Les représentants du Rassemblement national ont rendez-vous à Bercy. Le nouveau ministre de l’Economie, Éric Lombard, boucle ce vendredi une première semaine de consultations avec les principales forces politiques en vue d’amender le budget 2025, dont l’examen est sur le point de reprendre au Sénat où il a été suspendu plus d’un mois après la chute du gouvernement de Michel Barnier. Les députés Sébastien Chenu, porte-parole du RN, et Jean-Philippe Tanguy, membre de la commission des finances à l’Assemblée nationale, sont attendus à 15 heures au ministère. L’occasion de rappeler les lignes rouges budgétaires de leur parti, celles-là mêmes qui ont poussé les 124 députés du groupe à voter le 4 décembre la motion de censure déposée par la gauche.
Les quatre lignes rouges du RN
Cet automne, Marine Le Pen s’était positionnée contre l’augmentation de la taxe sur l’électricité, contre le non-remboursement de certains médicaments, le décalage de l’indexation des retraites sur l’inflation et la baisse des exonérations de cotisations patronales. Autant de mesures qui devaient permettre à la copie budgétaire d’atteindre les 60 milliards d’euros d’économies. Désormais, l’équipe de François Bayrou envisage des objectifs financiers légèrement revus à la baisse pour éviter de casser la croissance et d’accroître la pression sur les ménages : 50 milliards d’économie pour un déficit ramené aux alentours de 5,5 % du PIB, au lieu des 5 % initialement envisagé sous Michel Barnier, a indiqué Éric Lombard sur France Inter.
Le vote en fin d’année d’une loi spéciale pour permettre aux administrations de continuer à tourner a réglé la question de l’indexation des pensions, puisque ce texte a reconduit la situation de 2024. Quant à la taxe sur l’électricité, Michel Barnier y avait renoncé au dernier moment, espérant encore échapper à la censure. Un arrêté publié fin décembre confirme cette situation : du fait de la fin des mécanismes anti-inflation, la taxe sur l’électricité remontera automatiquement le 1er février à son niveau d’avant-crise, mais sans surtaxe supplémentaire. Reste à savoir dans quelle mesure l’exécutif, qui a choisi de conserver les deux textes budgétaires examinés par le Parlement – le projet de loi de finances 2025 et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale – amendera ou non les autres dispositifs.
Justice fiscale
De manière générale, le RN se dit opposé aux hausses d’impôt, en particulier sur les entreprises et les ménages modestes. « Il faut enfin faire des économies structurelles dans notre pays, il n’est plus possible de toujours envisager d’augmenter les impôts, d’accabler les entrepreneurs, la France du travail », a martelé Jean-Philippe Tanguy ce vendredi matin au micro de BFM TV. Selon le journal L’Opinion, une contribution sur les hauts patrimoines ferait partie des pistes de travail de Bercy. « Il ne faut pas que cet ISF touche les usines, le capital productif, ceux qui produisent de la richesse en France », a encore commenté Jean-Philippe Tanguy. « Il faut que cette justice fiscale donne lieu à des baisses d’impôts sur les classes moyennes et les entreprises. Si c’est pour augmenter généralement la charge fiscale, ça ne sert à rien parce que l’on aura une paralysie de la croissance. »
Le député assure également que le RN est ouvert à un « débat » sur la suppression de l’abattement fiscal des retraités réclamée par le Medef. « Surtout il faut que cela soit conditionné à une indexation systématique des retraites », a-t-il souligné, toujours sur BFM TV.
Les élus du parti à la flamme souhaitent également soumettre plusieurs propositions d’économies au nouveau gouvernement. Arguant d’un excédent de trésorerie du côté des opérateurs de l’Etat, ils estiment que « trois ou quatre milliards d’euros » peuvent être repris de ce côté. Le RN réclame également la suppression de l’Aide médicale d’Etat (AME) et une baisse de la contribution française au budget de l’Union européenne.
Éric Lombard a prévenu qu’il ne reprendrait « pas nécessairement » les lignes rouges du parti de Marine Le Pen. Depuis plusieurs jours, le nouveau gouvernement fait montre de sa volonté de se débarrasser de l’épée de Damoclès que représente l’extrême droite au Parlement, en multipliant les tractations avec la gauche. À la faveur des dissensions qui agitent le Nouveau front populaire sur la stratégie à suivre, François Bayrou espère parvenir à négocier avec les socialistes, voire les écologistes et les communistes, un accord de non-censure, ce qui réduirait considérablement l’influence du RN.