« Je vois que nous allons avoir un débat animé, notamment sur la question des cessions d’actifs. » En reprenant la parole, au cours de la discussion générale du projet de loi Pacte (plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises), ce mardi 29 janvier au Sénat, Bruno Le Maire a bien cerné quel était l’état d’esprit d’une grande partie de l’hémicycle. La vente des parts détenues par l’État dans la Française des Jeux et Aéroports de Paris (ADP) pour financer un fonds de soutien à l’innovation, qui n’est qu’un aspect dans un texte long de près de 200 articles, a occupé une grande partie des débats.
Face à la perte d’un actif jugé « stratégique » et au spectre du précédent des concessions d’autoroutes cédées dans les années 2000, les interventions se sont succédé, des groupes communistes et socialistes, jusqu’aux orateurs du groupe Les Républicains, au grand étonnement du ministre. « Je suis surpris des remarques dans la partie droite de cet hémicycle, qui devrait être sensible à cette idée simple : que l’on doit laisser l’État accomplir les missions essentielles et régaliennes et laisser les entreprises accomplir ce qui est du domaine du commerce. Je suis surpris de cette confusion », a répliqué le ministre à son ancienne famille politique. Les inquiétudes sur la cession d’Aéroports de Paris ne sont pas seulement partagées à gauche du Sénat, une grosse quarantaine de sénateurs LR envisage d’adopter un amendement s’y opposant.
Des « conséquences » tirées du précédent des autoroutes
Le rapporteur de ce chapitre, Jean-François Husson a considéré qu’il était « préférable de remédier aux lacunes du texte, plutôt que de s’y opposer frontalement, et probablement vainement », tout en reconnaissant que le cas des autoroutes privatisées pouvait inviter à la « méfiance ». Bruno Le Maire a promis que les leçons avaient été tirées, que les intérêts de l’État seraient préservés, et que les garanties étaient présentes. « Nous avons tiré toutes les conséquences, il y a des erreurs qui ont été faites, nous ne referons pas les mêmes erreurs. »
Le ministre a déclaré qu’une série de « blocages », « accumulés » au fur et à mesure des années, entravant le développement des entreprises et de l’innovation, allait être « levée ». Simplification d’un certain nombre de démarches administratives, montée en puissance de l’épargne salariale : « ces grandes lignes font consensus », a observé le ministre, en direction de la majorité sénatoriale de droite et du centre. Selon lui, l’intérêt du texte est « qu’il entre en vigueur le plus vite possible ». « Il est attendu par les chefs d’entreprise », a-t-il déclaré, confiant sur le fait qu’un « équilibre » soit trouvé avec les sénateurs sur d’autres points de blocages, comme la réorganisation des chambres de commerce ou de métier. « Ce texte est essentiel dans le contexte actuel », a considéré la présidente de la commission spéciale, Catherine Fournier (LR).
« Vous devriez vous réjouir », réplique Bruno Le Maire
L’une des rapporteures du texte, Élisabeth Lamure (LR), a prévenu que son groupe examinerait le texte dans un « esprit constructif ». Elle a toutefois déploré un « manque de préparation sur certaines dispositions ». « Certaines sont parfois bien modestes au regard des ambitions affichées », a-t-elle souligné.
Quand certains sénateurs de gauche redoutaient des atteintes aux droits des salariés, d’autres collègues à droite reprochaient au texte de « s’arrêter au milieu du gué ». Bruno Le Maire a rétorqué en indiquant que la diminution des différents seuils sociaux (des niveaux de salariés à partir desquels se déclenchent des obligations comptables et sociales) était l’une des mesures phares du texte, avec un impact direct pour le développement de l’entreprise. « Enfin, je regarde ce qui a été fait sur les seuils pour les PME depuis 15 ans. Et je ne vois rien, mais rien, mais rien, d’aussi significatif que ce qui est proposé dans ce texte, et qui va permettre à une PME de franchir de seuil, de 10, de 50 salariés, pendant 5 ans, c'est-à-dire la durée d’un cycle économique, sans avoir aucune obligation supplémentaire. Mais vous imaginez la liberté que ça donne aux entreprises d’embaucher ? […] Vous devriez vous réjouir. »
En plein grand débat national, Bruno Le Maire a également déclaré qu’il ne dévierait pas sur la politique fiscale, notamment sur la poursuite de la baisse de l’impôt sur les sociétés (avec un objectif à 25%). « Il ne sera jamais question de remettre en cause cette trajectoire », a-t-il assuré.
L’examen du projet de loi, qui s’étalera sur six journées entières, débutera par les mesures favorisant la création d’entreprises.