La ministre des Transports, Elisabeth Borne, a officiellement protesté auprès de la Commission européenne, estimant qu'une proposition de dérouter l'itinéraire transeuropéen reliant l'Irlande au continent après le Brexit en évitant les ports français n'était "pas acceptable pour la France".
"De manière surprenante", a écrit Elisabeth Borne à la commissaire chargée des transports, Violeta Bulc, dans un courrier daté de vendredi, la proposition de la Commission "ne tient absolument pas compte" de la géographie et de la capacité des ports français à s'équiper le cas échéant "pour disposer des capacités nécessaires au surcroît d'activité attendu".
La Commission a proposé le 1er août d'adapter le tracé du corridor transeuropéen Mer du Nord-Méditerranée, qui relie notamment l'Irlande et l’Écosse au Benelux et à Marseille, en prévision de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.
Il s'agit de promouvoir des liaisons maritimes directes, évitant les futurs passages en douane à l'entrée et à la sortie du Royaume-Uni.
Alors que ce corridor aboutit actuellement sur le continent à Calais et Dunkerque, Bruxelles envisage désormais de relier directement l'Irlande (Dublin et Cork) au Benelux (Zeebrugge, Anvers et Rotterdam), en passant au large des ports français pourtant géographiquement bien plus proches.
"En l'état, cette proposition n'est (...) pas acceptable pour la France", a souligné la ministre dans sa lettre transmise à l'AFP samedi, critiquant au passage le manque de transparence et la précipitation du processus de consultation de la Commission.
"Il me paraît donc indispensable de compléter la proposition de la Commission afin d'y inclure les liaisons entre l'Irlande et les ports français", a-t-elle ajouté.
Elisabeth Borne propose de renforcer les liaisons entre l'Irlande et les ports de Calais et Dunkerque, et aussi de connecter au corridor Mer du Nord-Méditerranée une branche passant par Le Havre et Paris.
Elle suggère en outre, "compte tenu des circonstances exceptionnelles engendrées par le Brexit", de favoriser les ports les plus proches de l'Irlande, Cherbourg, Roscoff et Brest.
Les ports situés sur les réseaux transeuropéens de transport (appelés RTE-T, ou TEN-T) sont susceptibles de bénéficier de fonds européens pour leur développement. Faire passer le corridor Mer du Nord-Méditerranée au large de la France prive donc potentiellement les ports de l'Hexagone de ces financements.
Selon le magazine Politico Europe, la décision d'exclure les ports français vient de la crainte d'une "sérieuse congestion" à la douane dans les ports du nord de la France et des incertitudes liées aux grèves des dockers français.