faire avec l’accord du donneur »
Autre amendement de Muriel Jourda à nouveau adopté : « Sur les dons de gamètes, la possibilité de rechercher les origines après 18 ans doit se faire avec l’accord du donneur, et non systématiquement. 18 ans après le don, la vie privée du donneur peut être sensiblement différente et il ne faut pas qu’un geste altruiste lui soit préjudiciable », soutient la sénatrice du Morbihan.
De son côté, Olivier Henno, sénateur UDI du Nord, a défendu notamment deux amendements qui ont été adoptés : « On rétablit le principe qu’aucune décision médicale ne peut être prise sur le fondement d’un traitement algorithmique de données massives d’actes médicaux, ce qu’autorisent les députés » explique-t-il. Et à l’article 12, « l’Assemblée avait rétabli l’interdiction de l’imagerie cérébrale fonctionnelle, dans le cadre d’expertise judiciaire. Mais il ne nous apparait pas utile de l’interdire. Elle peut être utile au juge. Cela peut montrer des traumatismes qui pourrait expliquer des difficultés psychiatriques ou psychologiques des personnes », détaille Olivier Henno. Cette technique peut notamment notamment être utile, des années après, sur les cas d’inceste – sujet d’actualité – le traumatisme pouvant laisser des traces cérébrales.
« On souhaite l’interdiction de la recherche sur la création d’embryons chimériques et transgéniques »
Autre point sur lequel Olivier Henno compte revenir : « On souhaite l’interdiction de la recherche sur la création d’embryons chimériques et transgéniques, contrairement aux députés », souligne le rapporteur. « Il y a un risque de franchissement de la barrière des espèces. Je ne suis pas sûre qu’on garde totalement le contrôle. Ce n’est pas envisageable pour nous » ajoute la sénatrice Corinne Imbert (rattachée LR), autre corapporteure du texte. Certains de ses amendements adoptés en première lecture, « sur le diagnostic préimplantatoire et le diagnostic néonatal, ont été assouplis à l’Assemblée nationale. Mais je ne reviendrai pas dessus », assure la sénatrice de la Charente-Maritime.
Le quatrième rapporteur, le sénateur du groupe PS, Bernard Jomier, est plutôt satisfait du sort de ses amendements de première lecture. « Il y a un certain nombre des amendements dont je suis rapporteur qui ont été adoptés conformes, car l’Assemblée a repris notre travail, comme sur la clause de conscience spécifique sur l’interruption médicalisée de grossesse, que j’avais fait repousser. Et sur le don entre personnes vivantes, l’Assemblée a suivi la position du Sénat sur la question des chaînes de donneurs, ce qui n’était pas la position du ministre », se félicite le sénateur de Paris. En revanche, « sur les greffes d’organes, on va revenir sur la création d’un statut du donneur, que les députés avaient supprimée », précise Bernard Jomier. Le sénateur entend aussi « rependre la discussion sur l’âge d’ouverture du don du sang. En France, il est à 18 ans. Je souhaite qu’on l’ouvre à 17 ans, comme dans la réglementation européenne ».
Vote plus serré qu’en première lecture du fait du renouvellement sénatorial ?
Reste une interrogation, en vue de la séance début février : le renouvellement de la moitié du Sénat, en septembre dernier, peut-il modifier les équilibres sur le vote sur la PMA et sur l’ensemble du texte ? En audition, le sénateur LR Roger Karoutchi, qui avait voté en première lecture pour l’extension de la PMA, mais s’était abstenu sur l’ensemble du texte, a dit ne plus être certain de son vote du fait des modifications des députés… « Le vote était relativement serré. Evidemment la modification du corps électoral peut avoir un impact sur le résultat », confirme Bernard Jomier. « Ça va être serré sur la PMA », affirme, lui aussi Olivier Henno. « Le renouvellement peut avoir des conséquences politiques, même si le périmètre politique est à peu près le même », tempère cependant le centriste. Une sénatrice LR avoue être dans le brouillard. « Avec les conditions dans lesquelles on a commencé ce mandat, on a moins d’occasions de discuter avec nos collègues sénateurs. On n’a pas de discution autour d’une table pour diner. On a moins de temps d’échanges et de rencontres », confie-t-elle.
Reste que l’écart, lors du vote sur l’article 1 sur la PMA, en première lecture, avait été relativement large, avec 160 voix pour, 116 contre et 45 abstentions. L’incertitude pourraient être davantage du côté du vote sur l’ensemble du texte, avec ses 10 petites voix d’avance.