Le ministre de l’Éducation nationale a présenté devant les sénateurs de la commission de la culture et de l’Éducation un projet de budget pour 2021 en « nette hausse » pour l’ensemble scolaire : 53,6 milliards d’euros, soit plus de 1,6 milliard d’euros sur un an (+ 3 %), « deux fois plus que la trajectoire budgétaire définie l’an dernier pour l’exercice 2021 », a-t-il insisté.
Dans une période de grande incertitude, liée à l’épidémie, Jean-Michel Blanquer a souligné que la « grande priorité » serait que les élèves puissent « continuer à exercer leur droit à l’éducation ». « Je vois le verre à moitié plein […] On entend beaucoup de remarques, cela ne doit pas être simple », affirme le sénateur, Jacques Grosperrin.
Pour la « seconde année consécutive », le ministre a précisé que les emplois de son ministère seraient « sanctuarisés ». Mais 2021 s’annonce comme une année contrastée dans les différents niveaux scolaires. Comme depuis son arrivée rue de Grenelle, Jean-Michel Blanquer fait de l’école primaire la priorité, avec l’amélioration des taux d’encadrement. 2 039 postes supplémentaires y seront créés l’an prochain (7 000 depuis 2017), dans un contexte de baisse démographique : 65 000 élèves en moins sont attendus selon le ministre à la rentrée 2021.
Craintes des sénateurs pour le nombre de postes dans le secondaire
La décision a des effets sur les collèges et lycées, puisque 1 800 emplois du secondaire (équivalents temps plein) sont « redéployés » vers le primaire. « Nous compensons par une augmentation des moyens en heures supplémentaires pour maintenir le taux d’encadrement », a précisé Jean-Michel Blanquer.
Le ministre a également insisté sur les effets du plan de relance, mobilisé pour la relance des internats d’excellence et surtout les investissements dans le numérique (91 millions d’euros sur 2021-2022).
Le rapporteur de la commission de la culture et de l’éducation du Sénat, Jacques Grosperrin (LR) a estimé qu’avec ces « augmentations très conséquentes » du budget, on ne pouvait « pas faire la fine bouche ». Le sénateur a notamment salué les revalorisations de la rémunération des enseignants. « C’était un vrai problème », a-t-il reconnu. Un bémol et une interrogation ont toutefois été exprimés pour le sénateur du Doubs : le sort des postes dans le secondaire. Le point a également été soulevé par la sénatrice communiste Céline Brulin, pour qui cette diminution va « créer beaucoup de problèmes » dans les lycées.
Le ministre a « assumé » la logique d’un rééquilibrage en faveur du primaire, longtemps sous-investi par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE, selon lui, au bénéfice du second degré. « Le sujet pour la France n’est pas de créer des postes en plus – nous avons déjà plus d’un million de salariés – mais de mieux affecter les moyens budgétaires que nous avons », s’est-il défendu.
Quant à la sénatrice (Union centriste) Annick Billon, elle a voulu « s’assurer que le dédoublement des classes de grande section, CP et CE1 » ne faisait, elle, pas non plus « au détriment d’autres niveaux, et notamment du secondaire ». « Il n’y a pas de vases communicants dans la politique du dédoublement. Il y a des moyens propres mis dans le dédoublement dans le primaire », a assuré le ministre.
Le sénateur Max Brisson (LR) s’est demandé pourquoi le niveau des élèves avait baissé (en français et en mathématique), malgré ces créations de postes. « Je ne dirais pas que le niveau est en train de chuter, je dirais même le contraire. Les évaluations annuelles n’indiquent pas du tout une chute du niveau », a rétorqué le ministre.
Revalorisations des rémunérations : Jean-Michel Blanquer espère présenter le projet de loi de programmation l’an prochain
Le Grenelle de l’Éducation nationale, qui a débuté fin octobre, et qui se poursuivra jusqu’en janvier 2021, a également été abordé. Le ministre a eu l’occasion de revenir sur les décisions qu’il avait annoncées la veille. Il est notamment question du versement d’une prime d’activité pour les jeunes enseignants (ils représentent 35 % du corps enseignant) dans les 15 premières années de leur carrière, avec un montrant dégressif au fil du temps. Selon un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), le salaire des professeurs est de 7 % inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE en début de carrière. Interrogé au cours de l’audition sur les choix qui l’ont conduit à privilégier une prime au détriment d’une hausse de salaire plutôt que de jouer sur les grilles indiciaires, Jean-Michel Blanquer a défendu le choix de la « souplesse ». « Quand on joue sur les salaires, on joue sur les grilles de la fonction publique, ce sont des choses beaucoup plus complexes ». Une prime aurait aussi le mérite, selon lui, de prendre des mesures universelles, mais aussi plus ciblées. Il n’a pas exclu que la prime puisse s’étendre au-delà des 15 premières années « pour certains professeurs ».
Une prime d’équipement informatique (176 euros brut) est également prévue. Au total, la masse salariale augmente de 950 millions d’euros, dont la moitié de « mesures indemnitaires pérennes ». Le début, selon lui d’un mouvement « pluriannuel » pour une « revalorisation profonde » du métier de professeur.
Alors que syndicats d’enseignants mais aussi les parlementaires s’interrogent sur la suite de la politique de revalorisation salariale dans les prochaines années, le ministre n’a pas donné la trajectoire pluriannuelle, sur laquelle s’interrogeait le sénateur LREM Julien Bargeton. « Ce doit être le produit du Grenelle […] C’est trop tôt pour le dire ». « J’espère que revenir devant vous dans le courant de l’année 2021 », a annoncé Jean-Michel Blanquer, au sujet de la future loi de programmation pluriannuelle.