Brice Teinturier : « Il n’y a plus de débat en France, il y a de l’invective »

Lors de ses vœux, le Président a annoncé son souhait de voir les Français « trancher » sur « des sujets déterminants », ce qui laisse supposer que le chef de l'État envisage un retour au référendum. Néanmoins, les sujets sur lesquels les Français souhaitent trancher sont nombreux, pouvoir d'achat, fin de vie… Le référendum recolle-t-il vraiment les Français à la politique ? Invités de l’émission spéciale Dissolution, un an après, Brice Teinturier, Anne Levade, Laure Salvaing et David Djaïz tentent d'y répondre.
Rédaction Public Sénat

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Si en 2005, le vote des Français contre la Constitution européenne n’a pas été entendu, pour Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos « les Français sont demandeurs du référendum », car, ajoute-t-il : « Ils sentent que le Parlement est fracturé ». Il déplore qu’il n’y ait « pas de thème, aujourd’hui, qui fédère les Français ».

Recréer un débat collectif

Pour Laure Salvaing, directrice générale de Verian France, l’intérêt du recours au référendum n’est pas dans la consultation qu’il offre mais qu’il « crée un débat en amont ». Un avis repris par le sondeur Brice Teinturier : « Plus que le résultat, c’est la possibilité de recréer du débat collectif, de l’échange argumentatif […] Il n’y a plus de débat en France, il y a de l’invective. Il n’y a pas de véritable débat à l’Assemblée. Sur les plateaux il y a des monologues ou des invectives et c’est ça qui fracasse la démocratie. »

Un outil de consultation sur les grandes questions

Bien que le référendum soit vecteur de débat public, l’essayiste David Djaïz déplore les dérives de son utilisation dans l’espace médiatique. « J’en ai marre de ce serpent de mer des référendums depuis deux ans où on a gadgétisé le référendum […] Le référendum c’est pour des questions de contrat social comme la répartition de la valeur entre actifs et inactifs, la répartition des pouvoirs entre l’État et les collectivités territoriales », avant d’ajouter : « Il y a de grandes questions de contrat social qui nécessitent l’appel au peuple et au quotidien, il faut un gouvernement qui représente mieux le pluralisme qui existe dans la société d’aujourd’hui. »

Invitée de l’émission et farouche défenseure de la Cinquième République, la constitutionnaliste Anne Levade trouve l’usage du mot référendum saturé et rappelle : « Le référendum sous la Vème République n’est pas une consultation, c’est une décision qui prend la forme d’une loi. Le référendum porte sur l’adoption d’un texte ».

Changer les règles du jeu ?

Sur l’idée d’une nouvelle constitution, Anne Levade poursuit : « La Constitution ne fait pas de miracles, c’est un cadre qui doit être aussi flexible que possible, qui doit laisser des marges de manœuvre car c’est le cadre d’exercice du pouvoir politique. On pense qu’en changeant la règle de droit ça va changer le monde. Aujourd’hui ce ne sont pas les institutions au sens juridique qui dysfonctionnent, c’est la pratique de ceux qui sont à un moment donné les institutions qui dysfonctionne. »

Écrit par Sacha Ferrand

Une émission à revoir en intégralité sur notre espace replay.

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