« Présider le groupe, c’est respecter chacun, mais aussi trancher », affirme Bruno Retailleau, réélu à la tête des sénateurs LR

Il restera le patron des sénateurs LR. Seul candidat, Bruno Retailleau a été réélu par acclamation à la tête du groupe LR du Sénat. Pour le Plateau, ce sera bien sûr Gérard Larcher. Si le groupe reste largement le premier du Sénat, les sénateurs LR sortent des sénatoriales en perdant quelques plumes. « Je pense qu’on sera autour de 135/136 », affirme Bruno Retailleau. Soit un recul de 9 ou 10 sièges.
François Vignal

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Petit air de rentrée au groupe LR. Après le tumulte des élections sénatoriales, c’est l’heure de la première réunion de groupe. Sur le perron du Sénat, les « anciens » se croisent et se congratulent. « C’est la rentrée des classes », lance Philippe Mouiller, élu des Deux-Sèvres. « Chacun a son cartable », sourit Cédric Perrin, sénateur du Territoire de Belfort.

Le chef de classe n’a pas changé. Pour la tête du groupe, les LR jouent la continuité. Bruno Retailleau a été réélu ce mardi par acclamation. Il était le seul candidat. Le sénateur de Haute-Saône, Alain Joyandet, qui avait été tenté de se lancer, n’a finalement pas présenté sa candidature, comme nous l’expliquions hier. Il n’est pas présent ce matin.

Aux deux postes de vice-présidents du groupe, ce sont Laurent Somon, sénateur de la Somme, et Frédérique Puissat, sénatrice de l’Isère, qui vont accompagner Bruno Retailleau, ainsi que le sénateur de la Sarthe, Jean-Pierre Vogel, comme trésorier. Ce dernier est à la ville expert-comptable.

Les sénateurs désignaient aussi ce mercredi matin leur candidat au Plateau, la présidence du Sénat. Et comme prévu, c’est Gérard Larcher, qui a été désigné, lui aussi par acclamation. Son élection est prévue le 2 octobre, à 15 heures.

« S’il y avait cette division entre le groupe centriste et nous, il y aurait un effondrement », avertit Bruno Retailleau

« Pour moi, c’est un honneur d’être désigné », réagit dans son bureau, après la réunion, Bruno Retailleau, « car aujourd’hui, à l’heure de l’individualisme, et de l’égotisme, la politique a tendance à se fragmenter. Un groupe politique, ce sont d’abord des liens affectifs. Une communauté de convictions. Il faut les deux. Mais pour le Sénat, c’est fondamental. Imaginez que le groupe majoritaire, principal, soit désuni. Il n’y aurait plus de colonne vertébrale. Et alors là, le Sénat s’effondrerait », alerte le président de groupe réélu (voir la vidéo, images de Samia Dechir). Il ajoute :

 C’est important de former un pack. Bien sûr, il y a des tempéraments, des trajectoires, qui sont très différents. Mais la façon de présider le groupe, c’est de respecter chacun, mais aussi trancher. Il faut qu’il y ait aussi une ligne. 

Bruno Retailleau, président du groupe LR du Sénat.

Il ne doute pas de la solidité de la majorité avec l’Union centriste, malgré les tentations macronistes de certains centristes. « Je connais bien son président, Hervé Marseille, avec qui j’ai des liens d’amitié. Il peut y avoir des divergences. C’est normal. Ils sont centristes. Nous, on ne l’est pas, on est de droite. Tous les deux, on partage cette idée, avec Gérard Larcher, qu’on tient l’institution sénatoriale. S’il y avait cette division entre le groupe centriste et nous, il y aurait un effondrement », prévient Bruno Retailleau. Il rappelle la ligne de la majorité : « Une opposition d’intérêt général. En clair, notre boussole, ce n’est pas la macronie. Ce n’est pas non plus l’anti-macronisme ». Autrement dit, ils seront à nouveau prêts à voter et amender les textes du gouvernement, quand il le faut.

Dans la Cour d’honneur, les sénateurs se saluent, s’embrassent

Un peu plus tôt, dans la Cour d’honneur, les sénateurs se saluent, s’embrassent. Catherine Dumas, réélue à Paris, semble déjà oublier les divisions qui ont marqué les LR dans la capitale. « C’était important d’avoir 4 sénateurs LR », dit-elle, alors que sa liste a fait 3 sièges, et qu’Agnès Evren, en partant en dissidence, a fait son siège. Un peu plus loin, devant les escaliers qui descendent à la Salle Médicis, où se réunit le groupe LR à huis clos, un petit attroupement se forme. L’avocat Francis Szpiner, élu derrière Catherine Dumas, explique qu’il se verrait bien siéger « à la commission des lois ». On n’est pas surpris. Jean-Raymond Hugonet arrive à son tour. A l’origine musicien professionnel, batteur de rock, il a été réélu en Essonne « à 6 voix près. Ça rend la victoire d’autant plus belle ». Mais elle est assombrie par le départ, annoncé la veille sur publicsenat.fr, de Laure Darcos, l’autre sénatrice LR du département, qui a très peu apprécié comment les investitures se sont passées. Cette modérée rejoint le groupe des Indépendants, où siègent notamment les sénateurs Horizons. « No comment », réagit d’abord Jean-Raymond Hugonet, avant d’ajouter : « Ça ne me surprend pas. C’est tout ce que les gens détestent en politique. On se drape dans la légitimité LR et le lendemain, on s’assoit dessus. Il faut de la continuité et de l’authenticité ».

Etienne Blanc compte bien, lui, rester au groupe. Certes, le sénateur LR du Rhône ne cache pas qu’il est « une voix un peu dissonante, car (il est) pour l’union des droites », autrement dit l’union entre des LR et l’extrême droite. Mais une union réalisée « pas sur les appareils, mais sur le fond ». Il ne faut donc pas compter sur lui pour répondre à la proposition faite, ce matin sur Public Sénat, par le sénateur Reconquête, Stéphane Ravier, de former un groupe avec les trois sénateurs RN et les LR qui le souhaiteraient.

Léger recul du groupe : « Un petit signal faible auquel il faut faire attention », selon Cédric Perrin

En cette rentrée, quelques nouveaux sont accueillis, a priori au nombre de 17. Mais la classe perd des élèves. Aux dernières nouvelles, les pertes chez les LR sont un peu plus grandes que les « 3 ou 4 » évoqués dimanche soir. Avant la réunion de groupe, ce mardi, un sénateur parle d’un total de 137 ou 138 sénateurs, soit – 7 ou – 8. En réalité, ce serait même un peu plus. « Je pense qu’on sera autour de 135/136 », nous affirme Bruno Retailleau. Soit un recul de 9 ou 10 sièges, comparés aux 145 membres jusqu’ici. « J’ai encore quelques sénateurs à voir, y compris ultra-marins », précise le sénateur LR de Vendée. Il faut en effet encore attendre jusqu’à mardi prochain pour connaître le chiffre définitif des groupes. De quoi laisser aux derniers hésitants le temps de se décider… et aux groupes de jouer de leurs charmes. « Il y a des négos. C’est le poker », s’amuse une collaboratrice d’un autre groupe.

Alors que les sénatoriales découlent des dernières municipales de 2020, qui s’étaient traduites par une victoire pour la droite, ne faut-il pas voir dans ce léger recul un signal faible inquiétant pour les LR ? « C’est un petit signal faible auquel il faut faire attention, regarder les conséquences. Mais on se maintient plutôt bien, quand on regarde les dernières évolutions », estime Cédric Perrin. « Notre famille politique n’est pas au mieux de sa forme », reconnaît et tempère pour sa part Bruno Retailleau, qui rappelle que les sénatoriales de « 2020, c’était très particulier. Le phénomène Renaissance n’avait pas d’enracinement. Il n’y avait pas Horizons. Quand vous voyez que de grandes agglomérations comme Reims ou Angers, partent à Horizons, vous avez une conséquence arithmétique ». Mais il rappelle que « le groupe LR va rester de très loin le premier groupe ».

Scrutin interne pour désigner les candidats aux postes clefs

Les sénateurs LR n’en ont pas fini avec les élections. Car un autre scrutin interne, avec plus d’incertitudes, va se jouer le mardi 3 octobre, avec un vote à bulletin secret pour départager les candidats aux postes à responsabilité. A savoir vice-présidences, questure ou présidences de commissions (lire notre article pour connaître les noms). « Il y a beaucoup d’effervescence mais aussi de tension, pour ceux qui sont candidats en interne », glisse l’un d’eux.

La règle interne aux LR veut qu’on ne peut pas faire plus de deux mandats de suite à une poste de président de commission. C’est pourquoi Christian Cambon lâche celle de la commission des affaires étrangères. Il devrait postuler cette fois à la questure. La règle s’était appliquée il y a trois ans à Philippe Bas, à la commission des lois. Devenu ensuite questeur, il postule cette année à la présidence de la commission des affaires étrangères, tout comme Roger Karoutchi, qui était premier vice-président du Sénat.

« Vent de dégagisme »

Mais chez un bon nombre de sénateurs LR, on entend dire que le renouvellement a du bon. « Il y a un vent de dégagisme », confirme un sénateur du groupe, face à ce qui pourrait paraître à certains comme « un petit club » des sénateurs plus capés. « Tous les sénateurs ont des qualités et sont aptes à remplir des fonctions », soutient Christine Lavarde, sénatrice LR des Hauts-de-Seine, qui postule de son côté à la délégation à la prospective. Mais il n’est pas exclu que dans trois ans, elle vise le poste prestigieux de rapporteur de la commission des finances, occupé pour le moment par Jean-François Husson, qui n’a pas de candidat face à lui. « Il y a un renouvellement », ajoute le sénateur LR Philippe Tabarot, élu il y a 3 ans. S’il fallait avant avoir au compteur plus d’un mandat pour espérer briguer des postes, aujourd’hui, les « jeunes » sénateurs ont moins de pudeur. « Personne ne m’a dit t’es là que depuis 3 ans, donc tu ne peux pas postuler », explique le sénateur des Alpes-Maritimes, qui est candidat à l’un des postes de secrétaires du Sénat.

Un peu comme les jeunes générations actuelles, dont on dit qu’elles sont du genre pressées, certains veulent accélérer le temps, qui s’écoule parfois un peu trop lentement. « Il y a une quinzaine de sénateurs de moins de 40 ans. Ils n’imaginent pas faire toute leur vie au Sénat », souligne Christine Lavarde. Autrement dit, certains veulent bousculer – du moins en douceur, sans trop d’à-coups – les habitudes. A son rythme, le Sénat suit aussi les évolutions de la société.

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