Brexit : sur la pêche, « tout reste à construire », alertent les sénateurs
Depuis le 1er janvier 2021, la Grande-Bretagne a officiellement quitté l’Union Européenne. Une délégation du Sénat s’est rendue à Calais et Boulogne six jours après. Une visite de terrain post-Brexit des sénateurs, pour qui de nombreux points restent à préciser suite à l’accord sur la pêche qui prévoit 25 % de quotas en moins pour l’Europe.
Par Sandra Cerqueira et Cécile Sixou
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A Calais, ville frontière, il y a davantage de poids lourds. C’est le signe que l’activité reprend après les fêtes. Mais ce n’est pas la pagaille que certains redoutaient, d’autant que la Grande-Bretagne est reconfinée. A l’entrée du tunnel sous le Manche, des chauffeurs font la queue. Ils sont plus nombreux que d’habitude. Avec le rétablissement des formalités douanières, il faut désormais se soumettre à des formalités dans les deux sens, et déclarer aux douanes françaises les marchandises, en amont sur Internet, via un système informatique baptisé « frontière intelligente ».
80 % des camions sont classés vert
La première conséquence du Brexit pour le trafic routier ce sont donc des démarches administratives supplémentaires dues aux nouvelles formalités douanières. « Près de 80 % des camions sont classés vert et vont directement vers l’autoroute. Pour les autres n’ayant pas toutes les formalités ou font l’objet d’un contrôle aléatoire et sont classés orange » explique Laurent Fourtune, directeur des opérations d’Eurotunnel. « C’est moins de fluidité, mais le Brexit ne veut absolument pas dire congestion ou bouchons ! » ajoutele président du port de Calais, Jean-Marc Puissesseau.
Pour la pêche, 25 % de quotas en moins en 2026, et après ?
Les sénateurs du groupe sur les relations eurobritanniques en visite sur le tunnel sous la manche constatent la souplesse du passage de la frontière mais ce qui les inquiète c’est l’avenir de l’accord sur la pêche. Lors de leur passage par Boulogne-sur-Mer, premier port de pêche du pays, ils se concentrent sur cet accord qui garantit un accès aux eaux britanniques,« c’est un soulagement » admet Jean-François Rapin, président LR de la commission des affaires européennes au Sénat.
Lors de leur passage par Boulogne-sur-Mer, premier port de pêche du pays, ils se concentrent sur cet accord qui garantit un accès aux eaux britanniques,
Mais ce n’est que le début du combat pour la filière car l’accord prévoit une baisse des quotas jusqu’en 2026 et à cette date probablement une rediscussion sur l’accès aux eaux anglaises.
Brexit :« Le sujet c'est 25% de baisse des quotas de pêche » affirme Jean-François Rapin
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L’enjeu est de savoir comment va se faire cette progression vers 25 %. « Cela ne peut pas être 15 % la première année, il faut que ce soit plus progressif sinon certaines entreprises connaîtront des difficultés. Il faudra que nous soyons attentifs à cela. Tout reste à construire » alerte le sénateur du Pas-de Calais qui, avecses collègues, a rencontré les représentants des pêcheurs.
Tous se posent une question : que fera la Grande-Bretagne de ses 25 % de quotas de pêche supplémentaires ? Gisèle Jourda, sénatrice PS membre du groupe de suivi sur le Brexit, craint que la Grande-Bretagne ne les récupère pour « commercer » avec. « C’est sûr que les Anglais vont vendre ses stocks et qui va contrôler ça ? » s’interroge la sénatrice.
Des licences pas encore accordées
Avec unaccord valable pour six ans uniquement, pas facile de convaincre un banquier pour investir dans un nouveau bateau de pêche. C’est l’une des craintes de la filière. Mais dans l’immédiat, la priorité, c’est d’obtenir les licences pour aller pêcher dans les eaux britanniques. Elles se font attendre depuis le 1er janvier. Un délai de trois jours qui se prolonge « et ça commence à grincer des dents » selon Olivier Lepretre, président du comité des pêches des Hauts-de-France (CRPMEM) Conséquence : tous les bateaux se retrouvent dans la zone française avec des flottilles différentes. « Si on est tous dans une même zone, le risque est de surexploiter la ressource, de l’anéantir car il n’y aura plus de reproduction possible. Il ne faut surtout pas en arriver là ! » A quoi s’ajoute le fait queseules six campagnes de pêche ont été sanctuarisées dans l’accord trouvé le 24 décembre dernier. Les huit sénateurs du groupe de suivi de la nouvelle relation eurobritannique ont été inquiets d’entendre que les mareyeurs, faute de licences, ne puissent toujours pas, depuis le 1er janvier, exporter vers le Royaume-Uni le poisson qu’ils traitent.
Un plan d’investissement pour accompagner la filière
« Il faut donc que l’Europe s’active » a répété Frédéric Cuvillier devant les sénateurs : « J’ai entendu les déclarations du Premier ministre britannique qui parlait de fonds de plusieurs centaines de millions de livres pour moderniser les bateaux, accroître la capacité de pêche… L’Europe doit réagir et mettre en place une politique d’accompagnement du Brexit dans les territoires qui sont les plus touchés », poursuit le maire de Boulogne.
En tant que parlementaire, Jean-François Rapin à la tête de la commission des Affaires européennes se veut un des acteurs de l’avenir de l’accord. « Nous devons d’ores et déjà penser à la suite. Beaucoup d’incertitudes demeurent et les négociations vont se poursuivre pour accompagner au mieux la filière et garantir un plan stratégique d’investissement qui aille au-delà des 5 ans de l’accord. »
« Si on ne le fait pas et qu’on ne pense pas au-delà des 5 ans, quel jeune voudra encore faire ce métier sans aucune garantie ? ajoute Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France venu lui aussi rencontrer la délégation pour faire un point sur le post-Brexit. « On a évité le pire mais la gestion du Brexit est devant nous »
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