Alors que François Bayrou va donner le 15 juillet les grandes lignes qu’il souhaite donner au budget 2026, le gouvernement a consulté en amont les forces politiques. Si on reste pour l’heure sur des intentions générales, l’état d’esprit de chacun commence à se dessiner. Le premier ministre joue gros. C’est probablement sa survie à Matignon qui est en jeu, à l’occasion du projet de loi de finances, l’automne prochain.
« Les pistes du club des 5 »
Au Sénat, les groupes représentants le socle commun, soit LR et Union centriste, pour la majorité sénatoriale, ainsi que les groupes RDPI (Renaissance), Les Indépendants (à majorité Horizons) et une partie du groupe RDSE, ont planché depuis deux mois sur des propositions à faire sur le budget, pour tenter d’accorder leurs violons.
« Ce sont les pistes du club des 5, c’est-à-dire des sensibilités, des formations qui font partie du socle commun », explique ce mardi matin Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances du Sénat, qui imagine ces propositions, remises lundi par le président du Sénat, Gérard Larcher, à François Bayrou, comme des « aides à la décision ». Il s’agit « d’un travail validé par les rapporteurs et surtout les présidents de chacune des cinq sensibilités qui font partie du socle commun du Sénat », précise le sénateur LR, « c’est le fruit d’un travail collaboratif et collectif ». A la différence des députés du socle commun, où 2027 complique déjà la donne, l’ambiance reste pour l’heure bonne entre sénateurs de la majorité gouvernementale.
Le Sénat propose « 10 milliards d’économies sur la sphère sociale » et « au minimum 15 milliards d’euros sur le projet de loi de finances », explique Elisabeth Doineau
Comme publicsenat.fr le révélait vendredi, le Sénat met sur la table l’idée de 25 milliards d’euros d’économies, dont 15 milliards d’euros par une année blanche, qui est « l’une des propositions », confirme la sénatrice centriste Elisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales, qui était aux côtés de Gérard Larcher, la veille, à Matignon. « On voulait montrer que le Sénat était là et ne voulait pas éviter le sujet », explique la sénatrice de la Mayenne.
« Sur l’aspect des dépenses sociales, du périmètre de la Sécu, nous avons présenté des possibles pistes d’économies pour 10 milliards d’euros, dont 5 milliards d’euros sur une année de gel de l’ensemble des prestations et 5 milliards sur les économies de dépense », explique Elisabeth Doineau (voir la vidéo, image d’Audrey Vuetaz).
Au « 10 milliards d’économies sur la sphère sociale », s’ajoutent « au minimum 15 milliards d’euros sur le projet de loi de finances, présenté par Jean-François Husson », précise la sénatrice de Mayenne.
Elisabeth Doineau reconnaît que « le compte n’y est pas car ce qu’il faudrait, c’est 40 milliards d’euros. Ce sont des premières pistes de travail ». Libre au gouvernement d’aller plus loin, en décidant d’éventuelles réformes, comme une nouvelle réforme de l’assurance chômage, que défend le président du groupe EPR de l’Assemblée, Gabriel Attal.
« On discute les uns avec les autres, on trouve des compromis »
On touche aussi ici aux différences entre groupes du socle commun. Les députés Renaissance refusent toute hausse d’impôt, y compris pour certains un gel du barème de l’impôt sur le revenu par l’année blanche, qui aurait pour conséquence de faire entrer dans l’impôt des Français qui n’y sont pas, et de l’augmenter pour d’autres.
L’année blanche fait en réalité débat y compris chez les LR et ne semble pas aller de soi. « Ce n’est pas le sujet pour l’instant, on va débattre », explique Jean-François Husson. « On n’est pas aligné, on discute les uns avec les autres, on trouve des compromis », avance Hervé Marseille, président du groupe Union centriste du Sénat.
« Ne pas revaloriser, cela permet de faire une économie de l’ordre de 10 milliards d’euros » souligne Hervé Marseille
Celui qui est aussi président de l’UDI défend le principe de l’année blanche. « Ne pas revaloriser, cela permet de faire une économie de l’ordre de 10 milliards d’euros », estime Hervé Marseille, qui affirme que la mesure est « partagée par la plupart des groupes de la majorité sénatoriale ». « Il faut baisser les budgets d’un certain nombre de ministères. Il faudra certainement toucher à tous les secteurs, sauf à la défense évidemment, et puis dans une moindre mesure à la sécurité ou à la justice », a-t-il précisé lundi, après sa rencontre à Bercy. Hervé Marseille préconise également de « plafonner la masse salariale du secteur public », en ne remplaçant pas un certain nombre d’agents partis à la retraite. « Il faut absolument alléger le poids de l’Etat », plaide-t-il. Le sénateur UDI des Hauts-de-Seine serait aussi « favorable » à une hausse de la « TVA », mais « visiblement, c’est quelque chose qui n’est pas accepté ».
S’il se dit comme Renaissance ou les LR « opposé à des prélèvements nouveaux », Hervé Marseille ne ferme pas la porte en réalité à quelques hausses d’impôts ciblées. « On peut discuter éventuellement d’un certain nombre de rectifications fiscales, qui vont dans le sens de la justice fiscale. Il faut réfléchir à quelque chose qui pourrait toucher les grandes fortunes, car il faut des signaux, comme on demande des efforts à tout le monde », plaide Hervé Marseille. Soit une ouverture vers les socialistes, sans qui François Bayrou ne pourra, à nouveau, pas faire adopter son budget.
Le PS demande « un effort aux plus aisés »
Justement, comme il l’a dit lundi à Eric Lombard (voir notre article), le président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner, rappelle que le PS défend « cette notion de justice fiscale, que nous souhaitons voir totalement intégrer au budget ».