Budget de la Sécurité sociale : les sénateurs socialistes vont proposer d’autres pistes de recettes

Budget 2025, le Sénat reprend l’examen de la copie Barnier : « S’il avait fallu repartir d’une feuille blanche, nous n’aurions rien eu avant mai »

L’examen du projet de loi de finances, interrompu par la censure du gouvernement de Michel Barnier en décembre, va finalement reprendre au Sénat à partir du 15 janvier, là où il s’était arrêté. Le nouvel exécutif devrait proposer ses modifications au fil du parcours législatif. Néanmoins, le maintien à l’ordre du jour d’un texte porté par un gouvernement qui a été renversé interroge sur la clarté du message politique ainsi envoyé.
Romain David

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Après une mise à l’arrêt de cinq semaines, les discussions budgétaires vont donc reprendre là où elles ont été brusquement stoppées, le 4 décembre dernier, lorsque le gouvernement de Michel Barnier a été censuré. Le Sénat, où le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 était en cours d’examen lorsque les députés de gauche et ceux du Rassemblement national ont joint leurs voix pour renverser l’exécutif, reprendra sa lecture du texte à partir du mercredi 15 janvier. Ce calendrier a été confirmé jeudi soir en Conférence des présidents. La Chambre haute, qui a déjà adopté le volet « recettes » du PLF après l’avoir largement amendé, planchera sur la partie « dépenses » avec l’examen des missions et programmes prévus pour le fonctionnement de l’Etat et la mise en œuvre des politiques publiques.

Le budget présenté par Michel Barnier, sur la base de la copie qui avait été esquissée lorsque Gabriel Attal était encore à Matignon, va donc continuer sa route, tandis que l’on ignore encore sur quelles retouches aboutiront les consultations organisées depuis le début de la semaine par Bercy, avec les représentants des principales forces politiques. A priori, le volume d’économies initialement visé de 60 milliards d’euros devrait être revu à la baisse, à 50 milliards. De même, l’objectif de réduction du déficit, à 5 % du PIB, pourrait plutôt se situer autour des 5,5 %.

« Ces chiffres ne sont pas pleinement satisfaisants, mais il faut reconnaître que le calendrier lui-même génère du déficit », commente auprès de Public Sénat le sénateur LR Stéphane Sautarel, vice-président de la commission des finances, alors que depuis le 1er janvier le financement des services publics est garanti par le vote d’une loi spéciale, qui reconduit les crédits du budget 2024, une situation quasi inédite sous la Ve République. « J’étais favorable à ce que l’on reprenne le travail là où nous l’avions arrêté, essentiellement pour des questions d’efficacité », explique Claude Raynal, le président socialiste de la Commission des finances. « La loi spéciale nous a permis de sauter la fin d’année, mais l’on ne peut pas se permettre de rester encore pendant des mois et des mois sans budget ».

Stéphane Sautarel abonde : « S’il avait fallu repartir d’une feuille blanche, nous n’aurions rien eu avant fin avril ou début mai. Là, nous pouvons espérer un budget d’ici le début du mois de mars ».

« C’est une incongruité démocratique ! »

Mais l’écologiste Thomas Dossus, autre vice-président de la commission des finances, ne l’entend pas vraiment de cette oreille : « Depuis le début on nous sert l’argument de l’urgence et de l’efficacité, mais la situation en devient saugrenue. On va finir d’étudier le budget alors que le gouvernement qui l’a présenté a été censuré. C’est une incongruité démocratique ! », dénonce l’élu du Rhône. « Les ministres au banc vont devoir défendre des lignes budgétaires qu’ils n’ont même pas négociées. »

Interrogé par Public Sénat, le rapporteur général du budget, le sénateur LR Jean-François Husson, évoque néanmoins un texte très composite : « La base du PLF, c’est le gouvernement Attal, puis Michel Barnier l’a modifié, puis arrive la loi spéciale intermédiaire, puis vient le passage de relais à François Bayrou, qui le modifie ». Le tout au risque d’une perte de sens. « Il est certain que la lisibilité de ce budget sera dégradée sur le fond du message politique, mais l’administration en place reste la même. Il y a une continuité des services. Et au vu du contexte politique, nous savions que nous n’aurions pas de grandes réformes structurelles avec ce texte », explique Stéphane Sautarel. Claude Raynal se veut plus nuancé : « Les ministres passent mais la discussion politique, elle, reste la même ».

Une probable commission mixte paritaire

Malgré la remise sur le métier d’un texte déjà partiellement voté, l’exécutif conserve une certaine flexibilité : sur la partie « dépenses » encore en débat, le gouvernement a la possibilité de proposer de nouveaux amendements, quant aux crédits qui ont déjà été adoptés, il peut toujours demander une seconde délibération. Concernant le volet « recettes » du PLF, qui a fait l’objet d’un vote solennel le 1er décembre au Sénat, les modifications ne pourront être négociées que lors d’une très probable commission mixte paritaire (CMP), un mécanisme législatif au cours duquel sept députés et sept sénateurs tentent de trouver un compromis sur un texte de loi qui n’a pas été voté dans les mêmes termes par les deux chambres. Rappelons qu’il n’existe pas de version du budget adoptée par les députés, ceux-ci l’ayant rejeté en bloc début novembre.

« Mon attention se porte essentiellement sur la CMP », avoue Claude Raynal. « À ce stade, le texte du Sénat compte 150 lignes de modifications par rapport au projet de loi présenté par le gouvernement de Michel Barnier. En face, l’Assemblée nationale a rendu copie blanche, ce qui veut dire que nous allons devoir retravailler l’ensemble du PLF en CMP. Pour ainsi dire ligne par ligne. Cela nécessitera un très important travail préparatoire. »

« Les amendements en CMP ne permettront que de légers bougés, avec des modifications à la marge, par exemple sur certains taux d’imposition. Ce sera de l’ordre de l’anecdotique », soupire Thomas Dossus qui rappelle la règle dite « de l’entonnoir ». En clair : les modifications proposées au cours d’une commission mixte paritaire ne peuvent concerner que des mesures figurant déjà dans le texte et sur lesquelles les deux chambres ne se sont pas entendues.

Dans le cas présent, en l’absence de version votée par l’Assemblée nationale, l’ensemble du PLF pourra être amendé, toutefois il ne sera pas possible d’y introduire de nouveaux dispositifs. « À l’arrivée, on va avoir un texte qui continue de porter des politiques macronistes à marche forcée », s’agace Thomas Dossus. « Je pense que le gouvernement fera tout pour que la CMP soit conclusive et s’éviter une seconde lecture. L’Assemblée nationale n’aura pas son mot à dire, ce sera un 49.3 avec censure ou pas censure. »

Pour ouvrir de nouvelles recettes, le gouvernement devra donc passer par un autre projet de loi. Notons que s’il n’introduit pas de nouvelles dépenses, l’exécutif pourra user d’un simple projet de loi ordinaire, plutôt que d’un budget rectificatif, véhicule législatif relativement contraignant. « Il est en effet possible de porter des mesures fiscales avec des projets de loi ordinaire au lieu d’une loi de finances, même si cet usage est devenu assez rare depuis la loi organique de 2001 », observe Stéphane Sautarel. « Finalement, même en reprenant le budget Barnier, on constate que le gouvernement dispose de marges de manœuvre suffisante pour faire à peu près tout ce qu’il veut », conclut Claude Raynal.

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