Le débat sur le projet de loi de finances (PLF) débute cet après-midi au Sénat. Les élus de la chambre haute vont plancher sur la copie initiale déposée par le gouvernement, la partie « recettes » ayant été rejetée par les députés le week-end dernier. Comme pour le financement de la sécurité sociale (PLFSS), la majorité sénatoriale a promis des coupes budgétaires, pour tenir une ligne du déficit du PIB à 4,7 % l’an prochain, contre 5,4 % cette année, alors même que Sébastien Lecornu tablait sur un objectif de 5 %.
La gauche sénatoriale « en posture de combat »
« On a bien travaillé en commission des Finances, depuis des semaines, mission par mission, sur des éventuelles économies et des éventuelles aussi baisses d’impôt de ce qui a été décidé par l’Assemblée, on est prêts et la copie a été validée », rapporte le sénateur LR Olivier Paccaud. « Nous allons proposer, en gros, de supprimer quatre milliards de hausses d’impôts et nous allons faire des économies à peu près pour le même montant », poursuit-il.
En face, la gauche minoritaire au palais du Luxembourg, se tient « en posture de combat », signale le sénateur communiste Ian Brossat. L’élu de Paris se dit « profondément écœuré », de l’issue des discussions sur le PLFSS : « Voilà une assemblée composée de gens […] correctement rémunérés et qui décident de geler les prestations sociales, de type RSA. Nous, qui vivons correctement, nous avons une majorité qui se dégage pour dire qu’à 500 ou 600 euros par mois, on peut s’en sortir. Qui peut concevoir une chose pareille […] dans notre pays qui compte dix millions de pauvres ? », s’indigne-t-il, « c’est profondément indécent ». Olivier Paccaud défend la ligne de la majorité de droite et du centre : « Pour beaucoup de prestations sociales, il n’y a pas eu de gel et il n’y en aura pas. On va revenir sur certains points […] : l’abattement des 10 % sur les retraites, nous proposer de ne pas supprimer totalement mais de la plafonner à 2500€ au lieu de 4000€ pour, qu’effectivement, les retraités les plus modestes ne soient pas touchés ».
La droite défend « le courage de prendre des mesures »
Quant à la trajectoire de la dette, le sénateur LR de l’Oise s’inquiète des « soixante-dix milliards de remboursements cette année des intérêts ». « On se prive d’une marge de manœuvre extraordinaire pour investir dans nos hôpitaux, nos écoles et nos services publics. Il faut avoir le courage de prendre des mesures ». Pas de quoi convaincre le porte-parole du PCF Ian Brossat : « Ce sont ceux qui nous gouvernent qui ont conduit le pays au bord du précipice […]. Ils ont multiplié les cadeaux au profit des très grandes entreprises et au profit des ménages les plus fortunés, en supprimant l’impôt de solidarité sur la fortune, et en multipliant ces aides publiques aux grandes entreprises, sans espèce de contrepartie ». « Je ne pense pas qu’il soit juste de dire que tout le monde doit faire des efforts. […] Il y a des gens qui ne cessent de se serrer la ceinture, et il y en a d’autres auxquels on ne demande strictement rien. […] Ce n’est pas ma vision de la justice sociale ». La droite, qui refuse la surtaxe de l’impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises, y voit le risque « de fragiliser notre tissu économique », explique Olivier Paccaud. Et la taxe prévue sur les holdings : « Nous voulons que ce soit une taxe anti-optimisation fiscale, donc nous l’avons recentrée sur les biens somptuaires ».
Autre piste de recettes avancée : la taxe sur les petits colis, évoluant de deux à cinq euros. « L’an dernier, il y a eu 775 millions de colis venant avant tout de Chine […], pour des produits fabriqués dans des conditions sociales particulièrement délicates, la problématique environnementale et écologie est mal traitée, et la concurrence déloyale pour nos entreprises ». Elle ne concernerait « que des entreprises étrangères », et « toucherait certainement les acheteurs », « mais peut-être qu’il vaut mieux qu’ils consomment français quand ils le peuvent ? », s’interroge Olivier Paccaud. Alors que la droite pourrait s’attendre à un consensus avec la gauche sur la question, Ian Brossat critique « typiquement ce qu’il ne faut pas faire » : « Ce sont les consommateurs qu’on va taper au porte-monnaie ».
Retour du clivage gauche-droite
Le volet des dépenses ne les met pas plus d’accord. Olivier Paccaud liste les pistes égrenées en commission : « 200 millions en moins sur l’AME, 200 millions en moins sur l’aide publique au développement, 90 millions sur la part individuelle du Pass Culture. […] Il faut trouver des recettes et minorer les dépenses ». Opposition claire d’Ian Brossat : « En réalité, ce que vous proposez, c’est de vous en prendre à la fonction publique et diminuer encore le nombre de fonctionnaires dans nos services publics ». Le clivage gauche-droite s’impose plus clair que jamais, dans un contexte budgétaire sous pression, dont l’issue positive peine à se dessiner.