Paris: Handover ceremony of Borne and Attal at Matignon Palace

« Brillant », « joli coup de com’ », « un clone » : les réactions des sénateurs après la nomination de Gabriel Attal à Matignon

L’arrivée de Gabriel Attal à Matignon suscite un mélange de bienveillance, notamment sur son jeune âge, et d’indifférence. La droite, plutôt clémente, attend pour l’heure de juger le nouveau premier ministre par les actes. La gauche ne ménage pas ses critiques, pointant un coup de com’ sans changement de cap.
François Vignal

Temps de lecture :

9 min

Publié le

Mis à jour le

C’est lui. Gabriel Attal succède à Elisabeth Borne et devient le plus jeune premier ministre de la Ve République, à 34 ans. Figure montante de la majorité, c’est le choix d’un fidèle pour Emmanuel Macron. S’il est issu de la gauche, c’est avant tout un macroniste pur jus, qui a su endosser les thématiques de la droite au ministère de l’Education nationale.

« Au-delà du fait qu’il soit brillant, il faut retenir son pragmatisme », pour François Patriat

Une nomination saluée dans la majorité présidentielle, à commencer par François Patriat, président du groupe RDPI (Renaissance) au Sénat et macroniste de la première heure. Le sénateur de la Côte-d’Or y voit « une volonté de regénération, de page à écrire, qui pourra s’appuyer sur les talents multiples de Gabriel Attal ».

« Au-delà du fait qu’il soit brillant, il faut retenir son pragmatisme. Il voit immédiatement les choix à faire dans l’intérêt du pays, qui ont du sens pour les Français, comme sur l’abaya, l’uniforme, l’autorité. Mais au-delà du fait qu’il incarne un nouvel élan, il a aussi un vrai contact humain, dans sa relation avec les Français, à laquelle on peut ajouter une forme de pudeur, qui peut apparaître comme une forme de distance », le décrit le sénateur Renaissance.

« Il y a ceux qui disent que Matignon est une rampe de lancement, et ceux qui disent que c’est une voie de garage qui va le griller »

Après les tensions sur le texte immigration, « il saura recréer l’unité qui s’est un peu fracturée, en décembre, dans la majorité », pense François Patriat, et « il saura parler avec nos partenaires du Modem et d’Horizons, mais aussi les LR ». Le prochain scrutin sera bien sûr un objectif. « On aura besoin de lui pour les européennes. Il a déjà débattu face à Jordan Bardella. Il y a le savoir-faire et il y a le faire savoir, qui a manqué, je dois le dire, dans la précédente mandature. Il n’y a pas eu de bonne communication, à l’époque. Et Gabriel Attal, il sait communiquer. Il peut être bon à la fois dans l’action et la communication », le salue François Patriat.

Reste à voir si Matignon peut donner des ailes à Gabriel Attal, qu’Emmanuel Macron a quasiment adoubé en décembre sur France 5, l’appelant à « continuer le combat » et espérant qu’il aura « un avenir gouvernemental » et peut-être plus, si « le destin » le permet. « Il y a ceux qui disent que c’est une rampe de lancement, et ceux qui disent que c’est une voie de garage qui va le griller. On va faire abstraction de 2027 et faire step by step et voir comment il va fixer son autorité, fixer un cap. Et après on verra », tempère le président du groupe des sénateurs macronistes.

« C’est aux actes que nous jugerons Gabriel Attal », réagit Bruno Retailleau

A droite, la nomination de Gabriel Attal est accueillie avec une certaine clémence, de la même manière qu’Elisabeth Borne a été salué à son départ. « C’est aux actes que nous jugerons Gabriel Attal. Il sera un bon premier ministre s’il parvient à mener une bonne politique pour la France : une politique de redressement des comptes publics, de retour de l’autorité et de reconstruction de nos services publics effondrés. Mais il faudrait pour cela une rupture profonde avec le macronisme. Gabriel Attal en a-t-il le profil et la volonté ? Réponse dans les mois à venir », écrit sur X (ex-Twitter) Bruno Retailleau, président du groupe LR du Sénat, qui a fixé l’essentiel sur le texte immigration.

« C’est un joli coup de com’. Le plus jeune premier ministre de la Ve République, qui a plutôt bien réussi à l’éducation. Après, c’est sur les six premiers mois qu’il faudra voir », réagit pour sa part Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de-Seine. Selon l’ancien ministre, tout dépendra de la liberté que le Président lui laissera, ou pas. « Est-ce qu’il a obtenu d’Emmanuel Macron l’assurance d’avoir un peu de marge de manœuvre ? Ou lui a-t-il dit clairement que l’Elysée décidait de tout ? Avoir un premier ministre jeune, qui passe bien, qui a un sens de la communication incontestablement, qui a plutôt une bonne image dans l’opinion, c’est une bonne chose. Après, il faut transformer l’essai. Il ne faut pas qu’Emmanuel Macron se dise que c’est un jeu de chaises musicales, sinon, c’est absurde », met en garde le sénateur de droite.

« Soyons francs, même la droite reconnaît que ça allait dans le bon sens sur l’éducation », souligne Roger Karoutchi

Sa grande jeunesse pour le poste frappe les esprits. « Matignon à 34 ans, c’est inespéré. C’est un parcours formidable pour lui », reconnaît Roger Karoutchi, qui ne pense pas pour autant qu’il soit trop jeune :

 Bonaparte était Premier consul à 30 ans. La valeur n’attend pas le nombre d’années. 

Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de-Seine.

Sur l’éducation, le sénateur LR des Hauts-de-Seine n’a rien à dire. « A chaque fois qu’il est intervenu, franchement, il n’y a pas eu de sujet. Il a fait des ouvertures sur l’abaya, les programmes, la sécurité dans les établissements. Et soyons francs, même la droite, dans l’hémicycle, reconnaît que ça allait dans le bon sens », souligne ce cadre du groupe LR, même s’il « attend de voir son discours de politique générale ».

A l’extrême droite, le ton est plus dur. « Que peuvent espérer les Français de ce quatrième premier ministre et de ce cinquième gouvernement en sept ans ? Rien. Lassés de ce ballet puéril des ambitions et des egos, ils attendent un projet qui les remette au cœur des priorités publiques. Ce chemin vers l’alternance commence le 9 juin », lance sur X la présidente du groupe RN de l’Assemblée, Marine Le Pen, qui donne rendez-vous pour les européennes, où son parti est donné largement en tête des sondages.

« Un non-événement politique car la même politique sera menée », selon Patrick Kanner

Les critiques les plus véhémentes viennent plutôt de l’opposition de gauche. Pour le président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner, « c’est un non-événement politique car la même politique sera menée. Finalement, on a eu deux premiers ministres issus de la droite au premier quinquennat. Là, on a des premiers ministres soi-disant issus de la gauche, mais c’est la même politique. Le chef d’orchestre reste le même, quel que soit le premier violon ».

L’ancien ministre de François Hollande reconnaît que « le symbole n’est pas neutre, en tant que premier ministre le plus jeune de la Ve République. C’est sûr qu’il n’a pas une expérience majeure, mais je considère que c’est la compétence et la qualité qui compte ».

« Son vrai challenge sera de s’imposer vis-à-vis de personnes qui visaient ce poste, comme Bruno Le Maire ou Gérald Darmanin »

S’il vient de la gauche, Patrick Kanner n’a « aucune illusion sur le fait qu’il mènera une politique de droite libérale, qu’il a totalement assumée quand il était ministre du Budget. Il ne voulait pas toucher au rôle redistributeur de l’Etat, sur la question de la fiscalité ».

Le président du groupe PS pense aussi que « son vrai challenge sera de s’imposer vis-à-vis de personnes qui visaient ce poste, qui ont beaucoup plus d’expérience que lui, comme Bruno Le Maire – est-ce qu’il acceptera aussi facilement une autorité de quelqu’un de 34 ans ? – voire de Gérald Darmanin ». Le sénateur PS du Nord ajoute : « C’est un pari sur l’avenir que fait Emmanuel Macron, qui est un éternel joueur ». Quant à l’avenir, Patrick Kanner s’interroge aussi. « Est-ce qu’Emmanuel Macron le prépare comme successeur ou, dans une logique de fossoyeur, le « crame »-t-il ? Car trois ans et demi à Matignon, c’est lourd », pointe le socialiste.

« Emmanuel Macron a juste changé son ministre du 49.3 », raille l’écologiste Guillaume Gontard

Plus jeune premier ministre jamais nommé, « c’est peut-être le seul événement. Mais à part ça, rien d’autre. Il n’y a aucun changement politique, aucun changement d’orientation. On a l’impression qu’Emmanuel Macron a juste changé son ministre du 49.3 », raille pour sa part Guillaume Gontard, président du groupe écologiste du Sénat. Et encore, l’âge ne veut rien dire, au fond, selon l’écologiste. « Dans tout ce qu’il a pu défendre, c’est une société à l’ancienne. Je pense que Gabriel Attal est vieux dans sa tête », soutient le sénateur de l’Isère. En nommant par ailleurs un premier ministre ouvertement gay, ne faut-il pas y avoir une autre première symbolique ? « Effectivement. On peut le voir comme un symbole, comme la question de la jeunesse. Mais je ne pense pas que ça ait dicté le choix. J’espère que ce n’est pas cette question », affirme Guillaume Gontard.

Le sénateur de l’Isère attend avant tout « une réorientation, un signal politique ». Mais pour l’écologiste, ce changement de tête à Matignon est surtout le signe qu’« il n’y a plus personne autour d’Emmanuel Macron, ça se ressert, ça se recroqueville. C’est un peu inquiétant ». Il continue :

 En gros, on prend les mêmes et on recommence, alors qu’on l’attend sur la précarité, la question du changement climatique. 

Guillaume Gontard, président du groupe écologiste du Sénat.

« Si Emmanuel Macron avait pu nommer son premier ministre idéal, il aurait nommé Emmanuel Macron »

En réalité, « si Emmanuel Macron avait pu nommer son premier ministre idéal, il aurait nommé Emmanuel Macron en fait », lance Guillaume Gontard avec le sourire, « ce n’est pas encore possible, donc il a choisi un clone, qu’il a fait à sa mesure. Il sera un fidèle comme Borne l’a été. On se demande d’ailleurs pourquoi il a changé ».

Le président du groupe écologiste reconnaît cependant que Gabriel Attal « est une personne beaucoup plus politique, après une technicienne. Mais s’il fait trop d’ombre, on lui demandera d’être la voix de son maître ». D’ailleurs, « Gabriel Attal, on ne sait pas ce qu’il pense, car il pense ce que lui dira de penser Emmanuel Macron… » Voilà le nouveau premier ministre déjà rhabillé pour l’hiver. Ça tombe bien.

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

« Brillant », « joli coup de com’ », « un clone » : les réactions des sénateurs après la nomination de Gabriel Attal à Matignon
2min

Politique

Recherche d’un Premier ministre : « Le président continue à écouter et à tendre la main », assure Maud Bregeon 

La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».

Le

Marine Le Pen, présidente du groupe Rassemblement national à l’Assemblée, pendant le vote de la motion de censure contre Michel Barnier.
3min

Politique

Sondage : après la motion de censure, Marine Le Pen toujours en tête des intentions de vote pour l’élection présidentielle

Une semaine après la censure du gouvernement Barnier par la gauche et le Rassemblement national, un sondage Ifop pour Le Figaro Magazine et Sud Radio révèle que Marine Le Pen améliorerait son score au premier tour de l’élection présidentielle. En fonction des candidats face à elle à gauche et chez les macronistes, elle recueille entre 36 et 38 % des intentions de vote.

Le

« Brillant », « joli coup de com’ », « un clone » : les réactions des sénateurs après la nomination de Gabriel Attal à Matignon
3min

Politique

La consultation des partis à l’Élysée marque « le retour de l’UMPS », estime Thomas Ménagé (RN)

Emmanuel Macron a réuni mardi les responsables de plusieurs partis politiques à l’Élysée pour les consulter avant la nomination d’un nouveau Premier ministre pour remplacer Michel Barnier. Pour le député RN Thomas Ménagé, invité de la matinale de Public Sénat ce mercredi, cet échange marque « le retour de l’UMPS » sous la forme d’un « parti unique qui va du PS jusqu’à Laurent Wauquiez ».

Le